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mardi 31 décembre 2019

LES RAISINS DE LA COLERE, JOHN STEINBECK, 1939, ETATS-UNIS.



LES RAISINS DE LA COLÈRE, JOHN STEINBECK, 1939, ÉTATS-UNIS.

La structure du roman : l’auteur alterne entre l’histoire de la famille Joad dont Tom Joad, le fils aîné libéré de prison est le héros principal et des chroniques sur cette période historique de la Grande Dépression de 1929.
Ray Bradbury fera quasiment la même chose dans Les Chroniques martiennes (1950) : il alterne des récits de la vie humaine de tous les jours sur Mars et des récits d’exploration pure de Mars. La différence est que tous les récits de vie humaine sont indépendants les uns des autres, en revanche les récits d’exploration sont chronologiques. Dans les deux cas, l’un ne gêne absolument pas l’autre, au contraire, cela est très agréable.
Le seul bé mol est que j’ai mis quatre bons chapitres interminables avant de rentrer dans l’histoire.
Édition utilisée : Gallimard, juillet 2012.

CHAPITRE IV (Rencontre avec Casy, l’ancien prêcheur pécheur).

« Casy prit la bouteille et la regarda pensivement.
- Je prêche plus guère. Les gens n’ont plus guère l’esprit du Seigneur en eux et le pire, c’est que l’esprit du Seigneur n’est plus en moi non plus. Bien sûr, il arrive des fois que l’esprit se remet à me travailler, alors je m’arrange pour monter un meeting, ou bien quand les gens m’offrent à manger, je récite une prière, mais le coeur n’y est plus. Si je le fais, c’est simplement parce qu’ils l’attendent de moi. », p. 32-33.
⇒ Je me sens pareil dans mon travail.

« Tous les ans, dit Joad, d’aussi loin que je peux me rappeler, notre récolte promettait d’être fameuse, et ça n’a jamais rien donné. Grand-père vous dira qu’elle était bonne pendant les cinq premiers labours, tant que les herbes sauvages y poussaient encore », p. 43, John Steinbeck, Les Raisins de la Colère, Chapitre IV, 1939.

Casy :
– Je m' dis : « Qu'est-ce que cette vocation, ce Saint-Esprit ? » et je m' dis : « C'est l'amour. J'aime tellement les gens que des fois j' suis prêt à éclater. » Et je m' dis : « Et Jésus, c'est-il donc que tu ne l'aimes pas ? » Alors là, j'ai tourné et retourné ça dans ma tête et finalement j'ai dit : « Non, j' connais personne du nom de Jésus. J' connais des histoires, ça oui, mais il n'y a que les gens que j'aime. Et des fois j'les aime à en éclater et j' voudrais les rendre heureux, c'est pourquoi je leur ai prêché des choses que je pensais qu'elles pouvaient les rendre heureux. », p.37.
« Pourquoi faut-il qu'on mette ça au compte de Dieu ou de Jésus ? Des fois, j' me suis dit, c'est peut-être bien tous les hommes et toutes les femmes que nous aimons, c'est peut-être bien ça, le Saint-Esprit – l'esprit humain – tout le bazar. Peut-être bien que les hommes n'ont qu'une grande âme et que chacun en a un petit morceau. » Et comme j'étais en train de penser ça, tout d'un coup, j'en ai été sûr. J'en étais tellement sûr tout au fond de moi, que c'était vrai. Et je le suis toujours », p.38.
⇒ Ce concept de « Super-Âme » vient de l’essai « The Over-Soul » du penseur américain Ralph Waldo Emerson, publié en 1841.

CHAPITRE V

« Les agents poursuivaient leur raisonnement :
- Vous savez bien que la terre devient de plus en plus pauvre. Vous savez ce que le coton fait à la terre, il la vole, il lui suce le sang. », p. 48,

«  - Mais vous allez tuer la terre avec tout ce coton.
- Nous le savons. A nous de nous dépêcher de récolter du coton avant que la terre ne meure...Après on vendra la terre. »

« - Nous sommes désolés. Ce n’est pas nous. C’est le monstre. Une banque n’est pas comme un homme.
- Oui, mais la banque n’est faite que d’hommes.
- Non, c’est là que vous faites erreur...complètement. La banque, ce n’est pas la même chose que les hommes. Il se trouve que chaque homme dans une banque hait ce que la banque fait, et cependant la banque le fait. La banque est plus que les hommes, je vous le dis. C’est le monstre. C’est les hommes qui l’ont créé, mais ils sont incapables de le diriger. 
Les métayers criaient :
– Grand-père a tué les Indiens, Pa a tué les serpents pour le bien de cette terre. Peut-être qu'on pourrait tuer les banques. Elles sont pires que les Indiens, que les serpents.
Peut-être qu'il faudrait qu'on se batte pour sauver nos terres comme l'ont fait Grand-père et Pa. Et maintenant les représentants se fâchaient :
– Il faudra que vous partiez.
– Mais c'est à nous, criaient les métayers. Nous...
– Non. C'est la banque, le monstre, qui est le propriétaire. Il faut partir. – Nous prendrons nos fusils comme Grand-père quand les Indiens arrivaient. Et alors ?
– Alors... d'abord le shérif, puis la troupe. Vous serez des voleurs si vous essayez de rester et vous serez des
assassins si vous tuez pour rester. Le monstre n'est pas un homme mais il peut faire faire aux hommes ce qu'il veut.
– Mais si nous partons, où irons-nous ? Comment irons-nous ? Nous n'avons pas d'argent.
– Nous regrettons, disaient les représentants. La banque, le propriétaire de cinquante mille arpents ne peuvent pas être considérés comme responsables. Vous êtes sur une terre qui ne vous appartient pas. Une fois parus vous trouverez peut-être à cueillir du coton à l'automne. Vous pourrez peut-être recevoir des secours du fonds de chômage.
Pourquoi n'allez-vous pas dans l'Ouest, en Californie ? Il y a du travail là-bas, et il n'y fait jamais froid. Mais voyons, vous avez des oranges partout, il suffit d'étendre la main pour les cueillir. Mais voyons, il y a toujours quelque récolte en train là-bas. Pourquoi n'y allez-vous pas ? Et les agents mettaient leurs voitures en marche et disparaissaient.»., p. 50-51.

CHAPITRE V

EXTRAIT 1 : p. 53 à 54. LES PREMIÈRES BLESSURES HUMAINES À LA TERRE PAR L’AGRICULTURE INDUSTRIELLE. (à tester en 5ème : « L’homme est-il maître de la Nature ? »
Passage très important où la relation charnelle et spirituelle entre l’homme et la terre est rompue.

Les tracteurs arrivaient sur les routes, pénétraient dans les champs, grands reptiles qui se mouvaient comme des insectes, avec la force incroyable des insectes. Ils rampaient sur le sol, traçaient la piste sur laquelle ils roulaient et qu'ils reprenaient. Tracteurs Diesel, qui crachotaient au repos, s'ébranlaient dans un bruit de tonnerre qui peu à peu se transformait en un lourd bourdonnement. Monstres camus qui soulevaient la terre, y enfonçant le groin, qui descendaient les champs, les coupaient en tous sens, repassaient à travers les clôtures, à travers les cours, pénétraient en droite ligne dans les ravines. Ils ne roulaient pas sur le sol, mais sur leur chemin à eux. Ils ignoraient les côtes et les ravins, les cours d'eau, les haies, les maisons. 
L'homme assis sur son siège de fer n'avait pas l'apparence humaine ; gants, lunettes, masque en caoutchouc sur le nez et la bouche, il faisait partie du monstre, un robot sur son siège. Le tonnerre des cylindres faisait trembler la campagne, ne faisait plus qu'un avec l'air et la terre, si bien que terre et air frémissaient des mêmes vibrations. Le conducteur était incapable de le maîtriser... il fonçait droit dans la campagne, coupait à travers une douzaine de fermes puis rebroussait chemin. Un coup de volant aurait pu faire dévier la chenille, mais les mains du conducteur ne pouvaient pas tourner parce que le monstre qui avait construit le tracteur, le monstre qui avait lâché le tracteur en liberté avait trouvé le moyen de pénétrer dans les mains du conducteur, dans son cerveau, dans ses muscles, lui avait bouché les yeux avec des lunettes, l'avait muselé... avait paralysé son esprit, avait muselé sa langue, avait paralysé ses perceptions, avait muselé ses protestations. Il ne pouvait pas voir la terre telle qu'elle était, il ne pouvait pas sentir ce que sentait la terre ; ses pieds ne pouvaient pas fouler les mottes ni sentir la chaleur, la puissance de la terre. Il était assis sur un siège de fer, les pieds sur des pédales de fer. Il ne pouvait pas célébrer, abattre, maudire ou encourager l'étendue de son pouvoir, et à cause de cela, il ne pouvait pas se célébrer, se fustiger, se maudire ni s'encourager lui-même. Il ne connaissait pas, ne possédait pas, n'implorait pas la terre. Il n'avait pas foi en elle. Si une graine semée ne germait pas cela ne faisait rien. Si les jeunes plants se fanaient par suite de la sécheresse ou s'ils étaient noyés par des pluies diluviennes le conducteur ne s'en inquiétait pas plus que le tracteur. 
Il n'aimait pas plus la terre que la banque n'aimait la terre. Il pouvait admirer le tracteur... ses surfaces polies, la puissance de son élan, le grondement de ses cylindres détonants ; mais ce n'était pas son tracteur. Derrière le tracteur tournaient les disques luisants qui coupaient la terre avec des lames – de la chirurgie, non du labour – qui repoussaient la terre coupée à droite où la seconde rangée de disques la coupait et la rejetait à gauche ; lames tranchantes qui brillaient, polies par la terre coupée. Et, tirées derrière les disques, les herses qui ratissaient avec leurs dents de fer, si bien que les plus petites mottes s'émiettaient et que la terre s'aplanissait. Derrière les herses, les longs semoirs...douze verges en fer incurvées, érigées à la fonderie, aux orgasmes déclenchés par des leviers, au viol méthodique, au viol sans passion. Le conducteur était assis sur son siège de fer et il était fier des lignes droites qu'il avait tracées sans que sa volonté fût intervenue, fier du tracteur qu'il ne possédait ni n'aimait, fier de cette puissance qu'il ne pouvait pas contrôler Et quand cette récolte poussait et était moissonnée, nul homme n’avait écrasé entre ses paumes les mottes chaudes et n’en avait laissé couler la terre entre ses doigts. Personne n’avait touché la graine, ni imploré ardemment sa croissance. Les hommes mangeaient ce qu’ils n’avaient pas produit, rien ne les liait à leur pain. La terre accouchait avec les fers et mourait peu à peu sous les fers ; car elle n’était ni aimée, ni haïe, elle n’était l’objet ni de prières, ni de malédictions ». p. 53-54.

⇒ Dans tous les épisodes de l’émission « Rendez-vous en terre inconnue », les peuples traditionnels des quatre coins du globe sont animistes et font des offrandes à la Terre, la remercient et l’implorent d’être féconde. Cela m’incite à avoir -comme mon collègue de Lettres Stéphane- une Vierge Marie noire à qui je vais dresser un autel et faire des offrandes et des prières aussi, lol. Où la trouver ?
⇒ Révélation : l’amour moderne est presque ainsi dans son mode de fonctionnement consumériste et froid. Seul le fait de tomber amoureux remet une part de sacré, de magie et finalement d’humanité dans la pensée et l’acte d’aimer.

p. 56 : Le métayer réfléchissait :
« - C’est juste, disait le métayer. Qui te donne des ordres ? J’irai le trouver. C’est lui qu’à tuer.
- Pas du tout. Il reçoit ses ordres de la banque. C’est la banque qui lui dit : « Foutez ces gens dehors, sans quoi c’est vous qui partez ».
- Elle a bien un président, cette banque, et un conseil d’administration. J’remplirai mon barillet et j’irai à la banque.
Le conducteur répondait :
- Un type me disait que la banque recevait ses ordres de l’Est. Les consignes étaient : « Faites produire la terre, sans quoi nous vous faisons fermer ».
- Mais où ça s’arrête-t-il ? Qui pouvons-nous tuer ? J’ai pas envie de mourir de faim avant d’avoir tué celui qui m’affame.
- J’sais pas. Peut-être bien qu’il n’y a personne à tuer. Il ne s’agit peut-être pas d’hommes. Comme vous dites, c’est peut-être la propriété qui en est la cause. (…)  ».   p.57-58.

