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samedi 14 janvier 2017

LE PORTRAIT DE DORIAN GRAY, 1890, Oscar WILDE, Irlande, XIXème.

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Verdict perso : chef d'oeuvre dans la mesure où tout ce qu'il y a à dire sur la vie et la littérature est écrit avec beaucoup d'esprit et d'humour, peut-être pas beaucoup de coeur.
Il faut vraiment que je lise A rebours de Huysmans pour mieux comprendre son influence sur ce livre.

La bibliographie de ma thèse sur le Syndrome de Don Quichotte ne saurait se passer du Portrait de Dorian Gray : tout y est.

Wilde l'appelle (ou reprend) : "La maladie de la rêverie", sans l'accent circonflexe en anglais...

Il cherche à plusieurs reprises à définir le but de la vie.

L'obsession de la beauté est le premier but évoqué mais il faudrait dans l'idéal que je cherche l'ordre dans lesquel il évolue.

Le bonheur ne l'est pas. Mais pour tous, au bout du compte, c'est la même chose : la désillusion.

Et la chute est encore plus grande pour ceux qui ne prétendaient pas chercher le bonheur mais une quête plus élevée.

Extraits/Citations
Au milieu de la chambre sur un chevalet droit, s’érigeait le portrait grandeur naturelle d’un jeune homme d’une extraordinaire beauté, et en face, était assis, un peu plus loin, le peintre lui-même, Basil Hallward, dont la disparition soudaine quelques années auparavant, avait causé un grand émoi public et donné naissance à tant de conjectures.

Sur l'incompatibilité entre la beauté et l'intelligence (j'adore) : 
"Too much of yourself in it! Upon my word, Basil, I didn't know you were so vain; and I really can't see any resemblance between you, with your rugged strong face and your coal-black hair, and this young Adonis, who looks as if he was made out of ivory and rose-leaves. Why, my dear Basil, he is a Narcissus, and you—well, of course you have an intellectual expression and all that. But beauty, real beauty, ends where an intellectual expression begins. Intellect is in itself a mode of exaggeration, and destroys the harmony of any face. The moment one sits down to think, one becomes all nose, or all forehead, or something horrid. Look at the successful men in any of the learned professions. How perfectly hideous they are! Except, of course, in the Church. But then in the Church they don't think. A bishop keeps on saying at the age of eighty what he was told to say when he was a boy of eighteen, and as a natural consequence he always looks absolutely delightful. Your mysterious young friend, whose name you have never told me, but whose picture really fascinates me, never thinks. I feel quite sure of that. He is some brainless beautiful creature who should be always here in winter when we have no flowers to look at, and always here in summer when we want something to chill our intelligence. Don't flatter yourself, Basil: you are not in the least like him."  

"You don't understand me, Harry," answered the artist. "Of course I am not like him. I know that perfectly well. Indeed, I should be sorry to look like him. You shrug your shoulders? I am telling you the truth. There is a fatality about all physical and intellectual distinction, the sort of fatality that seems to dog through history the faltering steps of kings. It is better not to be different from one's fellows. The ugly and the stupid have the best of it in this world. They can sit at their ease and gape at the play. If they know nothing of victory, they are at least spared the knowledge of defeat. They live as we all should live—undisturbed, indifferent, and without disquiet. They neither bring ruin upon others, nor ever receive it from alien hands. Your rank and wealth, Harry; my brains, such as they are—my art, whatever it may be worth; Dorian Gray's good looks—we shall all suffer for what the gods have given us, suffer terribly."
"Dorian Gray? Is that his name?" asked Lord Henry, walking across the studio towards Basil Hallward.
"Yes, that is his name. I didn't intend to tell it to you."
"But why not?"
"Oh, I can't explain. When I like people immensely, I never tell their names to any one. It is like surrendering a part of them. I have grown to love secrecy. It seems to be the one thing that can make modern life mysterious or marvellous to us. The commonest thing is delightful if one only hides it. When I leave town now I never tell my people where I am going. If I did, I would lose all my pleasure. It is a silly habit, I dare say, but somehow it seems to bring a great deal of romance into one's life. I suppose you think me awfully foolish about it?"
— Trop de vous-même !... Sur ma parole, Basil, je ne vous savais pas si vain ; je ne vois vraiment pas de ressemblance entre vous, avec votre rude et forte figure, votre chevelure noire comme du charbon et ce jeune Adonis qui a l’air fait d’ivoire et de feuilles de roses. Car, mon cher, c’est Narcisse lui-même, tandis que vous !... Il est évident que votre face respire l’intelligence et le reste... Mais la beauté, la réelle beauté finit où commence l’expression intellectuelle. L’intellectualité est en elle-même un mode d’exagération, et détruit l’harmonie de n’importe quelle face. Au moment où l’on s’assoit pour penser, on devient tout nez, ou tout front, ou quelque chose d’horrible. Voyez les hommes ayant réussi dans une profession savante, combien ils sont parfaitement hideux ! Excepté, naturellement, dans l’Église. Mais dans l’Église, ils ne pensent point. Un évêque dit à l’âge de quatre-vingts ans ce qu’on lui apprit à dire à dix-huit et la conséquence naturelle en est qu’il a toujours l’air charmant. Votre mystérieux jeune ami dont vous ne m’avez jamais dit le nom, mais dont le portrait me fascine réellement, n’a jamais pensé. Je suis sûr de cela. C’est une admirable créature sans cervelle qui pourrait toujours ici nous remplacer en hiver les fleurs absentes, et nous rafraîchir l’intelligence en été. Ne vous flattez pas, Basil : vous ne lui ressemblez pas le moins du monde.

