Un blog pour se remuer les neurones et se secouer les fesses !
Un blog pour encourager tous ceux qui n'ont pas envie de se laisser aller avec non-garantie de succès, ni pour eux, ni pour moi-même. ;-)

vendredi 24 avril 2020

LE LIÈVRE DE VATANEN, ARTO PAASALINNA, 1975, FINLANDE.



J'ai trouvé ce livre par terre en pleine rue de Belleville
durant le confinement au temps du coronavirus en 2020.
Le titre me disait quelque chose. J'ai lavé la 1ère et la 4ème de couv avec du gel hydro-alcoolique...
Aux pollueurs : les boîtes à livres existent dans chaque quartier civilisé de cette planète !
Métro Jourdain.

























Dans le livre, ça boit énormément ! :D


vendredi 17 avril 2020

CONFESSION D'UN MASQUE, YUKIO MISHIMA, 1949.

Livre offert par Stéphane F. pour mon anniversaire de 2020.
Lecture achevée durant le confinement en avril 2020.
ATTENTION : Cette version est une traduction en français de la version ANGLAISE.
La version française directement traduite du japonais se trouve dans la Collection "Du Monde entier" de Gallimard et n'a été publiée que le 21 février 2019 !!!

Collection Du monde entier, Gallimard
Parution : 21-02-2019

Ne pas confondre ! Celle-ci est l'ancienne version issue de l'anglais aussi !
Je lui avais dit que j’aimais demander à mes amis de m’offrir leur livre préféré d’occasion ou leur musique préférée afin que j’apprenne à mieux les connaître.
(Stéphane m’a aussi offert la Traviata en CD cette année, malheureusement, je n’ai plus de lecteur CD).
Il me les a offerts neufs tous les deux alors que j’insiste sur le fait que je ne veux pas participer à la société de consommation par ces requêtes d’anniversaires : tous les meilleurs livres et musiques du monde se trouvent d’occasion, ce qui prouve que ce qui change la vie des uns ne change pas la vie des autres.

Résumé : C’est l’histoire d’un jeune homme appelé « Kochan » qui raconte la genèse de son homosexualité dès l’âge de quatre ans, avant même qu’il ne sache lire et écrire, puis ses premiers émois pour des hétéros (moitié du livre) et enfin, son « amour faux » (c’est moi qui l’appelle ainsi) pour la petite sœur d’un ami, Sonoko (autre moitié du livre).

Prétendant sans cesse être ce qu’il n’est pas afin de protéger sa réelle identité sexuelle : sûr de lui, froid et condescendant alors qu’il n’a pas du tout confiance en lui et ne pense qu’à mourir pour ne plus avoir à réfléchir sur son sort. Il fait de son mieux pour être honnête avec lui-même, ce qui n’est pas toujours évident et manipulera la pauvre Sonoko, sans grands états d’âme, avec beaucoup d’égoïsme et une grande lâcheté. Sa survie émotionnelle semble toujours primer sur le ressenti d’autrui, ce qui ne le rend guère attachant mais je suis parfaitement à même de le comprendre puisque je fais exactement la même chose et je ne suis guère attachée à moi-même non plus.

Plus en détails :

On apprend qu’ à l’origine de son enfance, il y a un dysfonctionnement familial assez dur à vivre : sa grand-mère paternelle s’est octroyé sa garde, au détriment des prérogatives de sa mère. Il vit donc seul avec cette grand-mère jusqu’à l’âge de douze ans, séparé de ses parents, de son frère et de sa sœur. Pire, elle lui interdit de sortir, de jouer dehors et ne peut fréquenter que ses deux cousines (non mais quelle horreur ! Quelle enfance naze !). On n’est pas surpris d’apprendre qu’il est tout le temps malade quasiment dès la naissance (problème urinaire tout au long de sa vie) et de composition chétive et frêle. Alors oui, sans aucun doute cette grand-mère tyrannique et possessive aura contribué à créer ses névroses, son homosexualité et son génie mais tout de même, le prix à payer est sans doute une instabilité émotionnelle très forte chez cet individu qui de toute façon finira par se suicider.


I-ENFANCE.


Enfance marquée par son goût des images masculines, de la tragédie, de la souffrance et du sang.


1) L’éboueur.

Publication publique d'une maman du dessin d'un de ses enfants commenté par un de ses autres enfants à destination des éboueurs durant le confinement
Premier souvenir : Il tombe amoureux d’un éboueur de rue à l’âge de quatre ans : « C’était un vidangeur, un collecteur d’excréments », p. 15. Ce métier lui inspire la tragédie, ce qui l’attire.

« Ce que je veux dire, c’est que le métier de cet homme m’inspirait en quelque sorte le violent désir d’un chagrin amer, d’un chagrin qui me déchirerait le corps. Son métier me donnait le sentiment d’une « tragédie » dans le sens le plus voluptueux du mot. Un certain sentiment de « renoncement à soi-même », un sentiment d’indifférence, un certain sentiment d’intimité avec le danger, comme un singulier mélange de néant et de force vitale –– tous ces sentiments suscités en foule par son métier fondirent sur moi et me tirent captif à l’âge de quatre ans. Sans doute me faisais-je une idée erronée du travail de vidangeur. (…) »,

Il voulait devenir pareil.

J'en profite pour vous inciter à participer aux évènements de l'association japonaise "Green bird" à Paris qui consiste à ramasser des déchets dans la capitale et dans le monde entier, bénévolement.

Le tri sélectif dans le Japon moderne.
« Bientôt mon ambition se transféra, accompagnée des mêmes émotions sur les conducteurs de hana-densha –– ces tramways si joliment décorés par des fleurs les jours de fête –– ou bien encore sur les poinçonneurs du métro », p. 16-17.


2) Le chevalier du livre d’images.

Deuxième souvenir : Il a appris à lire et à écrire à l’âge de 5 ans. Son premier souvenir remonte donc à une image très précise avant de savoir lire, qu’il estime à ses 4 ans. C’est l’image d’un chevalier dont il tombe fou d’admiration. Sa servante (on voit le niveau social) lui apprend qu’il s’agit de Jeanne d’Arc, une femme, à sa plus grande déception et dégoût. 

Extrait p-19-20 :

« L’image représentait un chevalier monté sur un cheval blanc, l’épée levée. Le cheval, les naseaux flamboyants, piaffait, frappant le sol de ses jambes puissantes. Il y avait un magnifique écusson sur l’armure d’argent portée par le chevalier. Son beau visage se devinait derrière la visière et il brandissait son épée nue de façon terrifiante, sous le ciel bleu, affrontant, soit la mort, soit au moins quelque redoutable objet, doué d’un pouvoir maléfique. Je pensais qu’il allait être tué l’instant d’après : si je tourne vivement la page, je peux sûrement le voir tué. Sûrement il existe un moyen par lequel, avant qu’on s’en rende compte, les images d’un livre peuvent se transformer et devenir « l’instant d’après »…

(...)

