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vendredi 28 juillet 2017

28 JUILLET 2017 : HIROSHIMA MON AMOUR DE MARGUERITE DURAS, 1959.




Ci-dessous, j'ai mis en premier l'extrait canonique de Hiroshima mon amour, lu pour la première fois dans le livret de 3ème du CNED, en faisant réviser mes élèves de troisième au Kazakhstan, entre 2011 et 2012. Je l'adore.
Je précise que j'ai voulu écrire peu de temps après ma rupture avec Aurélien en 2007-2008 à propos de la douleur d'avoir aimé un être, de ne plus aimer cet être et de ne pas comprendre que l'on pouvait y survivre sans y ôter du sens. 
Cette douleur de l'incompréhension totale, je l'ai comparée à une implosion et à Hiroshima (je ne connais rien au fonctionnement d'une bombe nucléaire) SANS JAMAIS AVOIR LU HIROSHIMA MON AMOUR DE DURAS. 
Mon deuil aura duré cinq ans : j'ai mis cinq longues années à ne "plus imploser", à ne plus mourir d'incompréhension face à l'oubli inéluctable de l'amour et du chagrin d'amour qui en découle.

Le cinéaste Alain Resnais confie à Marguerite Duras le soin de rédiger le scénario du film Hiroshima mon amour. En 1957, une jeune femme française, venue tourner un film pacifiste rencontre un Japonais et ce nouvel amour ravive douloureusement le souvenir d’un soldat allemand aimé et perdu pendant la guerre. L’image des deux amants se mêle à celle des horreurs laissées par la bombe tombée le 6 Août 1945 sur Hiroshima.

ELLE. — J'ai vu les actualités. Le deuxième jour, dit l'Histoire, je ne l'ai pas inventé, dès le deuxième jour, des espèces animales précises ont ressurgi des profondeurs de la terre et des cendres. Des chiens ont été photographiés. Pour toujours. Je les ai vus. J'ai vu les actualités. Je les ai vues. Du premier jour. Du deuxième jour. Du troisième jour. LUI (il lui coupe la parole). — Tu n'as rien vu. Rien. Chien amputé. Gens, enfants. Plaies. Enfants brûlés hurlant.
ELLE. — ... du quinzième jour aussi. Hiroshima se recouvrit de fleurs. Ce n'étaient partout que bleuets et glaïeuls, et volubilis et belles d'un jour qui renaissaient des cendres avec une extraordinaire vigueur, inconnue jusque-là chez les fleurs.
ELLE. — Je n'ai rien inventé.
LUI. — Tu as tout inventé.
ELLE. — Rien. De même que dans l'amour cette illusion existe, cette illusion de pouvoir ne jamais oublier, de même j'ai eu l'illusion devant Hiroshima que jamais je n'oublierai. De même que dans l'amour. Des pinces chirurgicales s'approchent d'un œil pour l'extraire. Les actualités continuent. ELLE. — J'ai vu aussi les rescapés et ceux qui étaient dans les ventres des femmes de Hiroshima. Un bel enfant se tourne vers nous. Alors nous voyons qu'il est borgne. Une jeune fille brûlée se regarde dans un miroir. Une autre jeune fille aveugle aux mains tordues joue de la cithare. Une femme prie auprès de ses enfants qui meurent. Un homme se meurt de ne plus dormir depuis des années. (Une fois par semaine, on lui amène ses enfants.) 
ELLE. — J'ai vu la patience, l'innocence, la douceur apparente avec lesquelles les survivants provisoires de Hiroshima s'accommodaient d'un sort tellement injuste que l'imagination d'habitude pourtant si féconde, devant eux, se ferme. Toujours on revient à l'étreinte si parfaite des corps. ELLE (bas). — Écoute... Je sais... Je sais tout. Ça a continué.
LUI. — Rien. Tu ne sais rien.

Hiroshima mon amour, A. RESNAIS, l'Avant-Scène (1959)