— Vous ne me comprenez point, Harry, répondit l’artiste. Je sais bien que je ne lui ressemble pas ; je le sais parfaitement bien. Je serais même fâché de lui ressembler. Vous levez les épaules ?... Je vous dis la vérité. Une fatalité pèse sur les distinctions physiques et intellectuelles, cette sorte de fatalité qui suit à la piste à travers l’histoire les faux pas des rois. Il vaut mieux ne pas être différent de ses contemporains. Les laids et les sots sont les mieux partagés sous ce rapport dans ce monde. Ils peuvent s’asseoir à leur aise et bâiller au spectacle. S’ils ne savent rien de la victoire, la connaissance de la défaite leur est épargnée. Ils vivent comme nous voudrions vivre, sans être troublés, indifférents et tranquilles. Ils n’importunent personne, ni ne sont importunés. Mais vous, avec votre rang et votre fortune, Harry, moi, avec mon cerveau tel qu’il est, mon art aussi imparfait qu’il puisse être, Dorian Gray avec sa beauté, nous souffrirons tous pour ce que les dieux nous ont donné, nous souffrirons terriblement...
— Dorian Gray ? Est-ce son nom, demanda lord Henry, en allant vers Basil Hallward.
— Oui, c’est son nom. Je n’avais pas l’intention de vous le dire.
— Et pourquoi ?
— Oh ! je ne puis vous l’expliquer. Quand j’aime quelqu’un intensément, je ne dis son nom à personne. C’est presque une trahison. J’ai appris à aimer le secret. Il me semble que c’est la seule chose qui puisse nous faire la vie moderne mystérieuse ou merveilleuse. La plus commune des choses nous paraît exquise si quelqu’un nous la cache. Quand je quitte cette ville, je ne dis à personne où je vais : en le faisant, je perdrais tout mon plaisir. C’est une mauvaise habitude, je l’avoue, mais en quelque sorte, elle apporte dans la vie une part de romanesque... Je suis sûr que vous devez me croire fou à m’entendre parler ainsi ?...

- "Harry," said Basil Hallward, looking him straight in the face, "every portrait that is painted with feeling is a portrait of the artist, not of the sitter. The sitter is merely the accident, the occasion. It is not he who is revealed by the painter; it is rather the painter who, on the coloured canvas, reveals himself. The reason I will not exhibit this picture is that I am afraid that I have shown in it the secret of my own soul."
— Harry, dit Basil Hallward, le regardant droit dans les yeux, tout portrait peint compréhensivement est un portrait de l’artiste, non du modèle. Le modèle est purement l’accident, l’occasion. Ce n’est pas lui qui est révélé par le peintre ; c’est plutôt le peintre qui, sur la toile colorée, se révèle lui-même. La raison pour laquelle je n’exhiberai pas ce portrait consiste dans la terreur que j’ai de montrer par lui le secret de mon âme !


How horribly unjust of you!" cried Lord Henry, tilting his hat back and looking up at the little clouds that, like ravelled skeins of glossy white silk, were drifting across the hollowed turquoise of the summer sky. "Yes; horribly unjust of you. I make a great difference between people. I choose my friends for their good looks, my acquaintances for their good characters, and my enemies for their good intellects. A man cannot be too careful in the choice of his enemies. I have not got one who is a fool. They are all men of some intellectual power, and consequently they all appreciate me. Is that very vain of me? I think it is rather vain."
"I should think it was, Harry. But according to your category I must be merely an acquaintance."
« Oui, horriblement injuste !.. J’établis une grande différence entre les gens. Je choisis mes amis pour leur bonne mine, mes simples camarades pour leur caractère, et mes ennemis pour leur intelligence ; un homme ne saurait trop attacher d’importance au choix de ses ennemis ; je n’en ai point un seul qui soit un sot ; ce sont tous hommes d’une certaine puissance intellectuelle et, par conséquent, ils m’apprécient. Est-ce très vain de ma part d’agir ainsi ! Je crois que c’est plutôt... vain.
— Je pense que ça l’est aussi Harry. Mais m’en référant à votre manière de sélection, je dois être pour vous un simple camarade.