On dirait un homme mais c’est une femme. Elle s’appelait Jeanne d’Arc. Il paraît qu’elle est allée à la guerre habillée en homme pour servir son pays.

- Une femme… ?

J’avais l’impression d’avoir reçu un coup de massue.

La personne dont je pensais qu’il était il était elle.

Si ce magnifique chevalier était une femme et non un homme, que restait-il ? (Aujourd’hui même j’éprouve une répugnance, profondément ancrée et difficile à expliquer, à l’égard des femmes habillées en costume masculin).

C’était la première « revanche par la réalité » dont je faisais l’expérience et elle me semblait cruelle, en particulier à propos des délicieuses visions auxquelles je m’étais complu concernant sa mort. Dès ce jour, je n’accordai plus le moindre intérêt à ce livre d’images, je ne voulus même plus l’avoir entre les mains. Des années plus tard, je devais découvrir la glorification de la mort d’un beau chevalier dans un poème d’Oscar Wilde :

Il est beau ce chevalier qui gît frappé à mort

Parmi les joncs et les roseaux ».

Jeanne d'Arc en armure (miniature du xve siècle). Portrait imaginaire et idéalisé

N.B. :  Cf. Diadorim de João Guimarães, 1956.



*LA SAVEUR AMÈRE DE L'ÂGE ADULTE OU L'ANTI-MADELEINE DE PROUST : LA SÉRIOLE. 

En parlant de la grand-mère : « (…) elle m’interdisait de manger les poissons à « peau bleue ». Mon régime était soigneusement limité : en fait de poisson, on me permettait seulement les espèces à chair blanche, telles que le flétan, le turbot ou le rouget. (…) Aussi fut-ce à l’occasion ce séjour que je mangeai mon premier poisson à peau bleue –– une sériole –– que je dévorai avec une intense satisfaction. Sa saveur fine signifiait pour moi qu’on m’avait enfin accordé le premier de mes droits d’adulte, mais en même temps il laissait sur le bout de ma langue, un assez amer goût de malaise –– le malaise d’être devenu adulte. Encore aujourd’hui j’éprouve un sentiment de gêne à chaque fois que j’ai cette saveur dans la bouche. », p. 32.  < la sériole est l'anti-madeleine de Proust, j'adore (je cherche la mienne mais je ne vois pas. Quel est le goût qui m'a fait comprendre que j'étais devenue une adulte ? Je cherche dans mes souvenirs ! Et vous, avez-vous identifié le vôtre ?

Estampe de Hiroshige datant de 1832, représentant un Seriola quinqueradiata et un fugu.



« Comme les ennemis imaginaires susceptibles de vouloir m’enlever –– bref, mes parents –– étaient absents, ma grand-mère n’avait aucun scrupule à me laisser plus de latitude », p. 32.

Prise de conscience du déguisement, p. 33 :

« Mon lit de paresse me manquait. Et dans cette maison, on exigeait tacitement de moi que je me conduise en garçon. A contrecoeur, j’avais dès lors adopté un déguisement. Vers cette époque, je commençait à comprendre vaguement le mécanisme d’un fait : ce que les gens considéraient comme une attitude de ma part était en réalité l’expression de mon besoin d’affirmer ma vraie nature et c’était précisément ce que je les gens considéraient mon moi véritable qui était un déguisement. C’était ce déguisement endossé de mauvaise grâce qui me faisait dire :

« Jouons à la guerre».

⇒ L’avant-dernière phrase n’est pas si simple à comprendre. J’ai pour seul repère Bruno M. mon ex-meilleur ami homosexuel qui me forçait à corriger sa démarche afin qu’il apparaisse sans cesse plus viril. Si je transpose son cas à Mishima, je comprends que cette volonté correspondait à dissimuler sa vraie nature homosexuelle mais aussi efféminée et en effet, j’ai mis un temps fou et illogique (puisque j’y ai contribué moi-même) que ma fierté d’avoir un ami homosexuel viril était complètement erronée puisqu’il s’agissait d’un déguisement. Mais ce n’est pas simple à comprendre. Pendant très longtemps, j’ai été homophobe envers les homosexuels efféminés, je le suis encore un peu, contre ma volonté.


3) San Sebastiano de Guido Reni, vers 1620.

San Sebastiano de Guido Reni, vers 1620 
San Sebastiano de Guido Reni, vers 1620

(Je préfère la carnation du deuxième mais je suppose que la couleur du premier est l'originelle).

Deuxième anecdote : Son père avait pour habitude de rapporter des livres d’art des pays européens où il voyageait (on voit le niveau social bis).

« (…) jusqu’à ce jour-là, je n’avais jamais imaginé qu’ils pussent être plus intéressants que les illustrations des romans d’aventures publiés en magazines. (…) C’était une reproduction du Saint-Sébastien de Guido Reni, qui fait partie des collections du Palazzo Rosso, à Gênes ». 

Note : il existe plusieurs versions de ce tableau et nous en avons une au Louvre, appartenant à la collection de Louis XIV à laquelle ce tableau appartenait.

S’ensuit une description minutieuse du tableau qui moi me laisse de marbre et me fait comprendre que l’homme, qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel, éprouve un culte du corps que je n’ai pas.

Bien sûr, j’apprécie aussi de regarder et de toucher un corps bien fait voire parfait ! 
Dans l’ordre chronologique : Ludovic G. l’ingénieur des Arts et métiers qui faisait du hockey de rue et de la natation, Christian K. l’Allemand de Bréhat avec ses tablettes de chocolat, qui était pentathlète, Otu E., le Nigérian britannique, lui aussi avec son pack, le mieux fait de tous génétiquement, qui faisait juste de la natation et dans une moindre mesure parce que trop sec pour moi qui suis ronde, mais tout en muscles, Cédric S. le prof d’EPS. 
Je me souviens même avoir écrit un mail à ma petite soeur (qui avait déjà rencontré son futur mari lors de sa première année de prépa en agro) pour la supplier de se taper un mec musclé avant de rester à vie avec le même gars, tellement c'était expérience que je n'avais jamais vécue de façon aussi chouette. Je pensais à Christian, l'Allemand de Bréhat qui me tournayait dans les airs presque d'une main : j'exagère À PEINE.

De plus, même si j’ai écrit un poème intitulé « Le Callipyge » en hommage aux fesses de Pierre à qui j’ai voué une obsession charnelle, même si j’ai fait le brouillon d’un poème à chaque partie de son corps (ou celui d’Aurélien, je ne sais plus, oui je sais c'est grave mais il y a tellement prescription que...) : l’obsession pour le corps d’un tiers n’est précédée chez moi que par l’Amour, comme de nombreuses femmes conditionnées de cette façon et je ne m'en plains pas. 