CHAPITRE VI

Joad dit : – Y a un type, à Mac-Alester... un à perpète. Il passe son temps à étudier. Il est secrétaire du directeur. Il lui écrit ses lettres et des trucs comme ça. Bref, il est tout ce qu'il y a de plus calé, il connaît le droit et un tas de machins dans ce genre-là. Ben, j'lui en ai causé un jour, vu qu'il lit tellement de livres. Et il m'a dit que ça n'avançait à rien de lire des livres. Il m'a dit qu'il avait lu tout ce qu'on a écrit sur les prisons, aujourd'hui et dans l'ancien temps ; et il m'a dit qu'il comprenait encore moins maintenant qu'il avait lu tout ça qu'avant de commencer à lire. Il dit que c'est quelque chose qui remonte au diable sait quand et que personne semble capable de l'arrêter, et que personne n'a l'air d'avoir assez de jugeote pour le changer. « Ne va surtout pas te mettre à lire là-dessus, qu'il disait, parce que ça ne fera que t'embrouiller davantage et en plus tu perdras tout respect pour les types qui sont dans le gouvernement. », p. 80.


CHAPITRE VIII (Retrouvailles de Tommy avec famille).

Le mal dans les prisons, 108-110.

– Tommy, dit-elle, hésitante, timide.
– Oui ? Par contagion, lui aussi se sentait intimidé, curieusement embarrassé. Ils savaient tous les deux qu'ils étaient timides, et le fait qu'ils en étaient conscients les rendait plus timides encore.
– Tommy, faut que je te demande... t'as pas de colère ?
– De colère, Man ?
– Oui, t'es pas empoisonné de colère ? T'as pas de haine en toi ? On ne t'a rien fait dans cette prison pour te pourrir, te rendre fou de rage ? Il la regarda du coin de l'œil, l'étudia, et ses yeux semblaient lui demander comment elle pouvait être au courant de choses pareilles.
– N... n... non, dit-il. J'l'ai été pendant quelque temps. Mais je suis pas tant fier comme il y en a. Ça glisse sur moi. Qu'est-ce t'as, Man ? Elle le regardait maintenant, la bouche ouverte, comme pour mieux entendre, les yeux rétrécis pour mieux comprendre. Son visage cherchait la réponse qui se cache toujours sous les mots. Elle dit, troublée :
– J'ai connu Pretty Boy Floyd. J' connais sa mère. C'étaient de braves gens. Il avait le diable dans le corps, comme tout bon garçon. (Elle s'interrompit, puis reprit, précipitamment : ) Y a des choses là-dedans que je sais pas, bien sûr, mais ça je le sais. Il avait fait une petite chose qu'était pas bien, et ils l'ont maltraité ; ils l'ont pris et ils l'ont tellement maltraité que ça l'a rendu furieux et la fois d'après qu'il a fait quelque chose de mal c'était plus grave, et eux ont recommencé à le maltraiter. Alors la rage l'a rendu mauvais. Ils lui ont tiré dessus comme sur une sale bête, et il a riposté, alors ils l'ont pourchassé comme un coyote, et lui leur tirait dessus en montrant les dents, mauvais comme un loup. Fou de rage... c'était plus un garçon, c'était plus un homme, c'était un vrai chien, enragé. Mais les gens qui le connaissaient ne lui faisaient pas de mal. C'était pas à eux qu'il en avait. Finalement ils l'ont cerné et ils l'ont tué. Peu importe ce qu'ont dit les journaux comme quoi il était méchant et tout... C'est comme ça que ça s'est passé. (Elle s'arrêta et lécha ses lèvres sèches, et tout son visage était tendu d'inquiétude.) Il faut que je sache, Tommy. Est-ce qu'ils t'ont fait beaucoup de mal ? Est-ce qu'ils t'ont rendu fou de rage comme ça ? Les fortes lèvres de Tom étaient serrées sur ses dents. Il abaissa ses regards sur ses grosses mains plates.
– Non, dit-il. Je ne suis pas comme ça. Il s'interrompit et examina ses ongles brisés qui étaient striés comme des coquillages.
– Tout le temps que j'étais en taule, j'ai tâché à éviter les histoires comme ça. J'ai pas tellement de colère. Elle soupira, très bas :
– Dieu soit loué. Il leva rapidement les yeux :
– Man, quand j'ai vu ce qu'ils avaient fait à notre maison... Elle s'approcha alors, et se tint tout contre lui, et d'une voix passionnée, elle lui dit :
– Tommy, ne t'avise pas de leur résister tout seul. Ils te feraient la chasse comme à un coyote. Tommy, j'ai réfléchi, j'ai rêvé, je me suis demandé bien des choses. Il paraît qu'il y en a cent mille qu'on a chassés comme nous. Si on était tous aussi montés contre eux, Tommy... ils n'oseraient pas nous pourchasser. Elle s'arrêta. Tommy, qui la regardait, abaissa lentement ses paupières et bientôt on ne vit plus qu'une petite lueur entre ses cils.
– Y en a beaucoup qui pensent comme ça ? demanda-t-il.
– J' sais pas. Ils sont comme assommés. Ils vont, ils viennent, l'air à moitié endormis.

CHAPITRE X (le départ)

« – Je ne baptiserai pas. Je travaillerai dans les champs, dans les champs verts, et je resterai près des gens. Je n'essaierai plus de rien leur enseigner, rien. Je vais essayer d'apprendre. J'apprendrai pourquoi les gens marchent dans l'herbe ; je les entendrai parler, je les entendrai chanter. J'écouterai les enfants manger leur bouillie. J'écouterai les maris et les femmes faire gémir les matelas la nuit. Je mangerai avec eux et j'apprendrai. (Ses yeux étaient humides et brillants.) Je me coucherai dans l'herbe, ouvertement et honnêtement, avec toutes celles qui voudront de moi. Je veux sacrer et jurer et entendre la poésie des gens qui parlent. C'est tout cela qui est saint, tout cela que je ne comprenais pas. Toutes ces choses-là sont de bonnes choses.
– Amen, dit Man.
Le pasteur s'assit humblement sur le billot près de la porte.
– Je me demande ce que la vie peut bien avoir en réserve pour un homme si seul.
Tom toussa discrètement :
– Pour un homme qui ne prêche plus... commença-t-il.
– Oh ! pour ce qui est de parler, je ne donne ma langue à personne, fit Casy. J' peux pas le nier. Mais je ne prêche pas. Prêcher c'est raconter des boniments aux gens. J' les interroge. C'est pas prêcher, ça ? », p. 132-133.« Man ouvrit le four et prit le tas d’os croustillants, encore bien fournis de chair à ronger. (…) les adultes restèrent près de la porte, frissonnant un peu et rongeant le porc croustillant », p. 154.
⇒ Ce passage m’a donné envie d’acheter du porc croustillant chez Tang Gourmet. Je ne l’ai pas fait mais la prochaine fois que je le fais, je le savourerai différemment. 

CHAPITRE XII (sur la route 66).

« Je suis dans les affaires. Mon métier c’est de vendre des pneus, c’est pas d’en faire cadeau. C’est pas de ma faute, ce qui vous arrive. Faut que je pense à ce qui m’arrive à moi. », p. 167.

« Les États-Unis tout entiers c'est pas tellement grand. C'est pas assez grand. Y a pas assez de place pour vous et moi, pour les gens de votre espèce et pour ceux de la mienne, pour les riches et pour les pauvres ensemble dans un seul pays, pour les voleurs et pour les honnêtes gens. Pour ceux qui ont faim et pour ceux qui sont trop gras. Pourquoi que vous retournez pas là d'où qu' vous venez ?
On est dans un pays libre, tout de même. On peut bien aller où on veut.
Ah vous croyez ça ! Vous avez jamais entendu des inspecteurs aux frontières de la Californie ? La police de Los Angeles... elle vous arrête, bougre de couillons, elle vous fait faire demi-tour. Ils vous disent : « Si vous ne pouvez pas acheter des terrains on n'a pas besoin de vous. Vous avez un permis de conduire ? Faites-le un peu voir », qu'ils vous disent. Et hop, le v'là déchiré. « Vous ne passerez pas sans permis de conduire », qu'ils vous disent.
On est bien dans un pays libre, tout de même. Eh bien tâchez d'en trouver, de la liberté. Comme dit l'autre, ta liberté dépend du fric que t'as pour la payer », p. 167.

« (…) chaque fois que j’entends un homme d’affaires parler de « service » je me demande toujours qui c’est qui se fait baiser. Quand on est dans les affaires, faut toujours mentir et tricher, mais on appelle ça autrement », p. 168.

« Deux cent cinquante mille personnes sur les routes. Cinquante mille vieux tacots », p. 169.

⇒ De Sallisaw dans l’Oklahoma jusqu’en Californie, Google maps dit : 558 h (1 706 miles) soit 2745,541 kilomètres et 23 jours non-stop via la route 66.

CHAPITRE XIII (La mort du grand-père).

« Et de nouveau son regard se porta devant elle, sur la route étincelante. Al, conduisant d'une main, mit l'autre sur la tige vibrante du levier des vitesses. Il éprouvait de la difficulté à parler. Sa bouche formait les mots lentement avant de les proférer. – Man. Elle se tourna lentement vers lui et sa tête oscillait un peu aux secousses de la voiture.
– Man, tu as peur ? Tu as peur de t'en aller dans un pays nouveau ? Ses yeux devinrent pensifs et doux : – Un petit peu, répondit-elle. C'est pas exactement de la peur. J' suis là à attendre. Quand il arrivera quelque chose et qu'il faudra que j'agisse... je le ferai.
– Tu ne penses pas à ce qu'on va trouver en arrivant là-bas ? T'as pas peur que ça ne soit pas si beau qu'on se le figure ?
– Non, fit-elle vivement. Non, non. C'est pas une chose à faire. Je ne veux pas faire ça. C'est trop... ce serait vouloir vivre trop de vies. Devant nous il y a des milliers de vies qu'on pourrait vivre, mais quand le moment sera venu il n'y en aura plus qu'une. Si je me mets à suivre toutes les routes possibles, y en aurait trop. Toi tu peux vivre dans l'avenir, parce que tu es si jeune, mais nous, moi, il y a la route qui défile, et on est dessus, et c'est tout. Et la seule chose qui compte, c'est à quel moment au juste ils vont me demander
des os de porc à manger. (Sa figure se durcit.) C'est tout ce que je peux faire. J' peux pas faire plus. Si j' faisais plus que ça, les autres en seraient tout retournés. Ils se fient tous à moi pour que justement je ne pense pas plus loin que ça », p. 172-173.

« Et puis, nous autres, on se fait un point d’honneur à ne pas se laisser aller. Mon papa disait : « C’est à la portée de tout le monde de flancher, mais faut être un homme pour tenir le coup. Nous tâchons toujours de ne pas nous laisser abattre », p. 197.

« Enfant né dans le malheur sera enfant du bonheur », p. 198.

« Enfant né dans le plaisir devra s’attendre à souffrir », p. 198.
⇒ Je le savais bien ! Mes parents ont tellement INSISTÉ pour me faire comprendre que j’avais été conçue dans un contexte d’insouciance, de joie ET de plaisir (dans une tente, camping sauvage, Nouvelle-Calédonie) que je me suis toujours dit que ça devait être à cause de ça : je suis née heureuse donc faible et démunie face à la violence de la vie, LOL.

 « Cet homme-si, c’est William James Joad, mort d’un cou de sand, très vieux. C’est les siain qui l’on enterré parce qu’ils n’avait pas d’argent pour l’enterment. Personne l’a tué. Juste un cou de sand et il est mort. », p. 199.

Tom cherche, à la demande de sa mère, des mots des Saintes-écritures sur le bout de papier destiné à l’enterrement de son grand-père. 
«Vlà quelque chose qu’est bien et court, dit-il. « Et Loth leur parla ainsi : « Oh ! Non, Seigneur » », p. 200. ⇒ J’adore, ça me fait trop rire !!!! En même temps, il a choisi une négation face à Dieu et ce n’est pas sans rappeler le proverbe mongole de Batbayar dans Rendez-vous en terre inconnue : « Même si Dieu te le demande, ne donne pas ta terre ».