SUR LA PERFECTION / CORPS ET ESPRIT/ÂME.
'A dream of form in days of thought'—who is it who says that? I forget; but it is what Dorian Gray has been to me. The merely visible presence of this lad—for he seems to me little more than a lad, though he is really over twenty—his merely visible presence—ah! I wonder can you realize all that that means? Unconsciously he defines for me the lines of a fresh school, a school that is to have in it all the passion of the romantic spirit, all the perfection of the spirit that is Greek. The harmony of soul and body—how much that is! We in our madness have separated the two, and have invented a realism that is vulgar, an ideality that is void. Harry! if you only knew what Dorian Gray is to me!
« Une forme rêvée en des jours de pensée » qui a dit cela ? Je ne m’en souviens plus ; mais c’est exactement ce que Dorian Gray m’a été. La simple présence visible de cet adolescent — car il ne me semble guère qu’un adolescent, bien qu’il ait plus de vingt ans —la simple présence visible de cet adolescent !... Ah ! je m’étonnerais que vous puissiez vous rendre compte de ce que cela signifie ! Inconsciemment, il définit pour moi les lignes d’une école nouvelle, d’une école qui unirait la passion de l’esprit romantique à la perfection de l’esprit grec. L’harmonie du corps et de l’âme, quel rêve !... Nous, dans notre aveuglement, nous avons séparé ces deux choses et avons inventé un réalisme qui est vulgaire, une idéalité qui est vide ! Harry ! Ah ! si vous pouviez savoir ce que m’est Dorian Gray !

LE MÊME MESSAGE QUE DANS THE FIGURE IN THE CARPET de Henry James, 1896 (soit un an plus tard ! Mais on peut trouver de l'intertextualité dans à peu près toute la littérature, lol) :
"Basil, this is extraordinary! I must see Dorian Gray."
Hallward got up from the seat and walked up and down the garden. After some time he came back. "Harry," he said, "Dorian Gray is to me simply a motive in art. You might see nothing in him. I see everything in him. He is never more present in my work than when no image of him is there. He is a suggestion, as I have said, of a new manner. I find him in the curves of certain lines, in the loveliness and subtleties of certain colours. That is all."
— Basil, cela est stupéfiant ! Il faut que je voie ce Dorian Gray !...
Hallward se leva de son siège et marcha de long en large dans le jardin...... Il revint un instant après...
— Harry, dit-il, Dorian Gray m’est simplement un motif d’art ; vous, vous ne verriez rien en lui ; moi, j’y vois tout. Il n’est jamais plus présent dans ma pensée que quand je ne vois rien de lui me le rappelant. Il est une suggestion comme je vous l’ai dit, d’une nouvelle manière. Je le trouve dans les courbes de certaines lignes, dans l’adorable et le subtil de certaines nuances. C’est tout.

ART ET AUTOBIOGRAPHIE
"Poets are not so scrupulous as you are. They know how useful passion is for publication. Nowadays a broken heart will run to many editions."
"I hate them for it," cried Hallward. "An artist should create beautiful things, but should put nothing of his own life into them. We live in an age when men treat art as if it were meant to be a form of autobiography. We have lost the abstract sense of beauty. Some day I will show the world what it is; and for that reason the world shall never see my portrait of Dorian Gray."
— Les poètes ne sont pas aussi scrupuleux que vous l’êtes ; ils savent combien la passion utilement divulguée aide à la vente. Aujourd’hui un cœur brisé se tire à plusieurs éditions.
— Je les hais pour cela, clama Hallward... Un artiste doit créer de belles choses, mais ne doit rien mettre de lui-même en elles. Nous vivons dans un âge où les hommes ne voient l’art que sous un aspect autobiographique. Nous avons perdu le sens abstrait de la beauté. Quelque jour je montrerai au monde ce que c’est et pour cette raison le monde ne verra jamais mon portrait de Dorian Gray.