Les hommes les mieux gaulés que j'ai eu le privilège de me taper avec concupiscence (il n'y a pas d'autre vocabulaire ni d'autre registre possible), quand bien même je l'ai fait avec respect et réciproquement, ne sont pas les hommes de ma vie que j’ai aimés de tout mon coeur, qui eux ne correspondaient pas aux canons de beauté, ni même ma Dulcinée Yossef E., certes bien fait de sa personne mais pas musclé pour un sou, contrairement à tous les autres cités précédemment. 

Ce que je veux dire, c'est que ce genre de rencontre physique bouleverse les sens de façon très agréable certes, mais bouleverse-t-elle l'âme ? Non. Pour cela, il faut aimer le contenu, indéniablement. Les homosexuels hommes, comme les hétéros finalement, sont obsédés par les bites, les tailles de bite, les formes de bite, etc. Moi pas du tout. Pour des raisons pragmatiques, je n'aime ni les saucisses cocktails ni les baobabs. Mais il se trouve que l'homme le plus aimé de ma vie avait une saucisse cocktail, que l'homme que je regrette le plus pour des raisons sentimentales, avait un baobab et que l'homme que j'ai le plus idéalisé à mes dépens avait une bite de taille moyenne parfaite pour moi.

De même, je ne pense pas que les lesbiennes soient obsédées par les chattes. Si ? Je suis persuadée que non. Ce que j'essaye de démontrer c'est que peu importe notre orientation sexuelle, les hommes et les femmes ne sont pas conditionnés de la même façon : les hommes sont davantage conditionnés à être focalisés sur le corps quand les femmes le sont sur l'esprit.

Citation sexiste et certes simpliste de Baudelaire mais qui me parle malgré tout. 

Je me souviens d’une phrase de Vincent D. à propos de sa compagne M-A qu’il aimait pourtant à l'époque : « Il y a quelque chose qui me dérange pourtant, je ne suis pas fou de son corps ». Plus tard, il tombera fou amoureux d’une femme au corps parfait et à la tête bien faite, avec qui il aura des enfants.

N.B. Ce tableau le fascinera toute sa vie au point de le reproduire dans une œuvre photographique (réalisée par un artiste japonais) intitulée « L’Ordalie des Roses » (voir plus bas dans la sitographie).


II- ADOLESCENCE.

1. Omi, l’ado rebelle plus âgé.

CHAUSSETTES VOYANTES.

« Par exemple, il y avait la question des chaussettes. A cette époque l’action corrosive d’un système d’éducation qui visait à produire des soldats, avait déjà atteint notre école : le précepte énoncé par le général Enoki sur son lit de mort : Soyez simples et virils », avait été remis en honneur : et des objets tels que les cache-nez et les chaussettes de couleur voyante étaient tabous. En fait tous les cache-nez étaient ma vus et le règlement exigeait que les chaussettes fussent blanches et les chaussettes noires, ou du moins d’une couleur sérieuse. Seul Omi ne manquait jamais de porter des cachez-nez et des chaussettes à dessins agressifs", p. 55.

Chaussette "Nocturne" de Bonne Maison.

Chaussette "Artichaud Nude" de Bonne Maison.


Chaussettes "Main nuit" de Bonne Maison.

"Ce garçon qui le premier osait braver les tabous faisait d’une étrange habileté pour décorer sa perversité du beau nom de révolte. (…)

Comme il arrive toujours, cependant, la révolte des masses aveugles n’allait pas au-delà d’une plate imitation. Espérant échapper aux dangers encourus et goûter aux seules joies de la révolte, nous n’imitions en rien l’audace dont Omi nous donnait l’exemple, sauf en ce qui concernait les chaussettes. », p. 55

Ce passage m’a confortée dans ma nouvelle lubie : les chaussettes originales. Ne me reste plus qu’à trouver le jean pour les mettre en valeur et ça, ce n’est pas gagné.

LUBBIE 2019-2020 : Les chaussettes à motifs. Jusqu'à présent, je n'achetais que des chaussettes noires ou blanches par pragmatisme. Depuis peu, ma mélancolie grandissant, j'ai ressenti le besoin d'acheter des chaussettes à motifs. Ma marque préférée est Bonne Maison, une marque française, hélas trop chère pour moi : 20 euros la paire...Je me contente donc de les regarder et je me suis retenue pour ne pas mettre une dizaine de photos consécutives. Vivement les soldes... J'ai dû me rabattre sur une marque britannique "Thought", à base de bambou (ce qui est écologiquement discutable car si l'arbre se reproduit facilement, la fibre de bambou nécessite trop de procédés chimiques qui nuisent à l'environnement).

"–– Pauvre type, je parie que tu ne sais même pas quel effet ça fait de porter des gants de peau. Tiens… !

Je me jetai de côté. Un brutal sentiment charnel s’embrasa en moi, marquant mes joues. Je sentis que le dévisageais avec des yeux clairs comme le cristal…

Dès ce moment, je fus amoureux d’Omi.

Pour moi, c’était le premier amour de ma vie. Et si l’on peut excuser une façon de parler aussi brutale, c’était de toute évidence un amour étroitement lié aux désirs de la chair », p. 62.

*SOLITUDE ET ÂGE ADULTE.
« Et pourtant, au fond de moi, un instinct exigeait que recherchasse la solitude, que je demeurasse à part, comme quelque chose de différent. Cette obligation se manifestait sous la forme d’un malaise étrange et mystérieux. J’ai déjà raconté comment, pendant mon enfance, j’étais écrasé par un sentiment de malaise à la pensée de devenir adulte, et l’idée que je grandissais continuait de s’accompagner d’une étrange et déchirante inquiétude », p. 81.

« En fait, la pensée que je pourrais un jour parvenir à la taille d’un adulte m’emplissait de crainte, je redoutais quelque terrible danger. D’une part, mon indéfinissable sentiment de malaise favorisait ma propension à faire des rêves étrangers à toute réalité et d’autre part elle me poussait aux « mauvaises habitudes » qui m’amenaient à trouver un refuge dans ces rêves. L’inquiétude était mon excuse... », p. 82.