CHAPITRE XIV

Extrait 2 : Ce qui fait l’homme, de : « Les terres de l’Ouest » jusqu’à « distinct dans tout l’univers ». p. 209-210.

Les terres de l'Ouest, inquiètes aux premiers indices de changement. Les États de l'Ouest, inquiets comme des chevaux à l'approche de l'orage. Les grands propriétaires, inquiets, parce que pressentant le changement et incapables d'en deviner la nature. Les grands propriétaires s'en prenant aux choses immédiates, au gouvernement qui étend son emprise sur tout, à l'unité croissante des groupements ouvriers, aux taxes nouvelles, aux plans ; ne sachant pas que ces choses sont des effets, non des causes. Des effets, non des causes : des effets, non des causes. Les causes sont profondes et simples... Les causes sont la faim, une faim au ventre multipliée par un million ; la faim dans une seule âme, faim de joie et d'une certaine sécurité, multipliée par un million ; muscles et cerveau souffrant du désir de grandir, de travailler, de créer, multipliés par un million. La dernière fonction de l'homme, claire et bien définie...muscles souffrant du désir de travailler, cerveau souffrant du désir de créer au-delà des nécessités individuelles... voilà ce qu'est l'homme. Construire un mur, construire une maison, une digue... et dans le mur, la maison et la digue, mettre quelque chose de l'homme lui-même et apporter pour l'homme quelque chose du mur, de la maison, de la digue ; rapporter des muscles de fer du soulèvement des fardeaux, rapporter des lignes, des formes claires du travail
de conception. Car l'homme, différent en cela des autres créatures organiques ou inorganiques sur la terre, croît par-delà son travail, gravit les marches de ses conceptions, domine ses propres accomplissements. Voici ce qu'on peut dire de l'homme...! Quand les théories changent et s'écroulent, quand les écoles, les philosophies, quand les impasses sombres de la pensée nationale, religieuse, économique, croissent et se décomposent, l'homme va de l'avant, à tâtons, en trébuchant, douloureusement, parfois en se trompant. S'étant avancé, il peut arriver qu'il recule, mais d'un demi-pas seulement, jamais d'un pas complet. Cela vous pouvez le dire et le savoir, le savoir. Cela vous pouvez le savoir quand les bombes tombent des avions noirs sur les places des marchés, quand les prisonniers sont égorgés comme des cochons, quand les corps écrasés se vident dégoûtammemt dans la poussière. Ainsi vous pouvez le savoir. Si les pas n'étaient pas faits, si le désir d'aller de l'avant à tâtons n'existait pas, les bombes ne tomberaient pas, les gorges ne seraient pas tranchées. Craignez le temps où les bombes en tomberont plus et où les avions existeront encore... car chaque bombe est la preuve que l'esprit n'est pas mort. Et craignez le temps où les grèves s'arrêteront cependant que les grands propriétaires vivront... car chaque petite grève réprimée est la preuve qu'un pas est en train de se faire. Et ceci encore vous pouvez le savoir... craignez le temps où l'Humanité refusera de souffrir, de mourir pour une idée, car cette seule qualité est le fondement de l'homme même, et cette qualité seule est l'homme, distinct dans tout l'univers.

Les États de l'Ouest inquiets à l'approche du changement. Le Texas et l'Oklahoma, le Kansas, le New-Mexico, l'Arizona, la Californie. Une famille unique a quitté le pays. Pa a emprunté de l'argent à la banque, et maintenant la banque veut la terre. La Société Immobilière – c'est la banque, quand elle possède des terres – veut des tracteurs sur la terre, et non des familles. Est-ce que c'est mauvais, un tracteur ? Est-ce que le pouvoir qui creuse les longs sillons se trompe ? Si ce tracteur était à nous il serait très bon ; pas à moi, à nous. Si notre tracteur creusait ses longs sillons sur notre terre ce serait bon. Pas ma terre, notre terre. Nous pourrions alors aimer ce tracteur comme nous avons aimé cette terre qui était nôtre. Mais ce tracteur fait deux choses : il retourne notre terre et nous en chasse. Il n'y a pas grande différence entre ce tracteur et un tank. Les gens sont chassés, intimidés, blessés par les deux. C'est une chose à laquelle il nous faut penser. Un homme, une famille chassés de leur terre ; cette vieille auto rouillée qui brimbale sur la route dans la direction de l'Ouest. J'ai perdu ma terre. Il a suffi d'un seul tracteur pour me prendre ma terre. Je suis seul et je suis désorienté. Et une nuit une famille campe dans un fossé et une autre famille s'amène et les tentes se dressent. Les deux hommes s'accroupissent sur leurs talons et les femmes et les enfants écoutent. Tel est le nœud. Vous qui n'aimez pas les changements et craignez les révolutions, séparez ces deux hommes accroupis ; faites-les se haïr, se craindre, se soupçonner. Voilà le germe de ce que vous craignez. Voilà le zygote. Car le « J'ai perdu ma terre » a changé ; une cellule s'est partagée en deux et de ce partage naît la chose que vous haïssez : « Nous avons perdu notre terre. » C'est là qu'est le danger, car deux hommes ne sont pas si solitaires, si désemparés qu'un seul. Et de ce premier « nous » naît une chose encore plus redoutable : « J'ai encore un peu à manger » plus « Je n'ai rien ». Si ce problème se résout par « Nous avons assez à manger » la chose est en route, le mouvement a une direction. Une multiplication maintenant, et cette terre, ce tracteur sont à nous. Les deux hommes accroupis dans le fossé, le petit feu, le lard qui mijote dans une marmite unique, les femmes muettes, au regard fixe ; derrière, les enfants qui écoutent de toute leur âme les mots que leurs cerveaux ne peuvent pas comprendre. La nuit tombe. Le bébé a froid. Tenez, prenez cette couverture. Elle est en laine. C'était la couverture de ma mère... prenez-la pour votre bébé. Voilà ce qu'il faut bombarder. C'est le commencement... du « Je » au « Nous ». Si vous qui possédez les choses dont les autres manquent, si vous pouviez comprendre cela, vous pourriez peut-être échapper à votre destin. Si vous pouviez séparer les causes des effets, si vous pouviez savoir que Paine, Marx, Jefferson, Lénine furent des effets, non des causes, vous pourriez survivre. Mais cela, vous ne pouvez pas le savoir. Car le fait de posséder vous congèle pour toujours en « Je » et vous sépare toujours du « Nous ». Les États de l'Ouest sont inquiets à l'approche du changement. Le besoin est ce qui stimule la conception, la conception est ce qui pousse à l'action. Un demi-million d'hommes qui se déplacent dans le pays ; un autre million qui s'impatiente, prêt à se mettre en mouvement ; dix millions qui ressentent les premiers symptômes de nervosité. Et les tracteurs creusent leurs multiples sillons sur les terres désertées.

CHAPITRE XV (Les restaurants routiers de la route 66). 

Musique de l’époque : « Thanks for the Memory », Bing Crosby, Benny Goodman. », p. 213.

Publicité de l’époque : « Les murs décorés d’affiches, baigneuses blondes en maillots blancs avec de gros seins, des hanches minces et des visages de cire, tenant à la main une bouteille de Coca-Cola...avec le sourire…voilà ce qu’on gagner à prendre du Coca-Cola... », p. 213.

Slogan de l’époque : « Venez manger ici et gardez votre femme comme objet d’agrément », p. 214.

« Qu’est-ce qu’il y a comme tartes ? Crème de banane, crème d’ananas, crème au chocolat...et tarte aux pommes », p. 218-219 et 226. 
⇒ Me fait penser à Alice au pays des Merveilles à cause de la « crème d’ananas » (c’est un des goûts qu’elle sent de la bouteille « Drink me »), parfum que choisit le client à la page 227.

Belles voitures de l’époque : Zéphyr et Cadillac.

CHAPITRE XVI (le camping-car payant)

« ça fait râler Pa d’être obligé de payer cinquante cents juste pour camper sous un arbre. Il n’ peut pas encaisser ça. Il s’est foutu à jurer. Il dit qu’on va bientôt se mettre à vendre l’air en bidons, probable. »,  p. 245
⇒ En Estonie, des cars entiers de Japonais viennent pour respirer l’air pur à des endroits précis.

p.265 : Ou pourquoi la main-d’oeuvre est à bas prix : trop de gens désespérés, trop de familles désespérées donc prêtes à travailler quasiment gratuitement afin de survivre. L’employeur dit : 
« J’donne vingt cents de l’heure ».

CHAPITRE XVII (La vie des émigrants dans les camps sur la route)

Première fois que le mot « émigrants » est évoqué et à plusieurs reprises.

Nourriture : « du porc si l’argent abondait, du porc, des pommes de terre et des oignons. Des petites galettes cuites l’ancienne ou du pain de maïs, généreusement trempé dans le jus de viande. Des bas morceaux, des plates-côtes et un bidon de thé bouillant, noir et amer. Les beignets à la graisse de mouton, quand l’argent se faisait rare ; de la pâte frite, dorée et croustillante sur laquelle on versait des restants de sauce. 
Les familles très riches ou très dépensières mangeaient des haricots en conserve, des pêches en conserve, du pain et des gâteaux de boulanger, mais elles mangeaient à part dans leurs tentes,car c’eût été gênant toutes ces bonnes choses en public. 
Dehors, les enfants occupés à manger leur pâte frite sentaient l'odeur des haricots mis à réchauffer et devenaient tout tristes », p. 277.

CHAPITRE XVIII (L’arrivée en Californie).

Avant-dernière étape avant l’arrivée : un fleuve avant la traversée du désert.

Extrait 3 : « Eh ben ! Si vous tenez vraiment à le savoir », p. 286 jusqu’à « Mais ces gens-là, ils ont tellement la frousse qu’ils ne sont même pas polis entre eux », p. 287.

Eh ben ! si vous tenez vraiment à le savoir, je peux vous dire que vous avez affaire à quéqu'un qui s'est informé et qu'a réfléchi à la question. Pour un beau pays, c'est un beau pays ; seulement, il a été volé... y a longtemps de ça. Vous traversez le désert et vous arrivez par là, du côté de Bakersfield. Eh bien, vous n'avez jamais rien vu d'aussi beau de vot' vie... rien que des vergers et de la vigne... le plus joli pays qu'il est possible de voir. Et partout où que vous passerez, c'est rien que de la bonne terre bien plate, avec de l'eau à moins de trente pieds en dessous, et tout ça est en friche. Mais vous pouvez vous fouiller pour en avoir, de cette terre. C'est à une Société de pâturages et d'élevage. Et s'ils ne veulent pas qu'on la travaille, elle ne sera pas travaillée. Si vous avez le malheur d'entrer là-dedans et d'y mettre un peu de maïs, vous allez en prison. – De la bonne terre, vous dites, et personne ne la cultive ? 
– C'est comme je vous le dis. De la bonne terre, et personne n'y touche. Il y a déjà de quoi vous retourner les sangs. Mais attendez, c'est pas tout. Les gens vont vous regarder d'un drôle d'œil. L'air de vous dire : « T'as une tête qui ne me revient pas, s'pèce d'enfant de cochon. » Puis il y aura des shérifs et des shérifs adjoints qui vont vous mener la vie dure. S'il vous trouvent à camper sur le bord de la route, ils vous feront circuler. Vous verrez à la tête des gens combien ils peuvent vous détester. Eh bien, moi j' vais vous dire : s'ils vous détestent, c'est parce qu'ils ont peur. Ils savent bien qu'un homme qu'a faim, faut qu'il trouve à manger quand bien même il devrait le voler. Ils savent bien que toute cette terre en friche, quelqu'un viendra la prendre. Sacré bon Dieu ! On ne vous a pas encore traité d'« Okie » ?
– « Okie » ? fit Tom. Qu'est-ce que c'est que ça ? 
– Ben, dans le temps, c'était un surnom qu'on donnait à ceux de l'Oklahoma. Maintenant, ça revient à vous traiter d'enfant de putain. Être un Okie, c'est être ce qu'il y a de plus bas sur terre. En soi, ça ne veut rien dire. Mais ce que je vous dirai ou rien, c'est pareil. Faut y aller voir vous-mêmes. Paraît qu'il y a quéqu' chose comme trois cent mille des nôtres, là-bas, et qu'ils vivent comme des bêtes, à cause que toute la Californie, c'est à des propriétaires. Il ne reste plus rien. Et les propriétaires se cramponnent tant qu'ils peuvent, et ils feraient plutôt massacrer tout le monde que de lâcher leur terre. Ils ont peur, et c'est ça qui les rend mauvais. Faut aller voir ça. Faut entendre ce qui se dit. Le plus beau pays qui se puisse voir, sacré nom de nom ! Mais ces gens-là, ils ont tellement la frousse qu'ils ne sont même pas polis entre eux, p. 286-287.