SUR LE ROLE DE L'ESPRIT DANS LA VIE.
The painter considered for a few moments. "He likes me," he answered after a pause; "I know he likes me. Of course I flatter him dreadfully. I find a strange pleasure in saying things to him that I know I shall be sorry for having said. As a rule, he is charming to me, and we sit in the studio and talk of a thousand things. Now and then, however, he is horribly thoughtless, and seems to take a real delight in giving me pain. Then I feel, Harry, that I have given away my whole soul to some one who treats it as if it were a flower to put in his coat, a bit of decoration to charm his vanity, an ornament for a summer's day."
"Days in summer, Basil, are apt to linger," murmured Lord Henry. "Perhaps you will tire sooner than he will. It is a sad thing to think of, but there is no doubt that genius lasts longer than beauty. That accounts for the fact that we all take such pains to over-educate ourselves. In the wild struggle for existence, we want to have something that endures, and so we fill our minds with rubbish and facts, in the silly hope of keeping our place. The thoroughly well-informed man—that is the modern ideal. And the mind of the thoroughly well-informed man is a dreadful thing. It is like a bric-a-brac shop, all monsters and dust, with everything priced above its proper value. I think you will tire first, all the same. Some day you will look at your friend, and he will seem to you to be a little out of drawing, or you won't like his tone of colour, or something. You will bitterly reproach him in your own heart, and seriously think that he has behaved very badly to you. The next time he calls, you will be perfectly cold and indifferent. It will be a great pity, for it will alter you. What you have told me is quite a romance, a romance of art one might call it, and the worst of having a romance of any kind is that it leaves one so unromantic."
— Il m’aime, répondit-il après une pause, je sais qu’il m’aime... Je le flatte beaucoup, cela se comprend. Je trouve un étrange plaisir à lui dire des choses que certes je serais désolé d’avoir dites. D’ordinaire, il est tout à fait charmant avec moi, et nous passons des journées dans l’atelier à parler de mille choses. De temps à autre, il est horriblement étourdi et semble trouver un réel plaisir à me faire de la peine. Je sens, Harry, que j’ai donné mon âme entière à un être qui la traite comme une fleur à mettre à son habit, comme un bout de ruban pour sa vanité, comme la parure d’un jour d’été...
— Les jours d’été sont bien longs, souffla lord Henry... Peut-être vous fatiguerez-vous de lui plutôt qu’il ne le voudra. C’est une triste chose à penser, mais on ne saurait douter que l’esprit dure plus longtemps que la beauté. Cela explique pourquoi nous prenons tant de peine à nous instruire. Nous avons besoin, pour la lutte effrayante de la vie, de quelque chose qui demeure, et nous nous emplissons l’esprit de ruines et de faits, dans l’espérance niaise de garder notre place. L’homme bien informé : voilà le moderne idéal... Le cerveau de cet homme bien informé est une chose étonnante. C’est comme la boutique d’un bric-à-brac, où l’on trouverait des monstres et... de la poussière, et toute chose cotée au-dessus de sa réelle valeur.
« Je pense que vous vous fatiguerez le premier, tout de même... Quelque jour, vous regarderez votre ami et il vous semblera que « ça n’est plus ça » ; vous n’aimerez plus son teint, ou toute autre chose... Vous le lui reprocherez au fond de vous-même et finirez par penser qu’il s’est mal conduit envers vous. Le jour suivant, vous serez parfaitement calme et indifférent. C’est regrettable, car cela vous changera... Ce que vous m’avez dit est tout à fait un roman, un roman d’art, l’appellerai-je, et le désolant de cette manière de roman est qu’il vous laisse un souvenir peu romanesque...

"Dorian Gray is my dearest friend," he said. "He has a simple and a beautiful nature. Your aunt was quite right in what she said of him. Don't spoil him. Don't try to influence him. Your influence would be bad. The world is wide, and has many marvellous people in it. Don't take away from me the one person who gives to my art whatever charm it possesses: my life as an artist depends on him. Mind, Harry, I trust you." He spoke very slowly, and the words seemed wrung out of him almost against his will.
— Dorian Gray est mon plus cher ami, dit-il. C’est une simple et belle nature. Votre tante a eu parfaitement raison de dire de lui ce que vous m’avez rapporté.... Ne me le gâtez pas ; n’essayez point de l’influencer ; votre influence lui serait pernicieuse. Le monde est grand et ne manque pas de gens intéressants. Ne m’enlevez pas la seule personne qui donne à mon art le charme qu’il peut posséder ; ma vie d’artiste dépend de lui. Faites attention, Harry, je vous en conjure…



SUR LE BUT DE LA VIE : DEVENIR SOI-MEME.

"There is no such thing as a good influence, Mr. Gray. All influence is immoral—immoral from the scientific point of view."
"Why?"
"Because to influence a person is to give him one's own soul. He does not think his natural thoughts, or burn with his natural passions. His virtues are not real to him. His sins, if there are such things as sins, are borrowed. He becomes an echo of some one else's music, an actor of a part that has not been written for him. The aim of life is self-development. To realize one's nature perfectly—that is what each of us is here for. People are afraid of themselves, nowadays. They have forgotten the highest of all duties, the duty that one owes to one's self. Of course, they are charitable. They feed the hungry and clothe the beggar. But their own souls starve, and are naked. Courage has gone out of our race. Perhaps we never really had it. The terror of society, which is the basis of morals, the terror of God, which is the secret of religion—these are the two things that govern us. And yet—"
– J’ignore ce que les gens entendent par une bonne influence, Mr Gray. Toute influence est immorale... immorale, au point de vue scientifique...
– Et pourquoi ?
– Parce que je considère qu’influencer une personne, c’est lui donner un peu de sa propre âme. Elle ne pense plus avec ses pensées naturelles, elle ne brûle plus avec ses passions naturelles. Ses vertus ne sont plus siennes. Ses péchés, s’il y a quelque chose de semblable à des péchés, sont empruntés. Elle devient l’écho d’une musique étrangère, l’acteur d’une pièce qui ne fut point écrite pour elle. Le but de la vie est le développement de la personnalité. Réaliser sa propre nature : c’est ce que nous tâchons tous de faire. Les hommes sont effrayés d’eux-mêmes aujourd’hui. Ils ont oublié le plus haut de tous les devoirs, le devoir que l’on se doit à soi-même. Naturellement ils sont charitables. Ils nourrissent le pauvre et vêtent le loqueteux ; mais ils laissent crever de faim leurs âmes et vont nus. Le courage nous a quittés ; peut-être n’en eûmes-nous jamais ! La terreur de la Société, qui est la base de toute morale, la terreur de Dieu, qui est le secret de la religion : voilà les deux choses qui nous gouvernent. Et encore...