*SENTIMENT DE LAIDEUR.
« Dès lors, chaque fois que je prenais un bain, je restais longtemps debout devant le miroir à contempler le reflet disgracieux de mon corps nu. Nouvel exemple du vilain petit canard persuadé qu’il va devenir un cygne ; seulement, cette fois, ce conte de fée épique devait avoir un dénouement exactement contraire. Bien que mes épaules décharnées et mon étroite poitrine n’eussent pas la moindre ressemblance avec celles d’Omi, je les regardais attentivement dans le miroir et je voulais à toute force trouver des raisons de croire qu’un jour j’aurais une poitrine comme celle d’Omi, des épaules pareilles aux siennes. Malgré cela, un malaise, comme une mince pellicule de glace, se formait ça et là sur la surface de mon coeur. C’était plus qu’un malaise, c’était une sorte de conviction masochiste, une conviction aussi ferme que si elle eût été fondée sur une révélation divine, une conviction qui m’amenait à dire : « Jamais en ce monde, tu ne pourras ressembler à Omi », p. 83.


C’est exactement ce que je ressens en pensant à C.G. et GM., c’est dur à vivre quand ces meufs ont déjà tout et pas seulement le physique, c’est vraiment dur quand il ne reste aucune miette de bonheur à grignoter. La seule différence est que mon envie ne va pas jusqu'à l'amour.

LA VAGUE, p. 86-87.

« Les muscles des nuages étaient pâles comme l’albâtre », p.86.

Passage de la vague descriptif trop long. Je me suis juste dit qu’il pouvait illustrer la vague d’Okusai.

Katsushika Hokusai, The Great Wave Off the Coast of Kanagawa, Thirty-Six Views of Mount Fuji- entre 1831 et 1833.

« J’étais l’un de ces sauvages ravisseurs qui, ne sachant comment exprimer leur amour, tuent par erreur la personne qu’ils aiment. Je baisais les lèvres de ceux qui gisaient à terre, encore agité de mouvements spasmodiques. (Il imagine une planche avec plein de poignards) Il y avait une sorte d’usine d’exécutions, où des foreuses mécaniques, destinées à percer le coeur humain, fonctionnaient sans arrêt, après quoi le sang recueilli était sucré, mis en boîtes et vendu dans le commerce. Dans la tête de cet élève de l’école secondaire, d’innombrables victimes, les mains liées derrière le dos, étaient conduites au Colisée. », p. 93.

J’adore l’idée du sang sucré mis en boîte.

« J’éprouvais le besoin de commencer à vivre. Commencer à vivre ma vraie vie ? Même si ce devrait être une simple mascarade et pas du tout ma vraie vie, le temps était venu où il me fallut prendre le départ et s’avancer en traînant lourdement mes pas », p. 99.

Note perso : cette réflexion, il l'a réalisée à l'âge de 24 ans, l'âge qu'il avait lorsqu'il a publié ce premier roman. Même si aussi incroyable soit-il, sa famille continuera de vivre dans le déni de son homosexualité en portant plainte contre un de ses anciens amants pour diffamation des années plus tard !!!
« Même dans mes conversations avec des amis, je me montrais souvent incapable de certaines associations d’idées, comme lors de l’incident concernant la mère de Katakura, et je faisais des réflexions qui leur semblaient tout à fait incohérentes. Mes amis résolvaient cette énigme à leur satisfaction en me considérant comme un poète ; j’avais entendu dire que les membres de la race d’hommes appelés poètes étaient invariablement rejetés par les femmes. Aussi, pour que ma conversation fût en harmonie avec celle de mes amis, je cultivais une capacité artificielle à faire les mêmes associations d’idées qu’eux », p. 109.

2) Yakumo, le nouveau du lycée, 17 ans, p. 122.


III- ÉTUDES.

« Comme je m’enthousiasme toujours pour les nouvelles choses, jusqu’au moment où leur nouveauté a disparu, j’avais l’air d’être un excellent élève d’allemand –– mais ce fut seulement pendant cette première année », p. 118.

= L'histoire de ma vie : la lassitude automatique après l'émerveillement disproportionné...

« Hirschfeld divise les invertis en deux catégories : les androphiles qui ne sont attirés que par les adultes et leséphébophiles, qui aiment les jeunes gens entre quatorze ans et vingt et un ans. (…) Dans la Grèce antique, un jeune homme était appelé éphèbe entre dix-huit ans et vingt ans, tandis qu’il recevait une instruction militaire ; le terme vient du mot grec qu’on retrouve dans nom d’Hébé, fille de Zeus et d’Héra, échanson des dieux de l’Olympe, épouse de l’immortel Hercule et symbole du printemps de la vie. », p. 121.

Hébé, vase antique.
Hébé, de Bertel Thorvaldsen, 1806, Musée Thorvaldsen de Copenhague.

Hébé et Héraclès, Jacques-Louis Dubois (belge), XIXème siècle.

Pages sur Hébé

« J’en avais une peur extraordinaire et pourtant j’attendais en même temps la mort avec une sorte d’impatience, avec une espérance pleine de douceur. Comme je l’ai noté plusieurs fois, l’avenir était pour moi un lourd fardeau. Dès le début, la vie m’avait écrasé sous un pesant sentiment du devoir. Bien que je fusse de toute évidence incapable d’accomplir ce devoir, la vie me harcelait, me reprochait ce manquement. C’est pourquoi j’aspirait à l’immense soulagement que sans aucun doute m’apporterait la mort si seulement, comme un lutteur, je pouvais arracher de mes épaules le lourd poids de la vie.», p. 125.

Note : la comparaison avec un lutteur ne me semble pas pertinente parce qu'un lutteur lutte, précisément (alors que lui revendique une attitude attentiste face à la mort).

« Ce que je voulais, c’était un suicide naturel, spontané. Je voulais une mort pareille à celle d’un renard, pas encore très astucieux, qui suit nonchalamment un sentier de montagne et se fait tuer par une balle de chasseur, à cause de sa stupidité... », p. 135.

Note : idem !!!

Introspection longue, torturée et ennuyeuse car n’arrive pas à discerner le vrai du faux chez lui-même : p. 149.

Très intéressant, le contexte de la guerre est très important et doit être pris en compte :
« Je me disais que même si ma maison avait été détruite par l’incendie en mon absence, même si ma mère, père, frère et sœur avaient tous été tués, c’eût été une excellente chose pour moi. A l’époque, une telle pensée ne semblait pas dénoter une insensibilité particulière. En ces temps-là, le pouvoir de notre imagination était appauvri par le fait que les évènements les plus fantastiques qu’on pût imaginer pouvaient en réalité se produite à tout instant, très naturellement. Il était beaucoup plus aisé d’imaginer l’anéantissement de toute sa famille, que de se représenter des choses qui appartenaient maintenant à un passé lointain, impossible, par exemple une rangée de bouteilles de boissons d’importation, dans une devanture de Ginza, ou la vue d’enseignes au néon clignotant dans le ciel nocturne au-dessus de Ginza. », p. 151.