⇒ Un (deuxième) homme leur explique qu’en Californie, les émigrants sont très mal vus et ne peuvent pas gagner leur vie face à des propriétaires qui parfois ont des milliers d’arpents non exploités. « Okie » est une insulte en référence aux émigrants venus d’Oklaoma (ou pas).

« Ces sacrés Okies de malheur, ils n’ont pas un sou de jugeote, et pas un grain de sentiment. C’est pas des êtres humains ces gens-là, moi j’te le dis. Jamais un être humain ne supporterait une crasse et une misère pareilles. Ils valent pas mieux que des chimpanzés. », p. 309 « Ils sont tellement abrutis qu’ils ne se rendent pas compte que c’est dangereux. Oh ! et puis, quoi, bon Dieu, ils sont peut-êt’ très contents de leur sort. Ils sont comme ils sont et ils n’en savent pas plus long. A quoi bon se tracasser ? », p. 309-310.

318 : Arrivée réelle en Californie.

320 : Annonce de la mort de la grand-mère.

CHAPITRE XIX (chapitre très important qui explique le contexte de la Grande Dépression)

Résumé de l’histoire de la Californie qui appartenait autrefois aux Mexicains.

Extrait 4 : « Nul homme », p. 325 jusqu’à « (l’herbe) légèrement sucrée », p. 328.

Nul homme, quelles que fussent ses capacités, quel que fût son amour de la terre et des choses qui poussent, ne pouvait subsister s'il n'était en même temps bon commerçant. Et petit à petit, les fermes tombèrent aux mains des hommes d'affaires ; elles s'agrandirent mais diminuèrent en nombre. L'agriculture devenait une industrie et les propriétaires terriens suivirent inconsciemment l'exemple de la Rome antique. Ils importèrent des esclaves – quoiqu'on ne les nommât pas ainsi : Chinois, Japonais, Mexicains, Philippins. Ils ne mangent que du riz et des haricots, disaient les hommes d'affaires. Ils n'ont pas de besoins. Ils ne sauraient que faire de salaires élevés. Tenez, il n'y a qu'à voir comment ils vivent. Il n'y a qu'à voir ce qu'ils mangent. Et s'ils font mine de rouspéter on les rembarque, ce n'est pas plus compliqué que ça.
Et les fermes devinrent de plus en plus vastes et les propriétaires de moins en moins nombreux. Seule, une minable poignée de fermiers restait attachée à la terre. Et les serfs importés étaient maltraités, menacés et si mal nourris que certains d'entre eux s'en retournaient dans leur pays tandis que d'autres se révoltaient et étaient abattus ou chassés de la contrée. Et toujours les fermes prenaient de l'expansion tandis que les fermiers diminuaient en nombre.
Et les cultures changèrent. Des arbres fruitiers remplacèrent les champs de céréales et dans les vallées le sol se couvrit de légumes ; des légumes pour nourrir le monde entier : laitues, choux-fleurs, artichauts, pommes de terre – toutes plantes qu'on ne peut récolter que plié en deux. Un homme se tient droit en maniant la faux, la charrue, la fourche ; mais il lui faut marcher à quatre pattes comme un scarabée entre les rangées de salades, il lui faut courber le dos et traîner son long sac entre les rangées de cotonniers, et dans un carré de choux-fleurs il doit se traîner à genoux comme un pénitent. Et il advint que les propriétaires cessèrent complètement de travailler à leurs fermes. Ils cultivaient sur le papier, ils avaient oublié la terre, son odeur, sa substance et se rappelaient seulement qu'elle leur appartenait, se rappelaient uniquement ce qu'elle rapportait et ce qu'elle leur coûtait. Et certaines fermes prirent des dimensions telles qu'un homme ne pouvait plus suffire à les diriger, qu'il fallait toute une armée de comptables pour calculer les profits, les pertes et les intérêts, des chimistes pour analyser le sol, le fertiliser, et des surveillants pour tirer le maximum
de rendement des corps courbés entre les rangées de plantes jusqu'à la limite de leur résistance. Dès lors, le fermier devenait en réalité un commerçant ; il tenait boutique. Il payait ses hommes, leur vendait des provisions et de cette façon leur reprenait l'argent qu'il leur avait donné. Au bout de peu de temps, il ne les payait plus du tout, ce qui lui épargnait des frais de comptabilité. Les fermes de cette espèce vendaient des victuailles à crédit. Un ouvrier, par exemple, travaillait et prenait à crédit de quoi se nourrir. Or, une fois son travail terminé, il lui arrivait de se trouver endetté vis-à-vis de la Compagnie. Et non seulement les propriétaires ne travaillaient pas à leurs fermes, mais un grand nombre d'entre eux ne les avaient même jamais vues.
Sur ces entrefaites arriva la masse des expatriés, attirée par le mirage de l'Ouest ; du Kansas, de l'Oklahoma, du Texas, du Nouveau-Mexique, du Nevada et de l'Arkansas, par familles, par tribus entières ils s'amenèrent, chassés par la poussière, chassés par les tracteurs. Des charretées, des caravanes de sans-logis affamés ; vingt mille, cinquante mille, cent mille, deux cent mille. Ils déferlaient par-dessus les montagnes, ventres creux, toujours en mouvement – pareils à des fourmis perpétuellement affairées, en quête de travail – de quelque chose à faire – de quelque chose à soulever, à pousser, à hisser, à traîner, à piocher, à couper – n'importe quoi, n'importe quel fardeau à porter en échange d'un peu de nourriture. Les gosses ont faim. Nous n'avons pas de toit. Pareils à des fourmis perpétuellement affairées, en quête de travail, de nourriture et surtout de terre.
On n'est pas des étrangers. Américains depuis sept générations, descendants d'Irlandais, d'Écossais, d'Anglais, d'Allemands. Un de nos aïeux s'est battu pendant la Révolution – et une quantité des nôtres a fait la Guerre de Sécession – des deux côtés. Des Américains.
Ils avaient faim et ils devenaient enragés. Là où ils avaient espéré trouver un foyer, ils ne trouvaient que de la haine. Des Okies. Les propriétaires les détestaient parce qu'ils se savaient amollis par trop de bien-être, tandis que les Okies étaient forts, parce qu'ils étaient eux-mêmes gras et bien nourris, tandis que les Okies étaient affamés ; et peut-être leurs grands-pères leur avaient-ils raconté comme il est aisé de s'emparer de la terre d'un homme indolent quand on est soi-même affamé, décidé à tout et armé. Les propriétaires les détestaient. Et dans les villes et les villages, les commerçants les détestaient parce qu'ils n'avaient pas d'argent à dépenser. Pour s'attirer l'aversion d'un boutiquier, il n'est pas de plus sûr moyen ; leur estime et leur admiration étant orientées exactement dans le sens opposé. Les citadins, les petits banquiers, détestaient les Okies parce qu'il n'y avait rien à gagner sur leur dos. Ils ne possédaient rien. Et la population ouvrière détestait les Okies parce qu'un homme qui a faim a besoin de travailler et s'il doit travailler, s'il a absolument besoin de travailler, alors l'employeur lui paie automatiquement un salaire moindre ; et par la suite, personne ne peut obtenir plus.
Et les expropriés, devenus émigrants, déferlaient en Californie – deux cent cinquante, trois cent mille. Là-bas, au pays, l'invasion grandissante des tracteurs jetait à la rue de nouveaux métayers ; et toujours de nouvelles vagues venaient s'ajouter aux précédentes, des vagues d'expropriés, de sans-logis, endurcis, décidés et dangereux.
Alors que les Californiens avaient envie d'une foule de choses – richesses accumulées, succès mondains, plaisirs, luxe et sécurité bancaire – les émigrants, nouveaux barbares, ne désiraient que deux choses : de la terre et de la nourriture ; et pour eux les deux choses n'en faisaient qu'une. Et si les souhaits des Californiens étaient confus et nébuleux, ceux des Okies étaient concrets, immédiatement réalisables. L'objet de leurs convoitises s'étalait tout au long de la route, là, sous leurs yeux, à portée de la main : des champs fertiles avec de l'eau pas loin ; de la belle terre grasse qu'on émiette entre ses doigts pour l'expertiser, l'herbe odorante et les brins d'avoine que l'on mâchonne jusqu'à ce que l'on sente dans sa gorge cette saveur pénétrante,
légèrement sucrée, p. 325-328.

⇒ Pourquoi « Japonais » ? Pan de l’histoire que je ne connais pas (comme ceux du Brésil d’ailleurs).

Les émigrants, environ 300.000, tous Américains.

Les camps d’émigrants, tous appelés « Hooverville », p. 329.

Monoculture : « Vous avez remarqué quelque chose ? Ils n’ont pas de légumes, ni de volaille, ni de cochons dans leurs fermes. Ils ne cultivent qu’une seule chose – du coton, par exemple, ou des pêches ou des laitues. Ailleurs, ça sera uniquement des poules. Ils achètent ce qu’ils pourraient faire pousser au coin de leur porte », p. 330.

 « Si on ne les avait pas à l’œil, ils seraient capables de tout, ces cochons-là ! Moi, j’te dis, ils sont aussi dangereux que ces salauds de nègres, dans le Sud ! Pour peu qu’on les laisse s’organiser, rien ne les arrêtera plus. », p. 331.

p. 334 « Et les grands propriétaires terriens auxquels un soulèvement fera perdre leurs terres – les grands propriétaires qui ont accès aux leçons de l’histoire, qui ont des yeux pour lire, pour reconnaître cette grande vérité : lorsque la propriété est accumulée dans un trop petit nombre de mains, elle est enlevée…et cette autre, qui lui fait pendant : lorsqu’une majorité a faim et froid, elle prendra par la force ce dont elle a besoin...et cette autre encore, cette petite vérité criante, qui résonne à travers toute l’histoire : la répression n’a pour effet que d’affermir la volonté de lutte de ceux contre qui elle s’exerce et de cimenter leur solidarité...les grands propriétaires terriens se bouchaient les oreilles pour ne pas entendre ces trois grands avertissements de l’histoire » : La terre s'accumulait dans un nombre de mains de plus en plus restreint ; l'immense foule des expropriés allait grandissant et tous les efforts des propriétaires tendaient à accentuer la répression. Afin de protéger les grandes propriétés foncières on gaspillait de l'argent pour acheter des armes, on chargeait des indicateurs de repérer les moindres velléités de révolte, de façon que toute tentative de soulèvement pût être étouffée dans l'œuf. On ne se souciait pas de l'évolution économique, on refusait de s'intéresser aux projets de réforme. On ne songeait qu'au moyen d'abattre la révolte, tout en laissant se perpétuer les causes de mécontentement. 
Les tracteurs qui causent le chômage, les tapis roulants qui transportent les charges, les machines qui produisent, tout cela prenait de plus en plus d'extension ; le nombre des familles qui peuplaient la grand-route augmentait sans cesse, et toutes convoitaient ardemment ne fût-ce qu'une miette de ces grandes propriétés, de cette terre qui s'étalait à portée de la main de chaque côté de la route. Les grands propriétaires se liguaient, créaient des Associations de Protection Mutuelle et se réunissaient pour discuter des moyens d'intimidation à employer, des moyens de tuer, d'armes à feu, de grenades à gaz. Et toujours planait sur leurs têtes cette menace effrayante – trois cent mille – si jamais ils se
rangent sous l'autorité d'un chef – c'est la fin. Trois cent mille malheureux affamés. Si jamais ils prennent conscience de leur force, le pays leur appartiendra et ni les fusils, ni les grenades à gaz ne les arrêteront. Et les grands propriétaires qui, à travers les rouages compliqués de leurs Compagnies Foncières étaient peu à peu devenus des sortes de puissances inhumaines, couraient à leur perte, employaient tous les moyens qui à la longue devaient amener leur perte. Chaque brutalité, chaque rafle dans un Hooverville, chaque shérif adjoint promenant sa suffisance et sa morgue dans un de ces camps de misère, retardait un peu l'échéance, mais la rendait plus inévitable, p. 334- 335. 

p. 344 Un homme explique à Tom pourquoi des milliers de prospectus ont été imprimés volontairement « alors qu’il n’y a pas de travail » : plus il y a d’hommes mourants de faim, plus ils sont prêts à travailler pour dix cents. Les récoltes sont ainsi vite faites et la main d’oeuvre ne coûte rien : c’est mathématique. 
Plus tard, nous verrons que toute la famille n’arrive qu’à gagner qu’un dollar par jour au bout de douze heures de récolte des pêches. La récolte du coton leur fait gagner plus d’argent et ils peuvent enfin manger à leur faim et s’acheter de nouveaux vêtements mais la récolte ne dure pas.