"I believe that if one man were to live out his life fully and completely, were to give form to every feeling, expression to every thought, reality to every dream—I believe that the world would gain such a fresh impulse of joy that we would forget all the maladies of mediaevalism, and return to the Hellenic ideal—to something finer, richer than the Hellenic ideal, it may be. But the bravest man amongst us is afraid of himself. The mutilation of the savage has its tragic survival in the self-denial that mars our lives. We are punished for our refusals. Every impulse that we strive to strangle broods in the mind and poisons us. The body sins once, and has done with its sin, for action is a mode of purification. Nothing remains then but the recollection of a pleasure, or the luxury of a regret. The only way to get rid of a temptation is to yield to it. Resist it, and your soul grows sick with longing for the things it has forbidden to itself, with desire for what its monstrous laws have made monstrous and unlawful. It has been said that the great events of the world take place in the brain. It is in the brain, and the brain only, that the great sins of the world take place also.
si un homme voulait vivre sa vie pleinement et complètement, voulait donner une forme à chaque sentiment, une expression à chaque pensée, une réalité à chaque rêve, je crois que le monde subirait une telle poussée nouvelle de joie que nous en oublierions toutes les maladies médiévales pour nous en retourner vers l’idéal grec, peut-être même à quelque chose de plus beau, de plus riche que cet idéal ! Mais le plus brave d’entre nous est épouvanté de lui-même. Le reniement de nos vies est tragiquement semblable à la mutilation des fanatiques. Nous sommes punis pour nos refus. Chaque impulsion que nous essayons d’anéantir, germe en nous et nous empoisonne. Le corps pèche d’abord, et se satisfait avec son péché, car l’action est un mode de purification. Rien ne nous reste que le souvenir d’un plaisir ou la volupté d’un regret. Le seul moyen de se débarrasser d’une tentation est d’y céder. Essayez de lui résister, et votre âme aspire maladivement aux choses qu’elle s’est défendues ; avec, en plus, le désir pour ce que des lois monstrueuses ont fait illégal et monstrueux.

"Nothing can cure the soul but the senses, just as nothing can cure the senses but the soul."
– Très bien, lui dit-il ; rien ne peut mieux guérir l’âme que les sens, comme rien ne saurait mieux que l’âme guérir les sens.
"Yes," continued Lord Henry, "that is one of the great secrets of life—to cure the soul by means of the senses, and the senses by means of the soul. You are a wonderful creation. You know more than you think you know, just as you know less than you want to know."
Oui, continua lord Henry, c’est un des grands secrets de la vie, guérir l’âme au moyen des sens, et les sens au moyen de l’âme. Vous êtes une admirable créature. Vous savez plus que vous ne pensez savoir, tout ainsi que vous pensez connaître moins que vous ne connaissez.


