Un blog pour se remuer les neurones et se secouer les fesses !
Un blog pour encourager tous ceux qui n'ont pas envie de se laisser aller avec non-garantie de succès, ni pour eux, ni pour moi-même. ;-)

lundi 1 mai 2023

THE QUET GIRL, COLM BALREAD, 2022, IRLANDE.

 The Quiet Girl de Colm Balréad, 2022, Irlande.

Vu le mardi 21 mars 2023 en avant-première (invitation forum des images via la revue Positif), en présence du réalisateur qui a répondu à la question de savoir si son prochain film serait en gaélique : « La langue la plus importante pour moi est celle du cinéma ». <3. Film sorti en 2022 nominé aux Oscars.


Résumé : une petite fille prénommée Cáit vient d’une famille où elle n’a pas sa place et va la trouver auprès d’une autre famille, chez sa tante et son oncle.

WARNING : SPOILER.

Le film commence par une scène où l’on voit la mère excédée par l’énième pipi au lit (énurésie) de la jeune héroïne Cáit, ses deux sœurs énervées parce que la mère ne peut pas s’occuper d’elles de nouveau à cause de cela. La mère, enceinte jusqu’au cou, s’occupe toujours d’un enfant en cours. La petite fille n’est donc qu’un bouc-émissaire : celui de la pauvreté et du manque d’éducation de sa famille.

C’est l’enfer à la maison : il y a toujours un gamin qui braille, du bruit, de l’agitation. La petite fille n’est aimée ni par ses parents, ni par ses sœurs, ni par ses camarades de classe à l’école. Tout le monde parle mal d’elle, bref, c’est Caliméro. Cela aurait pu agacer profondément (et ça agace un peu) si le réalisateur n’avait pas fait comprendre tout cela subtilement, à partir du point de vue de la petite fille. Les propos méchants sont donc entendus de loin quand elle a le dos tourné et par fragments, par bribes. Le bruit est là mais diffus car la caméra suit le regard d’un personnage qui ne sait pas où se poser, où se mettre, où se fixer : l’esprit du spectateur est donc focalisé sur cette quête et non sur le reste.

Le père prend même sa maîtresse en stop alors qu’elle est dans la voiture : comme Cáit ne parle pas, elle devient invisible, elle ne compte pas. Une fois rentrés à la maison, le père incite sa femme à accepter l’invitation de sa sœur en envoyant leur fille chez elle pendant tout l’été. Il met en avant le fait qu’elle soit une bouche de trop à nourrir. La mère accepte sans résistance. Le père précise que cela ne le dérangerait pas de la laisser là-bas pour toujours et la petite entend cela.

Au bout d’un long voyage en voiture, le père et la fille arrivent donc chez la tante et l’oncle et sont invités à déjeuner. On sent la tension de part et d’autre, surtout entre les deux hommes : l’un juge l’autre d’être un loser et l’autre l’envie parce qu’il réussit. La femme est concentrée sur la petite. Le père veut repartir le plus vite possible mais la femme le fait poireauter pour lui donner des tiges de rhubarbe. Ce moment est interminable. On le vit du côté du père et le généreux don de rhubarbe comme une humiliation supplémentaire. Le tas de tiges sera jeté négligemment dans la voiture avant un départ en trombe. 

Chaque jour, la petite fille se rapproche de la femme qui l’apprivoise comme un petit animal blessé mais son mari la fuit comme la peste. Jusqu’au jour où la femme doit partir seule en ville et laisse la petite avec lui. Ce jour-là ne se passe pas vraiment bien mais petit à petit, les deux vont tisser des liens et avoir leurs propres rituels. Cáit a enfin trouvé sa place. Jusqu’au jour où après les funérailles d’une personne âgée, elle apprend par une commère du village que le couple a perdu un fils. La petite perd confiance mais le père trouve les mots justes pour la rassurer et elle va beaucoup mieux.

Malheureusement, l’été touche à sa fin et la mère de Cáit envoie une lettre à sa sœur pour lui rappeler que la rentrée approche et qu’il faut la ramener. Le couple ramène donc le coeur serré la petite chez elle. On retrouve le chaos familial bruyant du début avec cette fois-ci le nouveau-né (qui provoque l’indifférence du couple et des spectateurs). Le père regarde à peine la petite au moment des adieux tellement il a mal : on le voit, on le sent, on a mal aussi. La voiture s’en va. La petite se retrouve seule, avec « sa famille ». Son père dit ou fait quelque chose, enfin je crois : peut-être qu’il n’a rien fait après tout. Dans tous les cas, la petite s’élance de toutes ses forces vers le portail situé à un peu moins d’un kilomètre que son oncle s’apprête à fermer derrière lui. Il se retourne et la voit, elle lui saute dans les bras et hurle : « Daddy ! Daddy! ». J’étais en pleurs avec la peur panique que la lumière se rallume trop vite, mes voisins aussi.

Verdict : Je n’avais pas pleuré à la fin d’un film depuis longtemps. Les films devant lesquels je me souviens avoir pleuré sont Timbuktu, The Eternal Sunshine of the Spotless Mind et Le Cercle des Poètes disparus. Mais pleurer spécifiquement à la fin ? Je ne sais plus, j’aurais aimé avoir ma liste personnelle.

Cinématographiquement, la narration en focalisation interne à partir de la petite fille (« quiet ») est l’originalité de ce film qui montre beaucoup de choses poignantes sans paroles et a gagné de nombreux prix pour cela. 

Le film est inspiré de la nouvelle « Foster » de Claire Keegan, 2010. Le réalisateur a mis des mois et des mois avant de trouver la bonne comédienne qui n’avait jamais joué dans un film. Elle est exceptionnelle et s’appelle Catherine Clinch. Le film a été tourné en 2020 lorsqu’elle avait 11 ans. 

La question que je me suis posée : « Montrer ce film à des enfants qui n’ont pas eu la chance de naître et grandir dans une famille aimante, est-ce leur faire du bien ou du mal ? ». Je crois que ça leur ferait du mal mais en même temps, ce film donne clairement de l’espoir à tous les enfants mal aimés de la terre.