« Tom dit : – Chez nous, au pays, l'était venu des types avec des prospectus-réclame... de ces papiers jaunes. Ça disait qu'on avait besoin de main-d'œuvre pour les récoltes. Le jeune homme se mit à rire :
– Paraîtrait qu'on est quéq' chose comme trois cent mille, ici, et je donnerais ma tête à couper que tous ces gens-là ont vu ces foutus prospectus.
– Peut-être, mais s'ils n'avaient pas besoin de monde, pourquoi qu'ils ont pris la peine de faire imprimer ces machins-là ?
– Fais un peu marcher tes méninges... qu'est-ce que t'attends ?
– Oui, mais je voudrais savoir.
– Écoute, fit le jeune homme. Mettons que t'aies du travail juste pour un type, et qu'il y en ait qu'un qui se présente. T'es forcé de lui payer ce qu'il demande. Mais suppose qu'il s'en présente un cent. Il posa son outil. Son regard durcit et sa voix se fit incisive :
– Mettons qu'il s'en présente un cent pour ce travail. Mettons que tous ces gars-là, ils aient des gosses, et que ces gosses aient faim. Mettons qu'une pièce de dix cents suffise à leur payer une boîte de bouillie de maïs, à ces gosses.
Mettons qu'un nickel1 suffise à leur payer ne serait-ce qu'un truc quelconque, à ces gosses. Et ils sont là un cent. Propose-leur seulement un nickel, et je te promets qu'ils vont s'entre-tuer pour l'avoir, ce nickel. Tu sais combien on payait, à la dernière place que j'ai faite ? Quinze cents de l'heure. Dix heures pour un dollar et demi et encore t'as pas le droit de loger sur place. Faut consommer de l'essence pour y aller.
Il haletait de fureur et la haine brillait dans ses yeux.
– C'est pour ça qu'ils ont fait imprimer les prospectus. Avec ce qu'ils économisent en payant les gens quinze cents de l'heure pour travailler aux champs, ils ont de quoi en faire imprimer un foutu paquet, tu peux êt' tranquille.
– Ça tient pas debout, dit Tom.
Le jeune homme eut un rire sarcastique :
– Reste seulement ici un petit bout de temps, et si t'as la belle vie, fais-moi signe, que je vienne voir ça de près, p.343-345.

Tom : « Alors, faut prendre ce qu’on veut bien vous donner, hein ? Ou crever de faim, et, si on rouspète, on crève de faim ? », p. 347.

Toujours Tom : « Et toi, alors, qu’est-ce que tu fais contre cet état des choses ? », p. 348.

CHAPITRE XX (Arrivée dans le camp). 

Scène de la « fricassée » : la maman en cuisine, une quinzaine de gosses mourants de faim attendent qu’elle leur en donne, comme des vautours.

« Autrefois (…) j’arrachais un bout de prière de ma tête et tous les soucis venaient se coller après comme sur du papier à mouches , et la prière s’en allait au vent, emportant tous les soucis avec. Mais maintenant, ça ne marche plus. 
Tom dit : « Une prière n’a jamais procuré de lard. Faut un cochon pour avoir du lard », p. 351.

« Rosa de Saron se rallongea sur le dos et resta les yeux grands ouverts à contempler le toit de la tente. », ligne 354-355.

Scène de conflit avec un policier : Tom lui fait un croche-patte (croc-en-jambe) et c’est Casy le Pasteur qui se sacrifie en se dénonçant même si le policier affirme que ce n’est pas lui. L’enjeu : Tom a été libéré sur parole donc s’il dérape, il devra retourner en prison.

p. 370 : Un homme nommé Floyd insiste pour que les autres hommes demande au propriétaire qui leur propose du travail de mettre leur salaire par écrit (bref de faire un contrat), il est automatiquement qualifié de « rouge » et se fait arrêter.

« Floyd se détacha du groupe et s'avança. Il dit calmement :
– Moi, j'y vais. Vous êtes entrepreneur et vous avez une patente. Montrez-nous-la, signez-nous un papier comme quoi vous nous embauchez pour travailler – où et quand, et combien vous nous donnez, et nous irons tous. L'entrepreneur tourna la tête, les sourcils froncés :
– Dites donc, vous allez m'apprendre mon métier ? Floyd répondit :
– Nous travaillons pour vous, ça nous regarde autant que vous.
– Oui, eh ben je n'ai besoin de personne pour m'apprendre ce que j'ai à faire. J' vous ai dit que j'avais besoin d'hommes.
– Vous n'avez pas dit combien d'hommes, répondit Floyd avec humeur, et vous n'avez pas dit combien on serait payés.
– Mais, nom de Dieu, j'en sais encore rien !
– Si vous n'en savez rien, vous n'avez pas le droit d'embaucher de la main-d'œuvre.
– J'ai le droit de mener mon affaire comme bon me semble. Si vous préférez rester assis sur le cul à vous tourner les pouces, libre à vous. Moi, j'embauche des hommes pour le comté de Tulare. Il me faut beaucoup de monde.
Floyd se tourna vers le groupe d'hommes. Ils s'étaient levés et restaient silencieux, leurs regards allant de l'un à l'autre des interlocuteurs. Floyd dit :
– Ça fait deux fois que je me laisse prendre à ce truc-là.
Possib' qu'il ait besoin de mille hommes. Il en fera venir cinq mille là-bas et il paiera quinze cents de l'heure. Et les pauvres cons que vous êtes, vous serez obligés de les prendre parce que vous aurez faim. S'y veut embaucher des hommes, qu'il embauche, mais qu'il le mette par écrit, en disant combien il paie. Demandez à voir sa patente. Il n'a pas le droit d'embaucher de la main-d'œuvre sans patente. L'entrepreneur se retourna vers la Chevrolet et appela : 
– Joe !
Son compagnon regarda au-dehors, puis il ouvrit brusquement la portière et descendit. Il portait une culotte de cheval et des bottes lacées. Un lourd étui de cuir était passé à sa ceinture-cartouchière. L'insigne de shérif ornait sa chemise brune. D'un pas lourd il s'approcha. Ses traits s'étaient figés en un sourire mi-figue, mi-raisin. 
– Qu'est-ce qu'il y a ? 
L'étui allait et venait, coulissant sur le ceinturon. 
– Déjà vu c'type-là, Joe ? 
Le shérif adjoint demanda : 
– Lequel ?
– Celui-ci.
L'entrepreneur désigna Floyd. 
– Qu'est-ce qu'il a fait ? 
L'adjoint eut un sourire à l'adresse de Floyd. 
– Il cause comme un rouge. 
– H'mmm. 
L'adjoint se déplaça pour mieux voir le profil de Floyd.
Le rouge monta lentement au visage de ce dernier. 
– Vous voyez ! s'écria Floyd. Si ce gars-là était de bonne foi, est-ce qu'il amènerait un flic ? 
– Vous l'avez déjà vu ? insista l'entrepreneur. 
– H'mm... Il m' semble bien me le rappeler. La semaine dernière, quand y a eu ce vol dans le parc d'autos d'occasion. M' semble avoir vu c' gars-là vadrouiller dans les parages. Ouais ! j' veux bien êt' pendu si c'est pas lui. Subitement, le sourire disparut de son visage. 
– Montez dans la voiture, et plus vite que ça ! dit-il en débouclant l'étui de son revolver. 
– Vous n'avez pas de preuves contre lui, intervint Tom. », p. 370-371.

p.382 : Floyd leur apprend que les shérifs et les adjoints assermentés sont payés pour arrêter des gens « soixante-quinze cents par jour et par prisonnier et la nourriture en coûte vingt-cinq ».

Connie est parti lâchement sans même dire au revoir à Rosasharn. 
Al avait cru qu’il allait « poser culotte » quand il l’a croisé : expression qui signifie en argot « faire caca ».

Le bon sens de la maman : « Rosasharn va avoir un petit et ce petit sera moitié Connie. C’est pas bon pour un gosse qui pousse de s’entendre dire que son père était un pas grand chose », p. 384.

« - J’sais bien, Man, j’essaie. Mais ces espèces d’adjoints… vous avez déjà vu un shérif adjoint qu’ait  pas un cul de jument ? Et ils sont là à frétiller leur gros cul et à manipuler leur revolver. Ma, dit-il, si encore c’était vraiment pour faire respecter la loi, on le supporterait. Mais ils ne représentent pas la loi. Ils tâchent à nous démolir le moral. Ils voudraient nous voir ramper et faire le chien couchant. Ils voudraient nous réduire. Sacré bon Dieu ! mais voyons, Man, il arrive un moment où la seule façon pour un homme de garder sa dignité c’est de casser la gueule à un flic. C’est not’ dignité  qu’ils veulent nous enlever. », p. 392. 

« – Sûr, que c'est épatant. On vous traite comme des êtres humains et pas comme des chiens. Et y a pas de flics, là-bas. Mais c'est plein », p.382.
p.395 Direction le camp du gouvernement sans policiers sur la 99 dans le sud.

CHAPITRE XXI (Le rejet des émigrants par les locaux)