SUR LA JEUNESSE ET LA BEAUTE
"Because you have the most marvellous youth, and youth is the one thing worth having."
"I don't feel that, Lord Henry."
"No, you don't feel it now. Some day, when you are old and wrinkled and ugly, when thought has seared your forehead with its lines, and passion branded your lips with its hideous fires, you will feel it, you will feel it terribly. Now, wherever you go, you charm the world. Will it always be so? ... You have a wonderfully beautiful face, Mr. Gray. Don't frown. You have. And beauty is a form of genius—is higher, indeed, than genius, as it needs no explanation. It is of the great facts of the world, like sunlight, or spring-time, or the reflection in dark waters of that silver shell we call the moon. It cannot be questioned. It has its divine right of sovereignty. It makes princes of those who have it. You smile? Ah! when you have lost it you won't smile.... People say sometimes that beauty is only superficial. That may be so, but at least it is not so superficial as thought is. To me, beauty is the wonder of wonders. It is only shallow people who do not judge by appearances. The true mystery of the world is the visible, not the invisible.... Yes, Mr. Gray, the gods have been good to you. But what the gods give they quickly take away. You have only a few years in which to live really, perfectly, and fully. When your youth goes, your beauty will go with it, and then you will suddenly discover that there are no triumphs left for you, or have to content yourself with those mean triumphs that the memory of your past will make more bitter than defeats. Every month as it wanes brings you nearer to something dreadful. Time is jealous of you, and wars against your lilies and your roses. You will become sallow, and hollow-cheeked, and dull-eyed. You will suffer horribly.... Ah! realize your youth while you have it. Don't squander the gold of your days, listening to the tedious, trying to improve the hopeless failure, or giving away your life to the ignorant, the common, and the vulgar. These are the sickly aims, the false ideals, of our age. Live! Live the wonderful life that is in you! Let nothing be lost upon you. Be always searching for new sensations. Be afraid of nothing.... A new Hedonism—that is what our century wants. You might be its visible symbol. With your personality there is nothing you could not do. The world belongs to you for a season.... The moment I met you I saw that you were quite unconscious of what you really are, of what you really might be. There was so much in you that charmed me that I felt I must tell you something about yourself. I thought how tragic it would be if you were wasted. For there is such a little time that your youth will last—such a little time. The common hill-flowers wither, but they blossom again. The laburnum will be as yellow next June as it is now. In a month there will be purple stars on the clematis, and year after year the green night of its leaves will hold its purple stars. But we never get back our youth. The pulse of joy that beats in us at twenty becomes sluggish. Our limbs fail, our senses rot. We degenerate into hideous puppets, haunted by the memory of the passions of which we were too much afraid, and the exquisite temptations that we had not the courage to yield to. Youth! Youth! There is absolutely nothing in the world but youth!" 
– Parce que vous possédez une admirable jeunesse et que la jeunesse est la seule chose désirable.
– Je ne m’en soucie pas.
– Vous ne vous en souciez pas... maintenant. Un jour viendra, quand vous serez vieux, ridé, laid, quand la pensée aura marqué votre front de sa griffe, et la passion flétri vos lèvres de stigmates hideux, un jour viendra, dis-je, où vous vous en soucierez amèrement. Où que vous alliez actuellement, vous charmez. En sera-t-il toujours ainsi ? Vous avez une figure adorablement belle, Mr Gray... Ne vous fâchez point, vous l’avez... Et la Beauté est une des formes du Génie, la plus haute même, car elle n’a pas besoin d’être expliquée ; c’est un des faits absolus du monde, comme le soleil, le printemps, ou le reflet dans les eaux sombres de cette coquille d’argent que nous appelons la lune ; cela ne peut être discuté ; c’est une souveraineté de droit divin, elle fait des princes de ceux qui la possèdent... vous souriez ?... Ah ! vous ne sourirez plus quand vous l’aurez perdue... On dit parfois que la beauté n’est que superficielle, cela peut être, mais tout au moins elle est moins superficielle que la Pensée. Pour moi, la Beauté est la merveille des merveilles. Il n’y a que les gens bornés qui ne jugent pas sur l’apparence. Le vrai mystère du monde est le visible, non l’invisible... Oui, Mr Gray, les Dieux vous furent bons. Mais ce que les Dieux donnent, ils le reprennent vite. Vous n’avez que peu d’années à vivre réellement, parfaitement, pleinement ; votre beauté s’évanouira avec votre jeunesse, et vous découvrirez tout à coup qu’il n’est plus de triomphes pour vous et qu’il vous faudra vivre désormais sur ces menus triomphes que la mémoire du passé rendra plus amers que des défaites. Chaque mois vécu vous approche de quelque chose de terrible. Le temps est jaloux de vous, et guerroie contre vos lys et vos roses.
« Vous blêmirez, vos joues se creuseront et vos regards se faneront. Vous souffrirez horriblement... Ah ! réalisez votre jeunesse pendant que vous l’avez !...
« Ne gaspillez pas l’or de vos jours, en écoutant les sots essayant d’arrêter l’inéluctable défaite et gardez-vous de l’ignorant, du commun et du vulgaire... C’est le but maladif, l’idéal faux de notre âge. Vivez ! vivez la merveilleuse vie qui est en vous ! N’en laissez rien perdre ! Cherchez de nouvelles sensations, toujours ! Que rien ne vous effraie... Un nouvel Hédonisme, voilà ce que le siècle demande. Vous pouvez en être le tangible symbole. Il n’est rien avec votre personnalité que vous ne puissiez faire. Le monde vous appartient pour un temps !
« Alors que je vous rencontrai, je vis que vous n’aviez point conscience de ce que vous étiez, de ce que vous pouviez être... Il y avait en vous quelque chose de si particulièrement attirant que je sentis qu’il me fallait vous révéler à vous-même, dans la crainte tragique de vous voir vous gâcher... car votre jeunesse a si peu de temps à vivre... si peu !... Les fleurs se dessèchent, mais elles refleurissent... Cet aubour sera aussi florissant au mois de juin de l’année prochaine qu’il l’est à présent. Dans un mois, cette clématite portera des fleurs pourprées, et d’année en année, ses fleurs de pourpre illumineront le vert de ses feuilles... Mais nous, nous ne revivrons jamais notre jeunesse. Le pouls de la joie qui bat en nous à vingt ans, va s’affaiblissant, nos membres se fatiguent et s’alourdissent nos sens !... Tous, nous deviendrons d’odieux polichinelles, hantés par la mémoire de ce dont nous fûmes effrayés, par les exquises tentations que nous n’avons pas eu le courage de satisfaire... Jeunesse ! Jeunesse ! Rien n’est au monde que la jeunesse !...

A PROPOS DU MOT TOUJOURS :
"Always! That is a dreadful word. It makes me shudder when I hear it. Women are so fond of using it. They spoil every romance by trying to make it last for ever. It is a meaningless word, too. The only difference between a caprice and a lifelong passion is that the caprice lasts a little longer."
– Toujours !... C’est un mot terrible qui me fait frémir quand je l’entends : les femmes l’emploient tellement. Elles abîment tous les romans en essayant de les faire s’éterniser. C’est un mot sans signification, désormais. La seule différence qui existe entre un caprice et une éternelle passion est que le caprice... dure plus longtemps...

"I adore simple pleasures," said Lord Henry. "They are the last refuge of the complex.
– J’adore les plaisirs simples, dit lord Henry. Ce sont les derniers refuges des êtres complexes.

