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mercredi 1 mai 2013

La piscine (1995), Les abeilles (1995), La grossesse (1999), Yôko Ogawa, Japon.




La piscine (1995), Les abeilles (1995), La grossesse (1999).

Auteur : Yôko Ogawa

Recueil de trois nouvelles (ou romans courts selon certains)

Maison d'éditions : Actes Sud, Collection Babel, 1998.

Titres originaux : Diving pool (1991) ; Dormitory (1991) ; Ninshin Calendar (1991)


Résumé de la piscine :

C'est l'histoire d'une adolescente qui grandit au sein de l'orphelinat de ses propres parents. Elle n'a jamais connu l'âge d'or de l'enfance étant donné que ses parents ont consacré leur vie à des orphelins et ce, depuis qu'elle est née. Ils sont toujours occupés et ne l'écoutent pas, sans cesse préoccupés par les enfants de l'orphelinat. Cette jeune fille est donc malheureuse, jalouse, envieuse et méchante. Mais aussi amoureuse d'un jeune pensionnaire : Jun, qu'elle va voir chaque jour plonger dont le mouvement des muscles et les formes la fascinent littéralement. Elle tente d'empoissonner une toute petite fille avec un gâteau périmé.



Résumé des abeilles :

C'est l'histoire d'une femme qui n'a pas envie de rejoindre son mari expatrié en Suède et se réjouit de l'arrivée d'un de ses jeunes cousins qu'elle s'empresse d'accueillir pendant un certain temps avant de l'aider à s'installer dans le pensionnat pour enfants démunis où elle a elle-même vécu.

Il revient régulièrement chez elle pour déjeuner le week-end, puis de moins en moins, et un jour, il ne donne plus du tout signe de vie. Elle vient alors régulièrement s'occuper du directeur du pensionnat vieux, malade et unijambiste, qui lui apprend qu'un étudiant avait déjà disparu, ce qui avait provoqué des enquêtes sur lui et conduit à la mauvaise réputation de l'établissement. Il l'invite à se rendre dans la chambre de l'étudiant afin que peut-être, elle y trouve des éléments de réponse. Elle se rend compte que le directeur décrit parfaitement les formes de son cousin jusqu'à son omoplate, ce qui n'est pas normal. Lorsqu'elle se rend dans la chambre du jeune homme, des gouttes tombent sur elle du plafond. Elle croit que c'est du sang. Elle monte pour voir ce qui se trouve au-dessus en s'attendant au pire. Mais ce n'est qu'une ruche immense, si grande qu'elle commence à s'effondrer sur elle-même.


Résumé de la grossesse :

C'est l'histoire d'une jeune femme qui raconte la grossesse de sa soeur avec qui elle vit, ainsi que son beau-frère.

Sa soeur a des nausées à tel point qu'elle empêche tout le monde de manger pendant des mois, à cause des odeurs, qui l'écoeurent. L'héroïne est contrainte de faire ses repas à l'extérieur.

Le mari de sa soeur est toujours très indulgent. L'héroïne hait ce beau-frère mou et insipide. Elle ne parvient pas à se représenter le bébé qu'elle n'imagine que sous forme de chromosomes humains : "On aurait dit un alignement de couples de larves de papillons jumeaux."

Un jour, les nausées disparaissent et c'est tout l'inverse qui se produit : sa soeur se met à manger à outrance, à faire des envies alimentaires brutales en plein milieu de la nuit, comme du sorbet de nèfle, par exemple. La narratrice, qui travaille dans un supermarché durant l'été se retrouve avec des kilos de pamplemousses invendus. Elle se met alors à confectionner des confitures de pamplemousse dont se gave sa soeur. Or des amis étudiants l'avaient entraînée à une conférence sur le danger des pamplemousses américains. "Le P.W.H. est un produit antimoisissure fortement cancérigène. Il détruit les chromosomes humains !". Le lecteur comprend qu'elle désire clairement la mort du bébé. Le récit se finit lorsque l'héroïne se rend à la maternité pour vérifier l'efficacité de son projet.


Commentaire :

On lit ces trois nouvelles comme des polars sauf qu'au lieu d'être dans la tête du policier qui galère pour trouver le meurtrier, on est dans la tête du criminel qui s'apprête à commettre un meurtre. Du moins pour au moins deux des trois histoires : "La piscine" et "La grossesse", il s'agit d'un crime - en général un meurtre prémédité- en cours de préparation. Nous sommes donc plongés dans une ambiance psychologiquement tendue, dans la tête d'un être malveillant mais qui souffre lui-même, soit explicitement -"La piscine"-, soit implicitement -"La grossesse".

Le point commun entre ces trois récits, c'est le lien saisissant entre le mal-être profond du narrateur et le poids de cette vie quotidienne morne et répétitive, où en général rien ne se passe. Les deux criminelles interpellent ainsi le lecteur à la fois par la froideur de leur cruauté et par la monotonie voire la médiocrité de leur existence. Le lecteur qui n'a pas une vie sensationnelle non plus, comprendra aisément la frustration et la violence que peut susciter un tel quotidien. Il éprouvera une sincère empathie pour ces anti-héroïnes, sans pour autant éprouver de la sympathie.

La nouvelle la plus mystérieuse est celle des "abeilles" car on ne sait toujours pas comment a disparu le jeune cousin, la ruche d'abeilles n'apportant aucune réponse. Les histoires de Yôko Ogawa sont à l'image de ses héroïnes : elles ne bouleversent pas l'existence, mais elles poussent un cri de révolte momentané contre le néant infini.

N.B. Cadeau déposé devant ma porte (avec un melon du marché de Belleville et un bonnet d'hiver) par mon amant prof d'E.P.S. pour mon départ au Kazakhstan en juin 2011.

N.B. C'est en écoutant une émission de France Culture que j'ai pensé à terminer le recueil par le dernier récit ("La grossesse") : http://www.franceculture.fr/emission-la-grande-table-2eme-partie-entretien-avec-yoko-ogawa-2013-05-01