Un blog pour se remuer les neurones et se secouer les fesses !
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vendredi 14 novembre 2014

ICI, C'EST PIRE QU'AILLEURS...(MAIS LÀ-BAS, C'ÉTAIT HORRIBLE AUSSI).

"Idiot ! Parce que nous aurions dû nous aimer" de Vincent Macaigne, adaptation de l'Idiot de Dostoïevski, au théâtre des Amandiers, le vendredi 14 novembre 2014, 20h. (3h30 avec entracte).

Billet durement obtenu à 22 euros au lieu de 28 via un site de revente dont j'ai réussi à contourner les commissions avec l'entente implicite avec la vendeuse (revendez sur le Bon coin, svp !).

Extrait piqué sur le Nouvel obs, c'est le personnage d'Hyppolyte qui s'exprime : « Regardez-moi, parce que même si je vous crie dessus, même si j’ai souvent hurlé et pire râlé à tout bout de champ, même si parfois j’ai été égoïste à en mourir, et même si jamais je n’ai pas su vous aimer ni dire quoi que ce soit de bon et de réconfortant quand il aurait fallu être bon et réconfortant, même si j’ai disparu tant de fois en laissant seule ma propre famille même si je n’ai pas pu surprendre tous ceux qu’il aurait fallu surprendre pour que la vie puisse enfin encore une fois, encore une petite fois, être un peu, un tout petit peu magique et surprenante, même si je n’ai pas serré fort la main des nouveaux contre mon cœur et les aimer et tomber définitivement et entièrement avec eux dans la boue et aimer ça la boue avec les nouveaux, même si jamais je ne serai cet homme noble et fort et bon et aimant qu’il aurait fallu être pour que tout ça ne soit pas si long et si chiant, et si sombre et si… Je vous ai aimés, mon Dieu, comme je vous ai aimés, vous tous là devant moi (…). »

Le pathos supposé de cette scène n'a hélas pas fonctionné sur moi mais je souris à l'idée que des gens puissent se culpabiliser d'être incapables de surprendre. Souvent je me demande comment ces gens font pour exister : qui n'éprouve pas du plaisir et de la joie à être surpris et qui n'aime pas en faire ? Pourtant, je constate que les gens comme les choses, sont au final très prévisibles, ce qui m'a amenée à un autre constat : je ne vis que pour les surprises (il faudra rajouter cette caractéristique aux symptômes du Syndrome de Don Quichotte). C'est encore de la fiction et de l'idéalisme que de croire que ce genre d'individu ait la capacité émotionnelle de se remettre en question et de se culpabiliser d'être incapable du don de soi à autrui...

Pour revenir sur la pièce, je ne crie pas au génie théâtral : depuis Rodrigo Garcia, je suis un peu blasée de la compétition scénique de la performance la plus outrancière qui choquera le plus le petit bourgeois de service : l'acteur qui sera le plus nu sur scène -passage tristement obligé de toute pièce contemporaine DEPUIS PLUS D'UNE DIZAINE D'ANNÉES en hurlant le plus fort des textes profonds et poétiques tout en s'auto-détruisant massivement ou un autre personnage voire le décor. Nous avons été plus que servis de ce côté-là : un acteur a agité ses TESTICULES tout au long de la pièce - comique de gestes, au programme de 5ème en français, n'est-ce pas - et un pan entier du décor s'est écroulé de façon spectaculaire, une bâche protégeant les spectateurs des deux premiers rangs...L'abus de fumigènes m'a définitivement bousillé mes lentilles de vue. Dès le début, nous avons été prévenus : le chauffeur de salle hurlait aux spectateurs de tous se lever, de danser en leur offrant des verres de bière - gratuits - en prétextant le faux anniversaire de sa fille et en promettant à tous les couples qui s'embrasseraient sur scène, une coupe de champagne...Le tout bien sûr, sur fond de décibels insupportables. 

J'ai refusé de me lever. Je refuse d'être utilisée pour jouer la vulgaire pétasse en public (des figurantes étaient en soutien-gorge, verre de bière levé à la main, posture lascive) pour servir d'illustration incarnée à la laideur commune des mouvements moutonniers de masse ("Jacques a dit à tout le monde de faire, donc je fais..."). Je hais les mouvements de masse : je suis libre, merde. Tout ce bruit conjugué à cette vulgarité visuelle, tout ce que je n'aime pas, d'autant plus un vendredi soir après une longue journée commencée à 6 heures du matin pour finir dans ce théâtre situé stratégiquement afin de rendre la culture accessible à tous puisqu'il ne faut surtout pas rater la navette qui vous emmène du R.E.R. civilisé jusqu'à lui, dans un trou perdu du 92, en dix minutes. Cette navette est naturellement pleine à craquer de Parisiens et je me suis retrouvée désagréablement debout, comme de nombreuses autres personnes. 

Bref, 3h de surenchère à la démesure (c'est volontaire : la mesure, c'est pour les bourgeois coincés du cul qui bossent toute la journée) et à la vulgarité (ça, c'est pour les artistes intellectuels libres qui pensent) - servant d'illustrations (ou de prétextes ?) pour critiquer la société capitaliste, libérale et décadente. Je me répète mais Rodrigo Garcia et d'autres, font ça depuis une dizaine d'années et il est temps de passer à autre chose de NOUVEAU parce que ça commence à me péter les couilles rendre franchement vulgaire moi-même, mais pas plus intelligente, hélas...