"What a fuss people make about fidelity!" exclaimed Lord Henry. "Why, even in love it is purely a question for physiology. It has nothing to do with our own will. Young men want to be faithful, and are not; old men want to be faithless, and cannot: that is all one can say."
Les jeunes gens veulent être fidèles et ne le sont point ; les vieux veulent être infidèles et ne le peuvent

"Is she pretty?"
"She behaves as if she was beautiful. Most American women do. It is the secret of their charm."
– Est-elle jolie ?
– Elle se conduit comme si elle l’était. Beaucoup d’Américaines agissent de la sorte. C’est le secret de leurs charmes.

"Humph! tell your Aunt Agatha, Harry, not to bother me any more with her charity appeals. I am sick of them. Why, the good woman thinks that I have nothing to do but to write cheques for her silly fads."
"All right, Uncle George, I'll tell her, but it won't have any effect. Philanthropic people lose all sense of humanity. It is their distinguishing characteristic."
– Bah ! dites donc à votre tante Agathe, Harry, de ne plus m’assommer avec ses œuvres de charité. J’en suis excédé. La bonne femme croit-elle donc que je n’aie rien de mieux à faire que de signer des chèques en faveur de ses vilains drôles.
– Très bien, oncle Georges, je le lui dirai, mais cela n’aura aucun effet. Les philanthropes ont perdu toute notion d’humanité. C’est leur caractère distinctif.
Sir Thomas Burdon, a Radical member of Parliament, who followed his leader in public life and in private life followed the best cooks, dining with the Tories and thinking with the Liberals, in accordance with a wise and well-known rule.
sir Thomas Burdon, membre radical du Parlement, qui cherchait sa voie dans la vie publique, et dans la vie privée s’inquiétait des meilleures cuisines, dînant avec les Tories et opinant avec les Libéraux, selon une règle très sage et très connue

Like all people who try to exhaust a subject, he exhausted his listeners.
Comme tous ceux qui essayent d’épuiser un sujet, il épuisait ses auditeurs

"I can sympathize with everything except suffering," said Lord Henry, shrugging his shoulders. "I cannot sympathize with that. It is too ugly, too horrible, too distressing. There is something terribly morbid in the modern sympathy with pain. One should sympathize with the colour, the beauty, the joy of life. The less said about life's sores, the better."
– Je puis sympathiser avec n’importe quoi, excepté avec la souffrance, dit lord Henry en haussant les épaules. Je ne puis sympathiser avec cela. C’est trop laid, trop horrible, trop affligeant. Il y a quelque chose de terriblement maladif dans la pitié moderne. On peut s’émouvoir des couleurs, de la beauté, de la joie de vivre. Moins on parle des plaies sociales, mieux cela vaut.

Lord Henry laughed. "I don't desire to change anything in England except the weather," he answered.


"Can you remember any great error that you committed in your early days, Duchess?" he asked, looking at her across the table.
"A great many, I fear," she cried.
"Then commit them over again," he said gravely. "To get back one's youth, one has merely to repeat one's follies."
"A delightful theory!" she exclaimed. "I must put it into practice."
– Pouvez-vous vous rappeler un gros péché que vous auriez commis dans vos premières années, demanda-t-il, la regardant par-dessus la table.
– D’un grand nombre, je le crains, s’écria-t-elle.
–Eh bien ! commettez-les encore, dit-il gravement. Pour redevenir jeune on n’a guère qu’à recommencer ses folies.
– C’est une délicieuse théorie. Il faudra que je la mette en pratique.

"Yes," he continued, "that is one of the great secrets of life. Nowadays most people die of a sort of creeping common sense, and discover when it is too late that the only things one never regrets are one's mistakes."
Oui ! continua lord Henry, c’est un des grands secrets de la vie. Aujourd’hui beaucoup de gens meurent d’un bon sens terre à terre et s’aperçoivent trop tard que les seules choses qu’ils regrettent sont leurs propres erreurs.

"I am too fond of reading books to care to write them, Mr. Erskine. I should like to write a novel certainly, a novel that would be as lovely as a Persian carpet and as unreal. But there is no literary public in England for anything except newspapers, primers, and encyclopaedias. Of all people in the world the English have the least sense of the beauty of literature."
J’aime trop à lire ceux des autres pour songer à en écrire moi-même, monsieur Erskine. J’aimerais à écrire un roman, en effet, mais un roman qui serait aussi adorable qu’un tapis de Perse et aussi irréel. Malheureusement, il n’y a pas en Angleterre de public littéraire excepté pour les journaux, les bibles et les encyclopédies ; moins que tous les peuples du monde, les Anglais ont le sens de la beauté littéraire.


Elle était toujours en intrigue avec quelqu’un et, comme son amour n’était jamais payé de retour, elle avait gardé toutes ses illusions. Elle essayait d’être pittoresque, mais ne réussissait qu’à être désordonnée. Elle s’appelait Victoria et avait la manie invétérée d’aller à l’église.
– C’était à Lohengrin, lady Henry, je crois ?
– Oui, c’était à ce cher Lohengrin. J’aime Wagner mieux que personne. Cela est si bruyant qu’on peut causer tout le temps sans être entendu. C’est un grand avantage. Ne trouvez-vous pas, Mr Gray ?...