EXTRAIT 6. p. 396-399

Les errants, les émigrants, étaient devenus des nomades. Des familles qui avaient jusque-là vécu sur un lopin de terre, dont toute l'existence s'était déroulée sur leurs quarantearpents, qui s'étaient nourries – bien ou chichement – du produit de leurs quarante arpents, avaient maintenant tout l'Ouest comme champ de pérégrinations. Et elles erraient à l'aventure, à la recherche de travail ; des flots d'émigrants déferlaient sur les autostrades et des théories de gens stationnaient dans les fossés bordant les routes. Et derrière ceux-là, il en arrivait toujours d'autres. Les autostrades grouillaient de véhicules de toutes sortes. Ces régions du Centre-Ouest et du Sud-Ouest avaient été habitées jusque-là par une population agrarienne que l'industrialisation n'avait pas touchée ; des paysans simples, qui n'avaient pas subi le joug du machinisme et qui ignoraient combien une machine peut être un instrument puissant et dangereux entre les mains d'un seul homme. Ils n'avaient pas connu les paradoxes de l'industrialisation à outrance et avaient gardé un jugement assez sain pour discerner toute l'absurdité de la vie industrielle.
Et brusquement, les machines les chassèrent de chez eux et les envoyèrent peupler les grandes routes. Et avec la vie nomade, les autostrades, les campements improvisés, la peur de la faim et la faim elle-même, une métamorphose s'opéra en eux. Les enfants qui n'avaient rien à manger, le mouvement ininterrompu, tout cela les changea. Ils étaient devenus des nomades. L'hostilité qu'ils rencontraient partout les changea, les souda, les unit – cette hostilité qui poussait les habitants des petites villes et des villages à se grouper et à s'armer comme s'il s'agissait de repousser une invasion – sections d'hommes munis de manches de pioches, calicots et boutiquiers munis de fusils de chasse –de défendre le monde contre leurs propres concitoyens.
Le flot perpétuellement renouvelé des émigrants fit régner la panique dans l'Ouest. Les propriétaires tremblaient pour leurs biens. Des hommes qui n'avaient jamais connu la faim la voyaient dans les yeux des autres. Des hommes qui n'avaient jamais eu grand-chose à désirer voyaient le désir brûler dans les regards de la misère. Et pour se défendre, les citoyens s'unissaient aux habitants dela riche contrée environnante et ils avaient soin de mettre le bon droit de leur côté en se répétant qu'ils étaient bons et que les envahisseurs étaient mauvais, comme tout homme doit le faire avant de se battre. Ils disaient : ces damnés Okies sont crasseux et ignorants. Ce sont des dégénérés, des obsédés sexuels. Ces sacrés bon Dieu d'Okies sont des voleurs. Tout leur est bon. Ils n'ont pas le sens de la propriété.
Et cette dernière assertion était vraie, car comment un homme qui ne possède rien pourrait-il comprendre les angoisses des propriétaires ? Et les défenseurs disaient : ils apportent des maladies avec eux, ils sont répugnants. Nous ne voulons pas d'eux dans nos écoles. Ce sont des étrangers. Vous accepteriez que votre sœur fréquente un de ces êtres-là ?
Les indigènes se montaient la tête et s'excitaient mutuellement jusqu'à n'être plus que haine et cruauté implacables. Alors ils formaient des sections, des escouades et les armaient de matraques, de grenades à gaz, de fusils. Le pays nous appartient. Il faut leur serrer la vis à ces maudits Okies. Et les hommes auxquels on avait donné des armes n'étaient pas des propriétaires, mais ils finissaient par se figurer que le pays leur appartenait. Les petits employés qui faisaient du maniement d'armes la nuit n'avaient rien à eux, les petits boutiquiers ne possédaient qu'un plein tiroir de dettes, mais une dette c'est encore quelque chose à soi, et une bonne place c'est quelque chose à quoi on tient. L'employé se disait : je gagne quinze dollars par semaine. Si jamais un de ces sacrés Okies accepte de travailler pour douze dollars, je serai frais ; et le petit boutiquier se disait : jamais je ne pourrais lutter contre un homme qui ne serait pas endetté.
Les émigrants déferlaient sur les grand-routes et la faim était dans leurs yeux et la détresse était dans leurs yeux. Ils n'avaient pas d'arguments à faire valoir, pas de méthode ; ils n'avaient pour eux que leur nombre et leurs besoins. Quand il y avait de l'ouvrage pour un, ils se présentaient à dix – dix hommes se battaient à coups de salaires réduits. Si ce gars-là travaille pour trente cents, moi je marche à vingt-cinq.
Il accepte vingt-cinq ? Je le fais pour vingt.
Attendez... c'est que j'ai faim, moi. Je travaille pour quinze cents. Je travaille pour la nourriture. Si vous voyiez les gosses, dans quel état ils sont – ils ont des espèces de clous qui leur poussent ; à peine s'ils peuvent remuer. Leur ai donné des fruits tombés et maintenant ils ont le ventre enflé. Prenez-moi, je travaillerai pour un morceau de viande.
Bonne affaire. Les salaires baissaient et les cours se maintenaient. Les grands propriétaires se frottaient les
mains et envoyaient de nouveaux paquets de prospectus pour faire venir encore plus de monde. Les salaires baissaient sans faire tomber les prix.
D'ici peu, nous serons revenus au temps des serfs.
Là-dessus, les grands propriétaires et les Sociétés foncières eurent une idée de génie : un grand propriétaire achetait une fabrique de conserves, et dès que les pêches et les poires étaient mûres, il faisait baisser les cours au-dessous du prix de revient. Et en qualité de fabricant, il se vendait à lui-même les fruits au cours le plus bas et prenait son bénéfice sur la vente des fruits en conserve. Mais les petits fermiers qui n'avaient pas de fabriques de conserves perdaient leurs fermes au profit des grands propriétaires, des Banques et des Sociétés propriétaires de fabriques. Les petites fermes se raréfiaient de plus en plus. Les petits fermiers allaient habiter la ville, le temps d'épuiser leur crédit et de devenir une charge pour leurs amis ou leurs parents ; et finalement ils échouaient eux aussi sur la grand-route, où ils venaient grossir le nombre des assoiffés de travail, des forcenés prêts à tuer pour du travail.
Et les Sociétés et les Banques travaillaient inconsciemment à leur propre perte. Les vergers regorgeaient de fruits et les routes étaient pleines d'affamés. Les granges regorgeaient de produits et les enfants des pauvres devenaient rachitiques et leur peau se couvrait de pustules. Les grandes
Compagnies ne savaient pas que le fil est mince qui sépare la faim de la colère. Au lieu d'augmenter les salaires, elles employaient l'argent à faire l'acquisition de grenades à gaz, de revolvers, à embaucher des surveillants et des marchands, à faire établir des listes noires, à entraîner leurs troupes improvisées. Sur les grand-routes, les gens erraient comme des fourmis à la recherche de travail, de pain. Et la colère fermentait. 

« Les errants, les émigrants, étaient devenus des nomades », p. 396.
« L’hostilité qu’ils rencontraient partout les changea, les souda, les unit », p. 397.
« Ils disaient : ces damnés Okies sont crasseux et ignorants. Ce sont des dégénérés, des obsédés sexuels. Ces sacrés bon Dieu d’Okies sont des voleurs. Tout leur est bon. Ils n’ont pas le sens de la propriété », p. 397.
« Les grandes Compagnies ne savaient pas que le fil était mince entre la faim et la colère », p. 399.
« Et la colère fermentait » (derniers mots du chapitre).

CHAPITRE XXII (Arrivée de la famille Joad dans le camp du gouvernement Weedpatch, p. 400).

Tom va trouver un travail assez rapidement payé 25 cents de l’heure au lieu de 30.
Le propriétaire annonce que le shérif va semer la zizanie dans le camp de gouvernement samedi.
Les enfants découvrent le fonctionnement des chasses d’eau.
Une tarée dévote embête Rosasharn. 
Le comité des femmes du pavillon sanitaire 4 rend visite à la mère. 
La dévote fait chier de nouveau.

« – Oh ! ce que c'est beau, Man. 
Man essuya les assiettes de fer-blanc et les empila. Elle dit : 
– Nous sommes des Joad. Nous n'avons jamais eu à baisser la tête devant personne. Le Grand-père de Grand-père, il s'est battu pendant la Révolution. On était des fermiers jusqu'à ce qu'il y ait eu cette dette. Et puis après, ces gens sont venus... Ils nous ont changés. Chaque fois qu'ils venaient, c'était comme si on m'avait fouettée... moi et toute la famille. Et puis ce type de la police, à Needles. Ça m'a fait quelque chose ; tout d'un coup, je me suis sentie toute mortifiée... j'avais honte. Maintenant, je n'ai plus honte. Ces gens sont de chez nous... Ils sont des nôtres. Et c't' homme qu'est venu, le directeur. Il s'est assis et puis il a pris une tasse de café et il fallait l'entendre. Madame Joad par-ci, madame Joad par-là... Avez-vous besoin de quéq'
chose, madame Joad ? Elle s'interrompit et soupira : 
– Je t'assure, je me sens redevenir un être humain », p. 431.

« Rosasharn, dis-toi bien que tu n’es pas seule sur terre, tu n’es qu’une personne parmi toutes les autres. Tiens-toi à ta place. (...) », p. 438.

« Tu n’es si importante ni assez mauvaise pour que le Seigneur se tourmente à cause de toi. Et si tu n’arrêtes pas de te torturer la cervelle, tu vas prendre ma main sur la figure », p. 438.

CHAPITRE XXIII (Les distractions des émigrants dans les camps)

Distractions des émigrants pour faire passer le temps dont l’harmonica, la guitare et le violon mais aussi les prédications, la religion.
Chapitre paradoxalement ennuyeux ou c’est moi qui ai décroché.

CHAPITRE XXIV (Le bal où ils réussissent à éviter la fin du camp par les autorités du coin)

EXTRAIT 7 de la p.469 « Le mélancolique jeune homme » jusqu’à p.471 : « Ici, on est aux Etats-Unis, pas en Californie ».


Passage qui montre les arguments des Californiens anti Okies à qui ils refusent de donner des aides et des camps avec toilettes et eau chaude car ces derniers en profiteraient. 


Le mélancolique jeune homme du pavillon 2 dit : – Je restais au camp de la Société d'Agriculture et d'Élevage. C'était pourri de flics. Je vous jure qu'il y en avait bien un pour dix personnes. Et un robinet pour deux cents personnes. Le petit homme replet dit : 
– A qui le dis-tu, Jérémie ! Dieu de Dieu, j'y étais dans ce camp. Tout un lot de baraques, ils sont là, par rangées de trente-cinq, sur quinze de profondeur. Et dix latrines pour tout le bastringue. Cré bon Dieu, ça puait à plus d'une lieue à la ronde. C'est un des adjoints qui m'a donné le fin mot de l'histoire. Il était là, assis, et il me dit comme ça : « Ces saloperies du camp du Gouvernement, il me dit, quand on commence à donner de l'eau chaude aux gens, après, il leur faut de l'eau chaude. Qu'on leur donne des cabinets à chasse d'eau, ils ne pourront plus s'en passer. Qu'on donne des trucs de ce genre-là à ces sacrés Okies, après ça il leur en faudra. C'est plein de rouges, dans ces camps du Gouvernement, il me dit. Ils tiennent des réunions extrémistes. Tout ce qu'ils cherchent, c'est à se faire inscrire au Secours », il me dit. Huston demanda : 
– Et personne ne lui a cassé la gueule ? 
– Non, y avait un petit homme qui lui a fait : « Comment ça, au Secours ? « – Je dis bien au Secours, que répond l'autre. Le Secours, c'est ce que nous autres contribuables on verse et ce que les sacrés Okies que vous êtes, vous touchez. « – Nous payons la taxe d'État, l'impôt sur l'essence, sur le tabac, que fait le petit bonhomme. « Et il lui dit : « – Les fermiers touchent une prime du Gouvernement de quatre cents par livre de coton, C'est pas un secours, ça ? « Et il dit : « – Les Compagnies de Navigation et de Chemins de fer touchent des subventions, c'est pas des secours ? « – Ça, c'est des choses qu'il faut faire, répond l'adjoint. « – Bon, dit le petit bonhomme, mais qui c'est qui les cueillerait, vos sacrés fruits, si on n'était pas là, nous autres, hein ? » Le petit homme replet jeta un regard circulaire sur son auditoire. – Qu'est-ce que l'adjoint a répondu ? demanda Huston. – Eh bien, il s'est foutu en colère et il a dit : « Vous êtes tout le temps à vouloir tout chambarder, damnés rouges que vous êtes ! Vous allez me suivre », il dit. Alors, il a embarqué le petit bonhomme et ils lui ont collé soixante jours de prison pour vagabondage. – Ils ne pouvaient pas, du moment qu'il avait du travail, s'étonna Timothy Wallace. Le petit homme replet se mit à rire : 
– T'as encore des illusions, fît-il. Tu sais bien qu'il suffit qu'un flic t'ait dans le nez pour que tu sois un vagabond. Et c'est pourquoi ils ne peuvent pas sentir notre camp. Les flics n'ont pas le droit d'y mettre les pieds. Ici, on est aux États-Unis, pas en Californie.

477 : insultes à l’école des enfants d’émigrants qui vont à l’école.

CHAPITRE XXV (L’absurdité du libéralisme et du fonctionnement de l’agriculture industrielle)

EXTRAIT 8 (peut-être l’extrait le plus important), p 489-491 : ou pourquoi les agriculteurs ne peuvent pas vivre de leur travail. 