Ginza : quartier chic de Tokyo, "les Champs-Élysées japonais".
http://japanization.org/15-choses-a-faire-sur-ginza-tokyo/


« De plus, elles étaient humides et froides.
Ses mains m’effrayaient comme le faisait toute réalité. Elles m’inspiraient une terreur instinctive. Ce que je craignais vraiment, c’était quelque chose en moi que ces mains impitoyables m’avaient révélé, quelque chose dont elles m’accusaient et pour quoi elle me condamnaient. J’avais peur de ne rien pouvoir leur cacher, peur toute supercherie fût vaine devant elles. Aussitôt, Sonoko prit pour moi une signification nouvelle –– elle était ma seule armure, la seule cotte de mailles de ma fragile conscience dans sa lutte contre ces mains. A tort ou à raison, par des moyens bons ou mauvais, me dis-je, il faut absolument que tu l’aimes. Ce sentiment devenait, semblait-il, une obligation morale pour moi, enfouie encore plus profondément dans mon coeur que mon sentiment de culpabilité », p. 153.

RE-CONTEXTE DE GUERRE à prendre en compte :
« Un homme qui mourait en essayant de sauver sa bien-aimée était tué non par les flammes, mais par sa bien-aimée ; et ce n’était nul autre que l’enfant qui assassinait sa propre mère quand elle s’efforçait de le sauver. La situation qu’ils avaient affrontée et contre laquelle ils avaient lutté –– une vie contre une vie –– était sans doute la plus universelle et la plus élémentaire que rencontre jamais l’humanité », p. 157.

« Quoi qu’il en fût, je n’avais pas le moins du monde l’impression d’être amoureux de cette fille si reposante », p. 160.

« C’est vrai, il peut exister en ce monde une chose telle que le mariage –– et aussi les enfants. Je me demande pourquoi j’ai oublié cela ou du moins fait semblant de l’oublier », p. 185.
Note : moi aussi sauf que je sais pourquoi, je croyais que j'allais écrire le roman de ma vie et ça ne s'est jamais fait, c'était ma priorité avant de fonder une famille. Aujourd'hui, je m'en mords les doigts.
« Un caractère romanesque est enclin à une subtile méfiance de l’intellectualisme, et ce fait le conduit souvent à l’action immorale appelée rêverie. Contrairement à ce que je croyais, la rêverie n’est pas un processus intellectuel, mais plutôt un moyen d’échapper à l’intellectualisme », p. 186. <3 b="" nbsp="">
Note : absolutely !!!
« Le lendemain nous retournâmes au même endroit, près du terrain de golf. Je remarquai un bouquet de fleurs sauvages que nous avons piétiné au moment de partir, des camomilles jaunes, vestiges de notre journée d’hier. Aujourd’hui, l’herbe était sèche », p. 192.

« Quand nous nous reverrons, quelle sorte de cadeau m’apporterez-vous ?

(…)

- Je ne veux pas parler d’un cadeau qui ait une forme. », p. 193 (Sonoko fait allusion à une demande de mariage).

Son côté manipulateur typique d'un pervers narcissique qui a de gros problèmes avec soi-même
« A nouveau le mécanisme de la duperie avait commencé à fonctionner en moi, superficiellement, d’abord. Ce sentiment de bonheur n’était autre chose, en réalité que l’émotion qu’on éprouve en échappant à un grand danger, mais je l’interprétais, je me persuadais qu’il venait d’un sentiment de supériorité l’égard de Sonoko, de la certitude de détenir maintenant le pouvoir de la tourmenter », p. 195.

« Conformément à mon système d’autodisciplne, datant de mon enfance, je me disais sans cesse que mieux vaudrait mourir que devenir un être tiède, un être peu viril, un être qui ne connaît pas clairement ses goûts et ses haines, un être qui demande seulement à être aimé, sans savoir comment aimer », p. 196-197. 
Note : ABSOLUTELY !!!

« Mais j’avais délibérément pris l’habitude de fermer les yeux, fût-ce devant des hypothèses aussi évidentes, tout comme si je ne voulais pas manquer une seule occasion de me tourmenter...C’est là un expédient banal, souvent adopté par des personnes qui, privées de tout autre moyen d’évasion, se réfugient dans le havre sûr qui consiste à se considérer comme un personnage de tragédie », p. 197-198.
Note : Mais tellement !

« Quand j’arrivai ce soir-là dans notre maison de banlieue, j’envisageai sérieusement le suicide, pour la première fois de ma vie. Mais à la réflexion cette idée me parut extrêmement ennuyeuse et je décidai, en fin de compte, que ce serait une affaire ridicule. Par une disposition naturelle, je répugnais toujours à m’avouer vaincu", p. 201.
Note : yep...

« Je continuai fréquemment d’écrire à Sonoko, et tout en prenant soin de ne rien dire qui fût susceptible de pousser les choses plus loin, j’adoptai cependant un ton qui ne pouvait révéler aucun refroidissement de ma part. », p. 203 = CONNARD !

« Au lieu de cela, pour moi –– pour moi seul –– cela signifiait que des jours terribles commençaient. Cela signifiait que désormais, que je le voulusse ou non et en dépit de tout ce qui m’avait leurré et fait croire qu’un tel jour ne viendrait jamais, dès le lendemain il me faudrait commencer à mener « la vie quotidienne » d’un membre de la société humaine. Comme ces seuls mots me faisaient trembler ! », p. 211.

Note : Exactement ce que je ressens à l'approche de la fin du confinement, bref, du déconfinement. Ça m'angoisse puissance 10 millions.
« Je ne faisais attention à rien et rien ne faisait attention à moi », p. 214.
==> Faudrait que j'en fasse une carte postale de cette citation !!!

« Je pleurai à gros sanglots jusqu’à ce qu’enfin mes habituelles visions ruisselantes de sang vinssent me réconforter. Alors je m’abandonnai à elles, à ces visions d’une brutalité déplorable, mes plus intimes amies », p. 221 
Note : Cela explique pas mal le choix sanglant de sa mort (seppuku).

« Soudain, je fus saisi de cette douleur aigüe qui vient d’avoir fixé trop longtemps un même objet. Cette douleur proclamait : « Tu n’es pas humain. Tu es un être incapable de rapports sociaux. Tu n’es qu’une créature inhumaine et en un sens étrangement pathétique. », p. 223.
Note : So am I...

« (…) en réalité ce que j’apprenais, c’était la fatigue dévorante de la mollesse, de la dissipation, d’une paresse vraiment lamentable et d’un mode de vie qui ne connaissait pas de lendemain », p. 224.
Note : my "hygiène de vie"...

