Un blog pour se remuer les neurones et se secouer les fesses !
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vendredi 14 mai 2010

MON CHIEN STUPIDE (WEST OF ROME), John FANTE, 1985.

***Drôle.

L'histoire : Un jour, un chien abandonné se trouve dans le jardin, un Akita, race japonaise. L'auteur au début réticent, en constatant que le chien gagne tous les combats rien qu'en voulant sodomiser les chiens mâles, se met à l'aimer énormément. Ce qui lui plaît chez ce chien, c'est qu'il se tire des mauvais pas sans violence, par la luxure, il aime cette idée.
Ce roman traite avant tout des difficultés de la vie de famille et plus exactement de la difficulté d'élever des enfants et de rester conscient d'aimer sa femme (je ne sais pas comment le formuler autrement).
C'est avant tout un portrait des individus qui composent cette famille, de toutes les désillusions concernant les désirs des parents projetés sur leurs enfants, qui sont bien souvent décevants, ingrats et devenus de réels étrangers.
Le héros a pour objectif de se débarrasser de ses enfants un par un du toit familial, afin de réaliser le rêve de sa vie : retourner vivre en Italie, en laissant sa femme toute seule, et vivre sa vie d'homme libre aux côtés d'une jeune et belle italienne.
Mais tout cela est dit et écrit avec beaucoup d'humour et beaucoup de tendresse. 
Les enfants quittent en effet la maison un par un, mais ce qui en résulte n'est finalement pas le bonheur qu'il imaginait.
Finalement, comme on pouvait s'y attendre dans tout bon film, pardon, roman américain, c'est qu'il aime profondément sa famille.


Style : Comme Bukowski -qui a pour influence Fante- le style n'est pas transcendant, tout est très facile à lire et à comprendre. MAIS, tout est parfaitement structuré et très bien écrit et surtout, très drôle, et ça, ce n'est pas donné à tout le monde.

Le plus beau passage : "Pas étonnant que je sois désormais incapable d'achever un roman. Pour écrire, il faut aimer, et pour aimer il faut comprendre. Je n'écrirais plus tant que je n'aurais pas compris Jamie, Dominic, Denny et Tina ; quand je les comprendrais et les aimerais, j'aimerais l'humanité tout entière, mon pessimisme s'adoucirait devant la beauté environnante, et ça coulerait librement comme de l'électricité à travers mes doigts et sur la page", p.119

A offrir à : mes parents et tous les parents du monde qui ne comprennent pas leurs enfants, ça leur remontera le moral et à tous les enfants ingrats comme moi qui sont en colère contre leurs parents.

Pourquoi ce livre ?
- Parce que j'ai vu cet auteur plusieurs fois cité par des mecs sur adopte...(lol)
- Parce que je viens de lire Femmes de Bukowski qui dit que c'est son auteur préféré numéro 1, AVANT Céline et que ça m'a bien perturbée (je suis rassurée maintenant : ça ne vaut pour rien au monde Voyage au bout de la nuit, mais bon faut que j'en lise plus c'est sûr...)

Réflexions suite à ces deux lectures consécutives : Je constate un pragmatisme tout à fait anglo-saxon dans le style Bukowski/Fante, qui consiste à tout miser sur la structure avant la recherche esthétique. C'est simple, chez ces deux auteurs, il n'y pas ou peu de recherche esthétique. S'il y a un style, il se caractérise par la simplicité et l'humour. Point.

Mon idée principale consiste à penser que plus on veut ressembler aux génies et que l'on n'est pas un génie, plus on s'égare ; on devient pompeux, maniéré, ampoulé, enflé, ronflant, pédant et le pire de tout pour un écrivain : ennuyeux.
Sollers est à mi-chemin : Femmes est très intéressant à lire, mais ce n'est pas structuré simplement, c'est pédant (croule sous les références : ne jamais faire comme lui), ce n'est pas à mourir de rire et on ne retient aucun style personnel parce que la recherche esthétique est étouffée de références et d'influences diverses. Sollers est un écrivain trop admiratif. C'est ça son problème. (Oui je sais que je parle d'un écrivain publié, reconnu qui a un pouvoir dans l'édition immense, notamment Gallimard).

Si l'on tente la recherche esthétique à tout prix, soit ce qu'on écrit est complexe, profond et BEAU ; soit ce qu'on écrit est complexe, incompréhensible et LAID.
Tout cela, Maupassant l'a dit merveilleusement bien avant moi, au XVIIIème siècle, mais bon, j'en prends conscience moi-même de façon plus importante aujourd'hui.

Si on n'est pas un génie, il vaut mieux tenter, comme Bukowski, de raconter les choses dans un langage simple que tout le monde peut comprendre sur un sujet que tout le monde aime : le sexe ; avec beaucoup d'humour. Et tenter comme Fante, de structurer rigoureusement son récit (on voit qu'il est formaté par l'industrie cinématographique qui exige un récit ultra-structuré pour des raisons techniques) et tenter d'être -si on en a le talent- d'être aussi drôle que lui. C'est son humour qui n'est pas donné à tout le monde. Il m'a fait rire toute la nuit, jusqu'à 2h du mat (au point que je suis arrivée sacrément en retard au travail le lendemain matin).
Facile à comprendre sur un sujet efficace (universel) avec humour : voilà l'attitude pragmatique anglo-saxonne outre-Atlantique, pour ces deux auteurs du moins.

Le problème, c'est que lorsqu'on a lu Voyage au bout de la Nuit (dont sont "fans" Sollers et Bukowski) c'est très dur de ne pas vouloir trouver sa propre esthétique.
C'est très dur de se dire "je vais écrire un truc simple facile à comprendre sur un sujet réaliste voire tragique qui intéresse tout le monde avec beaucoup d'humour et de tendresse sans vouloir chercher à tout prix un esthétisme original qui me desservira car je suis consciente de n'être pas un génie" sans se dire que ce livre passera dans l'oubli, parce qu'il y en a tellement, déjà, des livres comme ça.
A moins d'être particulièrement drôle, ou de toucher un sujet particulièrement sensible et universel de façon malgré tout nouvelle (et c'est ça qui devient de plus en plus dur car la subversion me semble plus dans le passé que dans le présent où l'on peut tout dire), comment trouver la motivation d'écrire ?