Les hommes qui travaillent dans les fermes témoins ont créé de nouvelles espèces de fruits. Des nectarines, quarante variétés de prunes, des noix à coque mince. Et sans relâche ils poursuivent leurs travaux, sélectionnent, greffent, alternent les cultures, arrachant à la terre son rendement maximum.Les cerises mûrissent les premières. Un cent et demi la livre. Merde, on ne peut pas les cueillir à ce tarif-là. Cerises noires et cerises rouges, à la chair juteuse et sucrée ; les oiseaux mangent la moitié de chaque cerise et les guêpes viennent bourdonner dans les trous faits par les oiseaux. Et les noyaux auxquels adhèrent encore des lambeaux de défroque noire, tombent à terre et se dessèchent. 
Puis, c'est le tour des prunes rouges de s'adoucir et de prendre de la saveur. 
Bon sang ; on ne peut pas les faire cueillir, sécher et soufrer. 
Pas moyen de payer des salaires, aussi bas soient-ils. 
Alors les prunes rouges tapissent le sol. Tout d'abord la peau se ratatine un petit peu ; des myriades de mouches se précipitent à la curée et une odeur douceâtre de pourriture emplit la vallée. La chair noircit et c'est toute la récolte qui se racornit. Les poires jaunissent, leur chair devient moelleuse. Cinq dollars la tonne. Cinq dollars pour quarante caisses de vingt-cinq kilos ; arbres émondés, soignés, vergers entretenus – cueillir le fruit, l'emballer, charger les camions, livrer à la fabrique – quarante caisses pour cinq dollars. Nous n'y arrivons pas. 
Et les grosses poires jaunes se détachent et s'écrasent par terre. Les guêpes creusent la chair molle et l'air sent la fermentation et la pourriture. 
Et finalement, les raisins. 
Nous ne pouvons pas faire de bon vin. Les gens n'ont pas les moyens d'acheter du bon vin. 
Alors on arrache les grappes, les bonnes, les mauvaises, le raisin piqué ; tout est bon pour le pressoir. Et on presse les tiges, la pourriture et la saleté. 
Mais il y a de l'acide formique et du mildiou dans les cuves. 
Qu'à cela ne tienne. Un peu de soufre et de tanin et on n'y verra que du feu. 
Mais l'odeur de fermentation n'est pas l'odeur riche et généreuse du bon vin. Cela sent la décomposition et la pharmacie. 
Oh ! tant pis. En tout cas, il y a de l'alcool dedans. Ils pourront toujours se soûler avec. 
Les petits fermiers voyaient leurs dettes augmenter, et derrière les dettes, le spectre de la faillite. Ils soignaient les arbres mais ne vendaient pas la récolte ; ils émondaient, taillaient, greffaient et ne pouvaient pas faire cueillir les fruits. Des savants s'étaient attelés à la tâche, avaient travaillé à faire rendre aux arbres le maximum, et les fruits pourrissaient sur le sol, et le moût en décomposition dans les cuves empestait l'air. Goûtez seulement le vin – on n'y perçoit pas la saveur du raisin, mais seulement le tanin, le soufre et l'alcool. L'année prochaine, ce petit verger sera absorbé par une grande Compagnie, car le fermier, étranglé par ses dettes, aura dû abandonner. 
Ce vignoble appartiendra à la Banque. Seuls les grands propriétaires peuvent survivre, car ils possèdent en même temps les fabriques de conserves. Et quatre poires épluchées, coupées en deux, cuites et emboîtées, coûtent toujours quinze cents. Et les poires en conserve ne se gâtent pas. Elles se garderont des années. 
La décomposition envahit toute la Californie, et l'odeur douceâtre est un grand malheur pour le pays. Des hommes capables de réussir des greffes, d'améliorer les produits, sont incapables de trouver un moyen pour que les affamés puissent en manger. Les hommes qui ont donné de nouveaux fruits au monde sont incapables de créer un système grâce auquel ces fruits pourront être mangés. Et cet échec plane comme une catastrophe sur le pays. 
Le travail de l'homme et de la nature, le produit des ceps, des arbres, doit être détruit pour que se maintiennent les cours, et c'est là une abomination qui dépasse toutes les autres. Des chargements d'oranges jetés n'importe où. Les gens viennent de loin pour en prendre, mais cela ne se peut
pas. Pourquoi achèteraient-ils des oranges à vingt cents la douzaine, s'il leur suffit de prendre leur voiture et d'aller en ramasser pour rien ? Alors des hommes armés de lances d'arrosage aspergent de pétrole les tas d'oranges, et ces hommes sont furieux d'avoir à commettre ce crime et leur colère se tourne contre les gens qui sont venus pour ramasser les oranges. Un million d'affamés ont besoin de fruits, et on arrose de pétrole les montagnes dorées. 
Et l'odeur de pourriture envahit la contrée On brûle du café dans les chaudières. On brûle le maïs pour se chauffer – le maïs fait du bon feu. On jette lespommes de terre à la rivière et on poste des gardes sur les rives pour interdire aux malheureux de les repêcher. On saigne les cochons et on les enterre, et la pourriture s'infiltre dans le sol. 
Il y a là un crime si monstrueux qu'il dépasse l'entendement. 
Il y a là une souffrance telle qu'elle ne saurait être symbolisée par les larmes. Il y a là une faillite si retentissante qu'elle annihile toutes les réussites antérieures. Un sol fertile, des files interminables d'arbres aux troncs robustes, et des fruits mûrs. Et les enfants atteints de pellagre doivent mourir parce que chaque orange doit rapporter un bénéfice. Et les coroners inscrivent sur les constats de décès : mort due à la sous-nutrition – et tout cela parce que la nourriture pourrit, parce qu'il faut la forcer à pourrir. 
Les gens s'en viennent armés d'épuisettes pour pêcher les pommes de terre dans la rivière, et les gardes les repoussent ; ils s'amènent dans leurs vieilles guimbardes pour tâcher de ramasser quelques oranges, mais on les a arrosées de pétrole. Alors ils restent plantés là et regardent flotter les pommes de terre au fil du courant ; ils écoutent les hurlements des porcs qu'on saigne dans un fossé et qu'on recouvre de chaux vive, regardent les montagnes d'oranges peu à peu se transformer en bouillie fétide ; et la consternation se lit dans les regards, et la colère commence à luire dans les yeux de ceux qui ont faim. Dans l'âme des gens, les raisins de la colère se gonflent et mûrissent, annonçant les vendanges prochaines », p. 492.

CHAPITRE XXVI

p.536 : Retrouvailles avec Casy.

EXTRAIT 9 : à propos des casseurs de grève, de la page 540 à 541.

« - Vous voyez ? Qu’est-ce que je vous disais ? Les flics causent plus de grabuge qu’ils n’en empêchent. Ecoute, Tom. Tu vas voir tous ces gens-là. Eh bien, essaie de les amener à se mettre avec nous. Ça peut-être fait en quarante-huit heures. Ces pêches sont mûres. Dis-leur. 
- Ils refuseront, dit Tom. Ils touchent cinq cents et se foutent pas mal du reste.
Mais dès qu’ils cesseront d’être des briseurs de grève, ils pourront toujours se fouiller pour avoir cinq cents. 
- J’crois pas qu’ils avaleront ça. Ils touchent leurs cinq cents. C’est tout ce qui les intéresse.
- Mais dis-leur quand même.
- Je sais que Pa ne le ferait pas, dit Tom. Je le connais. Il me répondrait que c’est pas ses oignons.
- Oui, concéda Casy, désolé. J’crois bien que t’as raison. Tant qu’il n’aura pas pris un bon coup sur la tête, il ne se rendra pas compte. 
– On n'avait plus rien à manger, dit Tom. Ce soir, on a eu de la viande. Guère, mais enfin, on en a eu. Croyez que Pa va lâcher son bout de viande pour faire plaisir aux autres ? Et Rosasharn a besoin de lait. Croyez que Man va risquer que le bébé n'ait pas sa suffisance, à cause qu'une bande de types font du raffut devant une barrière ?
- S’ils pouvaient seulement ouvrir les yeux, dit tristement Casy. S’ils pouvaient comprendre que le seul moyen de défendre leur biftek...Oh ! Et puis au diable tout ça ! Par moment, j’en ai marre. Terriblement marre. Je connaissais un type. S'était fait coffrer pendant que j'étais en taule. Pour avoir essayé de former un syndicat. Il avait réussi à le mettre sur pied. A ce moment-là, les « vigiles » s'étaient amenés et avaient tout bousillé. Et tu sais quoi ? Les gens pour qui il avait fait ça, qu'il avait voulu aider, eh ben, ils l'ont foutu
dehors. Voulaient plus rien avoir à faire avec lui. Peur d'êt' vus en sa compagnie. « Fous le camp, qu'ils lui disaient. T'es bon qu'à nous attirer des histoires. » Ça lui avait salement atteint le moral, tu peux être sûr. Mais, malgré tout, il disait : « C'est moins grave quand on sait d'où ça vient. Prends la Révolution française, qu'il disait – tous les gars qui l'avaient déclenchée, on leur a coupé le cou. C'est toujours comme ça, il disait. Aussi naturel que la pluie qui tombe. D'accord, on ne le fait pas pour son plaisir. On le fait parce que quelque chose vous y pousse. Parce que c'est en vous. Prends Washington, par exemple, il disait. Il s'est battu pour la Révolution et après ça, ces enfants de salauds se sont retournés contre lui. Lincoln pareil. C'est les mêmes qui
veulent leur peau. Tout aussi naturel que la pluie qui tombe. » 
– Je ne trouve pas ça drôle du tout, fit Tom. 
– Ça ne l'est pas. Il me disait, le gars en question : « L'important, c'est de faire son possible. » Et, aussi, il disait : « La seule chose qu'il faut voir, c'est que chaque fois qu'il y a un pas de fait en avant, il se peut que ça recule un brin, mais jamais d'autant. C'est facile à prouver, qu'il disait, et c'est ce qui montre que ça rime à quelque chose. Ça montre qu'il n'y a rien de gaspillé, en fin de compte, malgré que des fois on pourrait croire le contraire. » 
– Il cause, dit Tom, et il cause. Prenez mon frère Al, par exemple, il est allé courir la fille. Il se fout du reste. D'ici deux-trois jours, il en aura trouvé une. L'a que ça en tête. Il y pense toute la journée et le fait toute la nuit. Les pas en avant ou les pas en arrière ou les pas de côté, qu'est-ce que vous voulez que ça lui foute, à lui ? 
– Bien sûr, dit Casy. Bien sûr. », p. 540-541.

CHAPITRE XXVII (Le dur labeur de la récolte du coton).

ON DEMANDE DES JOURNALIERS
POUR LA RECOLTE DU COTON

⇒ Ces mots pourraient être le refrain d’une chanson électro. // Ce chapitre ressemble énormément au passage de la récolte du caoutchouc en Afrique subsaharienne par Céline en 1932.

CHAPITRE XXVIII

Prévisible : Ruthie, qui n’est qu’une enfant a tout dit sur son frère par vantardise parce qu’elle se faisait battre par une autre petite fille qui voulait lui prendre ses biscuits que ses parents n’auraient dû lui acheter. C’était prévisible (on le sent comme un mauvais pressentiment dès que les parents acceptent de lui céder pour les biscuits) mais ça énerve énormément quand même : il n’y a que la mère qui réagit bien et intelligemment.


À propos de la force des femmes : p. 595-596.

– Je sais, dit tranquillement Pa. Je ne suis plus bon à grand-chose. Je passe tout mon temps à penser au temps jadis. Je passe tout mon temps à penser à notre maison et à me dire que je ne la reverrai plus jamais. 
– Le pays est plus joli... la terre est meilleure, par ici, dit Man. 
– J' sais bien. Je ne la vois même pas ; j' suis toujours à penser que le peuplier doit êt' en train de perd' ses feuilles… ou bien des fois à me dire que j' devrais bien boucher le trou de la haie, derrière la maison. C'est drôle ! La femme prend le commandement de la famille. La femme dit : « On fera ci, on ira là. » Et ça ne me touche même plus. 
– Une femme, ça se fait plus vite aux changements qu'un homme, dit Man pour le consoler. Une femme, toute sa vie est dans ses bras. Chez l'homme, c'est tout dans sa tête. Ne te fais donc pas de tourments. Peut-êt'... enfin peut-êt'... que nous aurons un chez-nous l'année qui vient. 
– Pour le moment, nous n'avons rien, dit Pa. Et nous n'aurons plus rien d'ici longtemps... pas de travail, pas de récoltes. Qu'est-ce que nous ferons ? Comment nous débrouillerons-nous pour manger ? Et n'oublie pas aussi que Rosasharn ne va pas tarder à accoucher. Ça en vient au point que je n'ose même plus penser. C'est pour ça que je fouille dans les histoires du temps passé, c'est pour m'empêcher de penser. J'ai idée que not' vie est finie et bien finie. 
– Tu te trompes, dit Man avec un sourire. Elle n'est pas finie, Pa. Et ça c'est encore une chose que les femmes savent. Je l'ai remarqué. Chez l'homme, tout marche par sauts – un enfant vient au monde, un homme meurt, ça fait un saut. Il prend une ferme, il perd sa femme, un autre saut. Chez la femme, ça coule comme une rivière, avec des petits remous, des petites cascades, mais la rivière, elle coule sans jamais s'arrêter. C'est comme ça que la femme voit les choses. Nous ne mourrons pas, n'aie crainte, Pa. Les nôtres continueront à vivre – possib' qu'ils changent un petit peu – mais ils continueront sans se laisser arrêter. 
– Comment peux-tu le savoir ? demanda l'oncle John.
Qu'est-ce qui empêcherait que tout s'arrête tout d'un coup, que tout le monde en ait assez et se couche tout simplement ? Man réfléchit. Elle frotta le dos luisant de ses mains l'un contre l'autre, et croisa ses doigts.
– Difficile à dire, répondit-elle. Tout ce que nous faisons – à mon idée, c'est toujours dans le sens de la vie.
C'est comme ça que je vois les choses. Même la faim, même la maladie ; y en a qui meurent, mais les autres n'en sont que plus résistants. Faut simplement essayer de vivre jusqu'au lendemain, passer seulement la journée. L'oncle John dit : 
– Si seulement elle n'était pas morte, cette fois-là. 
– Vis donc dans le présent. Passe la journée d'aujourd'hui. Ne te tourmente pas.

p. 588 Tom se souvient des paroles de Casy l’ancien pasteur et les répète à sa mère  : « Disait que le désert et la solitude, ça ne rimait à rien, à cause de ce petit bout d’âme c’était zéro s’il ne faisait pas partie du reste, s’il ne formait pas un tout ».