« Pourquoi m’avait-elle pardonné ? Pouvait-il y avait une insulte plus grande qu’une telle magnanimité ? Mais peut-être, me dis-je, ma douleur pourrait elle être apaisée si j’étais insulté par elle sans équivoque une fois de plus, une fois seulement », p. 228. 
Note : C'est exactement le conseil que l'on donne aux victimes des pervers narcissiques, il faut leur montrer que leur comportement changeant qui joue avec nos sentiments, ne nous atteint nullement : ça les rend dingues...Je confirme que ça marche. Mais pour cela, il faut en être guéri, ne plus être sous emprise, réaliser sa connerie, sa brèche narcissique.


*LA CULTURE JAPONAISE (ET ASIATIQUE EN GÉNÉRAL) DU NON-DIT :

« Pendant un certain temps, nous poursuivîmes une conversation vide de sens, tournant indéfiniment autour des mêmes sujets et dépourvues de sincérité. Par moment, cette conversation n’être qu’un grand bond dans l’air vide. Elle nous donnait l’impression de surprendre un entretien entre deux étrangers. L’impression qu’on éprouve, à la frontière entre le sommeil et le rêve, quand les efforts impatients qu’on fait pour se rendormir et poursuivre un rêve agréable, ne servent qu’à vous mettre dans l’impossibilité de ressaisir ce rêve. Je découvrais que nos coeurs, comme infectés par un virus de caractère malin, étaient dévorés par le réveil tourmenté qui faisait imprudemment intrusion dans notre rêve, par le futile plaisir apporté par ce rêve vu au seuil de la conscience. Comme à un signal convenu, la maladie avait attaqué nos deux coeurs presque simultanément. Nous réagissions par un grand déploiement de gaieté. Comme si chacun de nous craignait ce que l’autre pourrait dire d’un instant à l’autre, nous accumulions les plaisanteries », p. 237.
Note personnelle : Mishima était fan de la Princesse de Clèves de Madame de La Fayette : moi aussi !  J’avais eu l’idée d’établir un parallèle avec Moderato Cantabile de Duras sur le thème de « l’écriture en filigrane » ou la charge érotique de l’écriture du non-dit. J’adore ! C’est pour cela que je ne partage absolument pas les discours féministes contemporains qui consistent à nier l’excitation sensuelle du jeu non-verbal, le romantisme absolu du non-dit, le oui derrière le non, précisément !

« Moi aussi j’étais encore loin de l’âge où l’on consent à accepter les choses telles qu’elles sont », p. 239.
Note : autre carte postale à créer à partir de cette citation.
« Je devinais que dans cette confession inutile, due en partie à ce que Sonoko se grisait de ses propres paroles, elle abordait le paradoxe féminin consistant à vouloir dire le contraire de ce qu’elle disait, alors qu’inconsciemment elle aurait voulu dire ce qui ne devait pas être dit. », p. 240.

« Je m’étais soudain rappelé un vers d’un poème que j’avais lu autrefois :

Et toujours c’était une danse sans fin.

J’avais oublié le reste. Ce devait être dans un poème d’André Salmon », p. 242.

Louis-Ferdinand Céline dans le voyage, aborde aussi le thème de la danse en comparaison avec la vie. A retrouver ultérieurement.

IL FAUT ABSOLUMENT LANCER CE CONCEPT EN FRANCE :

« La salle était bondée d’employés de bureau, qui venaient là chaque jour danser pendant une heure ou deux, allongeant l’heure de leur déjeuner pour prendre quelque plaisir », p. 242.

« Il me semblait assister à l’instant où mon existence était transformée en une sorte d’effroyable non-être », p. 245.


LE STYLE DE MISHIMA.

1) « Sur le standard téléphonique de mes souvenirs, deux paires de gants ont croisé leurs fils –– ces gants de cuir d’Omi et une paire de gants de cérémonie blancs. Je ne parviens pas, semble-t-il, à décider quel souvenir est le vrai, lequel est inexact », p. 63.
Note : en fait "sur le standard téléphonique de mes souvenirs" est à prendre au sens concret mais je ne sais pas pourquoi, je trouve que ça sonne incroyablement beau au sens abstrait, c'est con.

LE PRINTEMPS.
2) Vint un jour, à la fin du printemps, un jour pareil à un échantillon de tissu coupé dans un morceau d’été, une sorte de répétition générale de la saison nouvelle. C’était ce jour de l’année qui arrive, tel le représentant de l’été, pour inspecter le coffre à vêtements de chacun, et s’assurer que tout est prêt. Ce jour où les gens sortent en chemise d’été pour montrer qu’ils sont fin prêts », p. 75. J'adore !!!

3) « Qu’il me suffise à dire, alors, que –– toujours à l’exception de cette unique différence honteuse dont je parle –– dans cette période terne de la vie d’un étudiant timide, j’étais exactement pareil aux autres garçons et que j’avais juré une fidélité inconditionnelle au metteur en scène de la pièce appelée adolescence», p.121.
Note : le drame de mon existence aussi...éternelle ado...

4) « Je soulevai et abaissai l’épaule pour juger du poids de son sac. Il ne justifiait guère le sentiment qui s’implantait profondément dans mon coeur, un sentiment pareil à la mauvaise conscience d’un homme qui fuit la justice », p. 152.

5) « J’avais pour ainsi dire accepté la « normalité », comme une sorte d’employé temporaire dans la corporation de mon corps », p. 177. <3 div="">
Citation à transposer en carte postale, indéniablement !

6) « Et tout le temps que nous nous embrassions, je n’avais pensé qu’à Sonoko, exactement comme un garçon à qui l’on sert un entremets délicieux hors de chez lui et qui souhaite aussitôt pouvoir le partager avec sa petite sœur », p. 181. Quelle comparaison étranger, lol !

7) « Désormais, ma dernière lueur d’espoir c’était de réussir à m’abuser moi-même. Une personne qui a été gravement blessée n’exige pas que les pansements d’urgence qui lui sauvent la vie soient propres. J’arrêtais mes hémorragies en recourant aux bandages de l’illusion, avec laquelle j’étais déjà familier et je ne pensai plus qu’à courir à l’hôpital. », p. 195
Magnifique !!!

8) « Tout est fini, tout est fini ! » murmurai-je en moi-même. Mon chagrin ressemblait à celui d’un étudiant sans courage qui a raté un examen : j’ai commis une erreur, j’ai commis une erreur ! Tout simplement parce que je n’avais pas résolu ce x, tout a été faussé. Si j’avais résolu ce x au début, tout aurait bien marché. Si seulement j’avais employé des méthodes déductives, comme tout le monde, pour résoudre les mathématiques de la vie. Être à demi intelligent, c’était ce que je pouvais faire de pire. Moi seul, je m’étais appuyé sur la méthode inductive, et pour cette simple raison j’avais échoué », p. 200.