À croire que précisément sans cette société superficielle dans laquelle nous vivons, nous serions incapables de nous divertir : tous les textes des pièces contemporaines dénoncent la même chose : LA VACUITÉ de notre société de consommation ; la VACUITÉ des êtres qui constituent cette société déshumanisée en quête VAINE et permanente d'amour et de reconnaissance individuelle. C'est le message nihiliste sempiternel du chaos empli de fiel et de cynisme avec quelques velléités d'humanisme, de pardon, de tendresse et de poésie, ici et là, pour faire joli...Ils HURLENT ce message, ils se contorsionnent au maximum pour nous faire comprendre le message, pièce après pièce, c'est TOUJOURS la même chose MAIS que proposent-ils à part de l'illustrer incessamment en jouant, en mimant cette société infecte sous nos yeux ??? 

Où la subversion se trouve t-elle réellement et où se joue t-elle ??? Les personnes qui n'ont pas déjà conscience de tout cela ne vont PAS voir ce genre de pièce, ils vont voir du théâtre de boulevard, des vaudevilles, des humoristes à la mode : il n'y a personne à choquer véritablement dans la salle... Ce constat tristement réaliste de notre société, je l'ai fait déjà depuis longtemps mais j'ai beau chercher une réponse créative qui serait une alternative à sa représentation perpétuelle : je ne la trouve pas moi-même. Comment mettre en scène une pièce qui ne serait ni Bisounoursland ni Vulgaritéomniprésente.com au XXIème, BORDEL DE MERDE ??? (la vulgarité est malheureusement plus contagieuse que la beauté). 

Néanmoins je suis bien triste de n'avoir pas de mémoire pour vous citer quelques passages poignants tout de même (rôles féminins de qualité et comédiennes à la hauteur : Pauline Lorillard dans le rôle d'Aglaïa Ivanovna et Servane Ducorps dans le rôle de Nastassia Philippovna) et n'ai pas trouvé le texte à la librairie des Amandiers. Frustration de côté-là, donc. Parce que l'adaptation textuelle de Macaigne n'est pas dépourvue de puissance émotionnelle. C'est l'interprétation qui me lasse visuellement et me casse les ovaires, pardon, les oreilles. Les metteurs en scène contemporains poussent volontairement au burn-out physique et semblent s'en enorgueillir sans m'atteindre d'un IOTA émotionnellement alors que leurs textes sont bel et bien critiques, parfois beaux, notamment la réaction d'Aglaïa qui reproche à Gania de lui avoir promis dans sa lettre de décliner le mariage avec Nastassia SI elle lui promettait son amour en retour. Elle lui reproche de ne pas prendre ce risque par amour, d'avoir besoin d'avoir le terrain entièrement balisé pour se jeter à l'eau et lui conseille de travailler dans les assurances. J'ADORE.

L'autre moment fort est la révolte de Nastassia qui reproche à Aglaïa de n'être qu'une petite bourgeoise idéaliste, lâche et écervelée (en laquelle je m'identifie fortement) qui ne vit PAS le réel tel qu'il est tandis qu'elle, aussi souillée soit-elle (elle a été violée par son tuteur, etc.), a embrasé la vie réelle et l'a aimée. C'était beau. Néanmoins, depuis que je connais des gens réellement malades mentalement, je sais qu'ils n'aiment pas la vie autant que le prétend ce beau discours, puisqu'ils ne s'aiment pas eux-mêmes pas plus qu'ils ne respectent ni la vie, ni leur propre vie, ni celle d'autrui, en toute logique implacable, hélas. 

La littérature et le théâtre ont beau dresser le portrait le plus noir de notre société, ce sont des arts écrits et exprimés par des idéalistes qui espèrent toujours et sèment des lueurs d'espoir : les personnages les plus hideux sont beaux ; les personnages les plus méchants sont en fait, gentils. Sartre le constatait et l'écrivait bien avant moi dans Qu'est-ce que la littérature ? Enfants, nous avions le père Noël. Ceux qui n'ont pas envie de grandir ont Dieu avec pour point commun de se l'imaginer avec une barbe blanche dans le ciel, sans le traîneau, les rennes étant les anges ; les cadeaux, la justice divine. Adultes, nous avons des lueurs d'espoir et c'est tout ce que nous avons : quelque chose d'abstrait, impalpable. Mais le point commun entre les croyants et les athées idéalistes, c'est bien la Foi ; en l'Amour ; en un monde meilleur et sur ce point, ils ne se contredisent plus, ils croient en la même chose. C'est juste que les uns l'attendent ultérieurement dans une vie supposée après la mort ; les autres l'espèrent ici et maintenant. Mais est-ce possible ? 

"Ici, c'est pire qu'ailleurs" est le leitmotiv de la pièce, répété par Aglaïa qui, nourrie d'idéalisme bourgeois, rêvant incessamment de fuir à l'étranger, ne quitte jamais sa Russie natale et finit son existence médiocrement : elle qui ne rêvait que d'amour fou et a rejeté tous ses prétendants jamais à la hauteur ; elle-même rejetée par le Prince préférant sauver la noirceur excitante de Nastassia, se marie avec un "riche industriel"...Soupir.












N.B.: Sur le tee-shirt noir du comédien à la fin, on ne voit pas bien mais c'était écrit : "I love Nastassia", on voit les 2 "s", ils ont délibérément choisi d'écrire logiquement ce prénom avec 2 "s" afin que la prononciation soit claire et nette en français ce que je salue car c'est écrit "Nastasia" partout À TORT dans les traductions françaises. Or l'écriture cyrillique indique bien un putain de "C" qui fait le son {S} chez nous ; si ça avait été le son {Z}, il y aurait eu un "3" en cyrillique à l'origine, ce qui n'est PAS le cas. Bref : Настасья = {Nasstassya}