« Deux valent mieux qu’un, car ils sont mieux payés de leurs peines. Car s’ils tombent, l’un aidera l’autre à se relever. Mais malheur à qui est seul. S’il tombe, il n’a personne pour le relever », p. 588-589.

« Si deux sont couchés côte à côte, ils se réchauffent mais comment se réchauffer lorsqu’on est seul ? », p. 589.

« Et c’est dans les Saintes Ecritures ? 
- C’est ce que disait Casy. Il appelait ça « Le Prédicateur ».

p. 590 PASSAGE TROP BEAU, le plus beau du livre.
«  - Comment que j’aurais de tes nouvelles ? Ils pourraient te tuer que j’en saurais rien. Il pourrait t’arriver du mal. Comment que je le saurais.
Tom eut un rire gêné : 
 - Ben, peut- êt’ que, comme disait Casy, un homme n’a pas d’âme en soi tout seul, mais seulement un morceau de l’âme unique ; à ce moment-là… […] A ce moment-là, ça n’a plus d’importance. Je serai toujours là, partout, dans l’ombre. Partout où tu porteras les yeux. Partout où y aura une bagarre pour que les gens puissent avoir à manger, je serai là. Partout où y aura un flic en train de passer un type à tabac, je serai là. Si c’est comme Casy le sentait, eh ben dans les cris des gens qui se mettent en colère parce qu’ils n’ont rien dans le ventre, je serai là, et dans les rires des mioches qu’ont faim et qui savent que la soupe les attend, je serai là. Et quand les nôtres auront sur leurs tables ce qu’ils auront planté et récolté, quand ils habiteront dans les maisons qu’ils auront construites… eh ben, je serais là. Comprends-tu ? (…) », p. 591.
Rappel : ce discours fait écho à celui de Casy au chapitre IV ⇒ Le concept d'« Âme-Supérieure » vient de l’essai « The Over-Soul » du penseur américain Ralph Waldo Emerson, publié en 1841.

Lecture achevée le mardi 31 décembre 2019.

Si vous avez pu profiter de mon travail personnel de sélection, merci de me dire un pt'it mot, ça me ferait très plaisir !!!
K@m.

EN BONUS : 

1) "Tom Joad" de Woody Guthrie, 1940.





"John Steinbeck n’en est pas revenu. « J’ai mis des mois à écrire ce bouquin [Les Raisins de la colère], et voilà qu’un enfant de salaud raconte cette histoire en 17 couplets ! » ce qu’il ne savait pas, c’est que Woody Guthrie avait écrit sa chanson en une nuit".

2) "The Ghost of Tom Joad" de Bruce Springteen, 1995.






Springteen a eu la très bonne idée de faire du plus beau passage du livre un couplet :
Now Tom said "Mom, wherever there's a cop beatin' a guy 
Wherever a hungry newborn baby cries 
Where there's a fight 'gainst the blood and hatred in the air 
Look for me Mom I'll be there 
Wherever there's somebody fightin' for a place to stand 
Or decent job or a helpin' hand 
Wherever somebody's strugglin' to be free 
Look in their eyes Mom you'll see me."

3) LES OCCURRENCES DU MOT « PORC » DANS LES RAISINS DE LA COLÈRE. 

Je n’ai jamais lu autant le mot « porc » de toute ma vie dans un livre. Tous les matins, la maman fait frire de la pâte et fait une sauce au saindoux pour tremper les beignets de pâte dedans. Une fois, elle achète du steak haché et encore, parce qu’elle est obligée parce qu’ils n’ont pas assez d’argent à cause des pêches qui ne rapportent pas et une autre fois, du « pot-au-feu » parce qu’ils ont plus d’argent grâce au coton. 
Les côtes de porc (aux oignons) avec des frites constituent le plat préféré de la famille Joad. Le porc salé est une nécessité de conservation pour le transport et ils le font frire à la poêle.
J’aurais pu faire la recherche du mot « saindoux » et « lard » également mais ça donne moins faim.:)
Le numéro des pages ne correspond pas à celles du livre utilisé pour le travail précédent publié en version papier par Gallimard en juillet 2012 : il s’agit de la version numérisée réalisée en mai 2012 par Gallimard.

p. 44 : X 2 occurrences, dont : « Pa dit : « John, tu vas manger tout ce sacré cochon ? » Et il répond : « J'en ai bien l'intention, Tom, mais j'ai peur qu'il ne s'en perde avant que j'aie fini, malgré que j'aie bougrement faim de porc. Tu ferais peut-être aussi bien de t'en prendre une assiettée et de me rendre deux rouleaux de fil de fer. » +
« – J' sais pas, dit Joad. Une envie de cochon qui lui a pris. Ça me donne faim rien que d'y penser. J'ai eu tout juste quatre tranches de rôti de porc en quatre ans... une tranche à chaque Noël ».

p. 102 : 1 « porc salé dans la poêle ».

p.103 : X 2 occurrences, dont : 
« Une odeur de saule brûlé flottait dans l'air, et, comme les trois hommes approchaient de la porte, l'odeur de porc, l'odeur de pain chaud et l'odeur pénétrante de café bouillant dans le pot les accueillirent. Pa s'avança sur le pas de la porte ouverte, et s'y arrêta, bloquant l'entrée de son corps trapu. Il dit : 
– Man, y a deux gars qui viennent d'arriver par la route et ils se demandent si on pourrait leur donner un morceau ».

p. 105 : « Elle ramassa la fourchette, peigna la graisse bouillante et y pêcha une volute croustillante de porc ».

p. 111 : « Il se fraya un passage, s'assit, se servit une platée de porc et deux gros pains et arrosa le tout de sauce épaisse ». 

p. 143 : « Quand elle souleva le couvercle du grand pot, l'odeur de porc bouilli et de feuilles de betteraves sortit en bouffées par la porte ».

p. 145 : « porcs abattus ».
p. 146 : « on salera ce porc »
p. 148 « Man et Noah s'affairaient autour des carcasses et l'odeur d'os de porc grillés sortait du fourneau ».

p. 149 : X 2 occurrences « – Ça sera bon d'avoir des os de porc au petit déjeuner » et :
« – C'est du travail de femme, finit-elle par dire. 
– Travail de femme ou autre, c'est tout un, répliqua le pasteur. Y a trop à faire pour s'occuper de savoir ce qui est du travail de femme ou du travail d'homme. Vous avez de quoi faire ailleurs. Laissez-moi saler cette viande. Elle le dévisagea encore un moment, puis elle versa de l'eau d'un seau dans la cuvette en fer et elle se lava les mains.
Le pasteur prit les morceaux de porc et les saupoudra de sel tandis qu'elle l'observait. Et il les déposa dans les saloirs comme elle l'avait fait. Elle ne s'estima satisfaite que lorsqu'il eut fini une couche et l'eut recouverte de sel.

p. 152 : X 2 occurrences avec « barils de porc prêts » et « Mais les adultes restèrent près de la porte, frissonnant un peu et rongeant le porc croustillant ».

p. 153 : « côte de porc »
p. 155 : « les os de porc »

p. 156 : « – On est bien libre de dire ce qu'on veut faire, il m' semble. Eh, qui c'est qui mange des côtes de porc ? Dit Grand-père. 
– On a tous mangé, dit Tom. Man te prépare du café et un peu de cochon ».

p. 171 : Man dit « (…) Si je me mets à suivre toutes les routes possibles, y en aurait trop. Toi tu peux vivre dans l'avenir, parce que tu es si jeune, mais nous, moi, il y a la route qui défile, et on est dessus, et c'est tout. Et la seule chose qui compte, c'est à quel moment au juste ils vont me demander des os de porc à manger. (Sa figure se durcit.) C'est tout ce que je peux faire. J' peux pas faire plus. Si j' faisais plus que ça, les autres en seraient tout retournés. Ils se fient tous à moi pour que justement je ne pense pas plus loin que ça. »

p. 183 : « Il y avait longtemps que Man n'avait rien dit : – On ferait peut-être mieux de trouver un coin avant le coucher du soleil, fit-elle. Faut que je fasse bouillir un peu de porc et que je fasse du pain. Ça prend du temps ».

p. 201 : « Quand le porc et les pommes de terre furent cuits, les deux familles s'assirent par terre et se mirent à manger, et ils étaient silencieux, les yeux fixés sur le feu ».

p. 212 : « rôti de porc gris »
p. 255 : « porc bouilli »

p. 275 « Les femmes s'affairaient autour du feu, se hâtant de distribuer la nourriture aux estomacs vides, du porc si l'argent abondait, du porc, des pommes de terre et des oignons ». 

p. 305 : 2 occurrences « porc salé » + « porc salé et pommes de terre »
p. 306 : 1 occurrence.

p. 457 : « Vas-y, vas-y. Bien sûr que j' veux savoir la suite, mais si j'étais riche, moi si j'étais riche, je me paierais une cargaison de côtelettes de porc ; je m'en ferais une ceinture, un collier, et j' te boufferais ça, et quand y en aurait plus je recommencerais. Vas-y je t'écoute ».

p.490 : « hurlements des porcs »
p. 513 « il ressemblait à un porc » (seule fois où ne fait pas référence à la viande)

p. 575 : « Et Man allait au comptoir de boucherie, l'index sur les lèvres, soufflant sur son doigt d'un air profondément absorbé. – On pourrait prendre des côtelettes de porc. Combien c'est ?
– Trente cents la livre, m'dame. »

p.577 :  « Tu as préparé les pommes de terre ? 
– Elles sont là, tout épluchées. 
– On va les mettre à frire, dit Man. J'ai des côtes de porc. Coupez les pommes de terre en tranches dans la poêle neuve. Avec un peu d'oignon ». 

p. 578 : « Des côtes de porc, à ce que je vois ? Winfield se coula dans la pièce. 
– Man !
– Tais-toi une minute. Oui, mes hommes raffolent des côtes de porc. 
– Moi, je fais du lard grillé, dit Mme Wainwright. Vous sentez ? 
– Non... Je sens rien avec ces pommes de terre aux oignons.

p. 581 : « Man disposait deux côtes de porc et des frites sur une assiette de fer-blanc. »

p. 584 : « Elle l'entendit déballer l'assiette de fer-blanc. 
– Des côtes de porc, dit-elle. Et des frites. 
– Dieu Tout-Puissant ! Encore toutes chaudes ! » 

p. 598 : « Man coupa des tranches de porc salé qu'elle mit à frire dans la seconde poêle ».

Dans mon futur bar-restau-librairie « Chez Cam », il y aura parfois en plat du jour « Les raisins de la Colère » : Côte de porc, frites ou pommes de terre bouillies au choix, sauce aux oignons, salade de betterave et petits pains au saindoux et de façon régulière, « Le Steinbeck » : un sandwich à la poitrine de porc grillée ou de la poitrine salée, au choix, avec des oignons grillés, des haricots rouges et du persil ou de la coriandre au choix, histoire de l’agrémenter. 

Recette du petit-déjeuner chez les Joad, p. 423 : 
« Le saindoux grésillait dans la poêle et lorsque Man y versa la bouillie de maïs, la graisse pétilla furieusement. Dans une casserole à part, elle fit un mélange de graisse et de farine, y ajouta de l'eau et du sel, et touilla la sauce Le café commençait à bouillir dans le bidon de tôle, répandant une fumée odorante ».