9) « Mais une année s’écoula et nous nous éveillâmes. Nous découvrîmes que nous ne vivions plus dans une nursery, mais nous étions dans une demeure d’adultes où une porte, si elle ne s’ouvre plus qu’à demi, doit être promptement remise en état », p. 235.

CONCLU PERSO :

- Ce qu’il y a de terrible dans ce livre, c’est l’aspect très manipulateur du narrateur par rapport au monde qui l’entoure, afin de se protéger lui-même, certes, mais au point de ne jamais penser aux conséquences émotionnelles sur l’Autre ou très peu. C’est tout simplement de la perversion narcissique. Les passages à ce sujet sont innombrables mais je ne les ai pas tous relevés.

+ Confession d’un masque de Yukio Mishima n’a été publié alors qu’il n’avait que 24 ans et lui a apporté la renommée au Japon. Rien que pour ça, il force le respect et inspire la jalousie. Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant que son homosexualité réelle a été niée publiquement malgré ce livre pourtant très clairement autofictif et les suivants !

Un lexique marqué par le champ lexical du conformisme versus l'anormalité.

« (...) ce lourdaud de sous-officier était un ami intime d’Omi ou plutôt, semblait-il, son séide », p. 55.

(sé-i-d') Sectateur dévoué, fanatique, capable de commettre un crime par zèle religieux, etc.
ÉTYMOLOGIE : Séide, personnage de la tragédie de Mahomet par Voltaire ; il est dévoué au prophète jusqu'au point de commettre un assassinat par son ordre.
 


Séide ne vient pas de l'arabe seyid, seigneur, qui a donné cid, mais de Zeid, nom d'un affranchi de Mahomet (DEFRÉMERY).

« Des plantes vertes en guingois au-dessus du sol desséché où elles étaient enfoncées. Toutes les chaises à l’ombre du velum étaient occupées », p. 243.

Guingois :

A. –Ce qui n'est pas droit, ce qui s'écarte du cheminement normal. Il y a un guingois dans ce jardin. On a tâché de cacher le guingois de cette chambre par une cloison (Ac.).

B. − Ligne qui ne va pas droit. Le cadre penchait forcément, dessinait des guingois sur la muraille (Huysmans, Sœurs Vatard,1879, p. 223).

II. − Loc. De guingois. Synon. de travers

A. − Loc. adj. Une perspective de guingois (Zola, Œuvre,1886, p. 70).Les jonques ventrues tendant au vent de guingois, quatre voiles raides comme des pelles (Claudel, Connaiss. Est,1907, p. 98).Les façades des maisons sont encore droites. Un balcon de guingois arbore un tronçon de hampe, et une pancarte (Giono, Colline,1929, p. 97).

B. − Loc. adv. Ses livres profanes, posés de guingois sur les tablettes (Huysmans, À rebours,1884, p. 235).Je me tiens un peu de guingois (Duhamel, Confess. min.,1920, p. 173).

Au fig. Aller de guingois. Aller mal. Il est à sa maison de campagne et ne s'occupe pas de nous. Aussi tout va de guingois (Hugo, Travaill. mer,1866, p. 203).

Prononc. et Orth. : [gε ̃gwa]. Att. ds Ac. dep. 1694. Ds Ac. 1694 : guinguois (cf. aussi Fér. 1768). Étymol. et Hist. 1. 1440-42 de guingois « de travers » (Martin Le Franc, Le Champion des dames, ms. Arsenal 3121, fo144 c ds Gdf.Compl.); 2. 1694 subst. (Ac.). Prob. dér. du rad. de ginguer, guinguer (cf. gigoter, étymol., ginguet et guinguette). Fréq. abs. littér. : 40.

Source : CNRTL

Littré : Génev. de guinguoine ; picard, guingoin ; Berry, gimboize : ce soliveau est tout de gimboise, et aussi de gingois. Étymologie incertaine. Lamonnoye le suppose dit pour guignois, du verbe guigner, regarder du coin de l'œil. Diez le tire de l'ancien scandinave kingr, flexion ; guingois aurait été dit, par assimilation avec l'autre g, pour quingois ; cela est vraisemblable.

Velum < voile, tissu en général blanc étendu pour faire de l’ombre au-dessus d’un espace sans toiture.

Exemple de velum (< voile en latin).
Quelque part : « compassé » : participe passé du verbe compasser.

Qui est réglé minutieusement, codifié, qui ne laisse aucune place à l'imprévu.

Péj. [En parlant de la manière d'être d'une pers. ou, p. ext., d'une pers.] Qui est mesuré, étudié, retenu dans de strictes limites, qui bannit toute spontanéité, toute vivacité. Air, attitude, gestes, manières, maintien, pas, démarche, ton compassé(

e, s); personne compassée.

Style compassé (en litt., peint., mus.); portrait, prose compassé(e). Cette lettre (...), ce papier froid et compassé, cette écriture soignée (...) avec des points et des virgules! (Mérimée, Théâtre de Clara Gazul,1825, p. 336).La littérature compassée du siècle de Louis XIV (Nerval, Nouvelles et fantaisies,1855, p. 131).

PARAD. a) Quasi-synon. affecté, apprêté, gourmé, guindé. b) Termes souvent associés froid, glacé; formel; cérémonieux, digne, grave, raide, sage, sérieux, solennel. c) Anton. animé, chaleureux, fougueux, libre, naturel, simple, spontané.

Réflexion perso : je connais une personne d'origine japonaise qui veut être différente de sa culture. Elle l'est mais en même temps, elle reste tellement ce contre quoi elle lutte ! C'est effrayant le poids de la culture sur l'individu tout de même...

SITOGRAPHIE :


« Une ordalie est un jugement divin qui consiste à soumettre à l’homme une épreuve physique dont l’issue le destine coupable ou non."
"La Bibliothèque municipale de Lyon possède la première et seule édition française de 1983 d’Ordalie par les roses. Une rareté. Jusque dans les années 80, la photographie japonaise n’existe quasiment que dans la presse et l’édition. Le savoir-faire des artistes a fait émerger des livres qui figurent parmi les plus remarquables de l’histoire du livre de photographie. »

Mishima par Eikōh Hosoe, L'Ordalie des Roses, 1963.
Mishima en Saint-Sébastien par Eikōh Hosoe, L'Ordalie des Roses, 1963.
Tromperies et Manipulations



La Mère dans le roman de Mishima :

"Yukio Mishima est fortement attaché à sa mère Shizue. Pourtant, elle est très peu présente dans Confession d'un masque. Depuis les débuts de son fils dans l’écriture, et peut-être parce qu’elle était restée impuissante face aux volontés de sa belle-mère, elle suit avec attention le travail de Mishima. Dans la biographie que John Nathan consacre à son ami, Shizue témoigne, à travers son affection, de la tristesse de Kimitake lorsque son père détruisait ses manuscrits. Toute sa vie, Mishima aura besoin de la protection et de l’amour de sa mère. Lorsqu’en 1948 il décide de quitter le Ministère des Finances contre la volonté de son père, c’est elle qui prendra sa défense. Dans Mort et vie de Mishima, Henry Scott-Stokes rapporte les propos d’une jeune femme à qui Mishima avait proposé le mariage, bien décidé à devenir hétérosexuel : “Je ne me voyais pas l’épouser car il était trop proche de sa mère. Elle était fort gentille avec moi, et rien ne clochait, mais je craignais de m’immiscer entre la mère et le fils après mon mariage. En outre, je n’étais pas sûre d’éprouver de la passion pour lui”. Dans Confession d'un masque, le narrateur se presse devant sa mère pour lui demander s’il doit épouser Sonoko. Cette discussion si hésitante montre combien Mishima a besoin de sa mère et combien elle fait autorité sur son enfant: “Alors, quels sont tes véritables sentiments? L’aimes-tu ou non? -Bien sûr, je…eh bien…, murmurai-je. Moi, je n’avais pas pris la chose tellement au sérieux. C’était plutôt une manière de jeu. Ensuite, c’est elle qui l’a prise au sérieux et m’a mis dans la pétrin. -Alors, il n’y a pas de difficulté, n’est-ce pas? Plus tôt tu régleras la question, mieux cela vaudra pour vous deux. (...) “A propos de Sonoko, reprit-elle. Tu… elle… si tu as… eh bien…” Devinant à quoi elle faisait allusion, je me mis à rire et lui répondis: “Ne sois pas ridicule, Mère.” (Il me semblait n’avoir jamais ri aussi amèrement.) “Crois-tu vraiment que j’ai fait une chose pareille? As-tu si peu confiance en moi ?" Si la mère représente la voie de la douceur et de la tendresse, la grand-mère, en revanche, représente l’autorité et la sévérité comme nous le verrons plus loin… Dans les romans de Mishima, la mère a une toute autre image. Bien sûr, un attachement charnel lie Noboru au corps de Fusako qui épie chaque soir, comme un rituel, le coucher de sa mère. Sinon, dans les autres romans, la figure maternelle est faible. Bien souvent, elle est veuve. Le héros doit alors la protéger. Yûichi, Senkitchi et Shinji travaillent pour faire vivre leur génitrice. Natsuko Nagai, la grand-mère de Mishima fait figure de mère. Elle élève l’enfant jusqu’à ses douze ans au premier étage de la maison de famille. Si elle représente l’autorité, il se crée néanmoins une fort relation d’intimité entre les deux personnes. Dans Confession d'un masque, Mishima déclare: “A douze ans, j’avais une tendre amoureuse âgée de soixante ans”.

Cependant, ainsi que le souligne Marguerite Yourcenar dans son essai, “c’est évidemment grâce au style et aux traditions de son aïeule que Mishima fait revivre dans le comte et la comtesse Ayakura de Neige de printemps une aristocratie déjà moribonde”. Tadeshina est la nourrice de Satoko Ayakura. Dans Neige de printemps, on apprend qu’elle fut naguère, dans une auberge sordide, la maîtresse d’un soir du comte Ayakura. Ayant gardé ce secret pendant plusieurs années, elle souhaite, dit-elle, mettre fin à ses jours. Mais, ce désespoir n’est que perfidie et mensonge qui se reflètent dans la fausse tentative avortée de la rebutante vieille femme. Elle se souvient de cette nuit où le propriétaire de l’auberge offrit au comte un rouleau sur lequel figuraient des images burlesques sinistres et vulgaires: “ Le dessin faisait apparaître les pénis des moines presque aussi longs que leurs possesseurs étaient grands, les proportions habituelles étant impropres, selon l’artiste, à exprimer le poids de leur concupiscence. Tandis qu’ils se jetaient sur la femme, leur visage à chacun était une étude comique du tourment ineffable et on les voyait tituber sous le fardeau de leurs érections. Après avoir subi une telle épreuve, le corps entier de la femme prenait une pâleur mortelle et elle trépassait. Son âme, en s’envolant, allait se réfugier dans les branches d’un saule agité par le vent. Et là, elle devenait un spectre assoiffé de vengeance, le visage dessiné à l’image d’une vulve. A partir de là, le parchemin perdait toute joyeuseté qu’il avait pu contenir, s’imprégnant d’effroyable tristesse. Non pas un seul, mais de multiples spectres, tous identiques, se jetaient sur les hommes, cheveux flottant en désordre, lèvres cramoisies, grandes ouvertes. Dans leur sauve-qui-peut panique, les hommes ne pouvaient tenir tête aux fantômes dont la troupe les enveloppait en rafale, arrachant leurs pénis et celui de l’abbé de leurs puissantes mâchoires. ”

« Mais, ce qui relie toutes ces femmes, c’est la moindre importance que Mishima leur accorde dès sa petite enfance. Rappelons-nous l’anecdote du vidangeur, la première image qui ait marqué la sensibilité de Kimitake, pour remarquer comme la figure féminine se retrouve évincer au profit du beau jeune homme: “Je ne sais si c’est ma mère, une bonne d’enfant, une servante ou une tante qui me tenait par la main."

Source : http://matdelamarre.e-monsite.com/pages/chapitre-7-mishima/la-mere-dans-le-roman-de-mishima.html 
Merci à Mat de la Marre pour son partage d'analyse même s'il n'a visiblement aucune envie de faire des paragraphes pour nous faciliter la lecture, je vous recommande son blog !

LE SUICIDE DE MISHIMA EST ABSOLUMENT FASCINANT, je vous suggère de faire vos propres recherches vous-même. En gros, il a voulu mobiliser les militaires japonais pour se rallier à l'Empereur et faire dégager les forces américaines dans leur pays : aucun succès.
Il s'est suicidé juste après cet échec par seppuku (éventration) supposée être suivi par une décapitation mais son amant Morita, qui était une brêle en sabre et sans doute très ému, n'a pas réussi, à plusieurs reprises, à le décapiter (on imagine la scène). C'est finalement un ami qui le fera. Morita suit la voie de Mishima et les deux têtes décapitées jonchent le sol...

Photo qui précède la théâtralisation de son acte (la seule où je ne le trouve pas beau d'ailleurs) : 


Je cherche le code d'un abonné au Courrier international pour pouvoir lire cet article (svp !) :
Idem pour cet article du Monde : 


Enfin, je vous livre mes créations de cartes postales à partir d'estampes japonaises, sauf la première, à partir d'une photo (que le photographe me pardonne, mes créations ne sont pas lucratives). Je les ai toutes réalisées durant le confinement, le samedi 25 avril 2020 et les ai finies à 23h moins le quart.