– Mon cher enfant, aucune femme n’est géniale. Les femmes sont un sexe décoratif. Elles n’ont jamais rien à dire, mais elles le disent d’une façon charmante. Les femmes représentent le triomphe de la matière sur l’intelligence, de même que les hommes représentent le triomphe de l’intelligence sur les mœurs.


"I will tell you, Harry, but you mustn't be unsympathetic about it. After all, it never would have happened if I had not met you. You filled me with a wild desire to know everything about life. For days after I met you, something seemed to throb in my veins. As I lounged in the park, or strolled down Piccadilly, I used to look at every one who passed me and wonder, with a mad curiosity, what sort of lives they led. Some of them fascinated me. Others filled me with terror. There was an exquisite poison in the air. I had a passion for sensations.... Well, one evening about seven o'clock, I determined to go out in search of some adventure. I felt that this grey monstrous London of ours, with its myriads of people, its sordid sinners, and its splendid sins, as you once phrased it, must have something in store for me. I fancied a thousand things. The mere danger gave me a sense of delight. I remembered what you had said to me on that wonderful evening when we first dined together, about the search for beauty being the real secret of life. I don't know what I expected, but I went out and wandered eastward, soon losing my way in a labyrinth of grimy streets and black grassless squares. About half-past eight I passed by an absurd little theatre, with great flaring gas-jets and gaudy play-bills. 
 Eh bien, un soir, vers sept heures, je résolus de sortir en quête de quelque aventure. Je sentais que notre gris et monstrueux Londres, avec ses millions d’habitants, ses sordides pécheurs et ses péchés splendides, comme vous disiez, devait avoir pour moi quelque chose en réserve. J’imaginais mille choses. Le simple danger me donnait une sorte de joie. Je me rappelais tout ce que vous m’aviez dit durant cette merveilleuse soirée où nous dînâmes ensemble pour la première fois, à propos de la recherche de la Beauté qui est le vrai secret de l’existence. Je ne sais trop ce que j’attendais, mais je me dirigeai vers l’Est et me perdis bientôt dans un labyrinthe de ruelles noires et farouches et de squares aux gazons pelés.


My dear boy, the people who love only once in their lives are really the shallow people. What they call their loyalty, and their fidelity, I call either the lethargy of custom or their lack of imagination. Faithfulness is to the emotional life what consistency is to the life of the intellect—simply a confession of failure. Faithfulness! I must analyse it some day. The passion for property is in it. There are many things that we would throw away if we were not afraid that others might pick them up. 
– Mon cher enfant, ceux qui n’aiment qu’une fois dans leur vie sont les véritables futiles. Ce qu’ils appellent leur loyauté et leur fidélité, je l’appelle ou le sommeil de l’habitude ou leur défaut d’imagination. La fidélité est à la vie sentimentale ce que la stabilité est à la vie intellectuelle, simplement un aveu d’impuissance. La fidélité ! je l’analyserai un jour. La passion de la propriété est en elle. Il y a bien des choses que nous abandonnerions si nous n’avions peur que d’autres puissent les ramasser. 

"It is only the sacred things that are worth touching, Dorian," said Lord Henry, with a strange touch of pathos in his voice.
– Il n’y a que les choses sacrées qui méritent d’être recherchées, Dorian, dit lord Harry d’une voix étrangement pénétrante.


– On aime beaucoup à se débarrasser de ce dont on a le plus besoin. C’est ce que j’appelle l’abîme de la générosité.


The only artists I have ever known who are personally delightful are bad artists. Good artists exist simply in what they make, and consequently are perfectly uninteresting in what they are. A great poet, a really great poet, is the most unpoetical of all creatures. But inferior poets are absolutely fascinating. The worse their rhymes are, the more picturesque they look. The mere fact of having published a book of second-rate sonnets makes a man quite irresistible. He lives the poetry that he cannot write. The others write the poetry that they dare not realize."
Les seuls artistes que j’aie connus et qui étaient personnellement délicieux étaient de mauvais artistes. Les vrais artistes n’existent que dans ce qu’ils font et ne présentent par suite aucun intérêt en eux-mêmes. Un grand poète, un vrai grand poète, est le plus prosaïque des êtres. Mais les poètes inférieurs sont les plus charmeurs des hommes. Plus ils riment mal, plus ils sont pittoresques. Le simple fait d’avoir publié un livre de sonnets de second ordre, rend un homme parfaitement irrésistible. Il vit le poème qu’il ne peut écrire ; les autres écrivent le poème qu’ils n’osent réaliser.

 He was conscious—and the thought brought a gleam of pleasure into his brown agate eyes—that it was through certain words of his, musical words said with musical utterance, that Dorian Gray's soul had turned to this white girl and bowed in worship before her. To a large extent the lad was his own creation. He had made him premature. That was something. Ordinary people waited till life disclosed to them its secrets, but to the few, to the elect, the mysteries of life were revealed before the veil was drawn away. Sometimes this was the effect of art, and chiefly of the art of literature, which dealt immediately with the passions and the intellect. But now and then a complex personality took the place and assumed the office of art, was indeed, in its way, a real work of art, life having its elaborate masterpieces, just as poetry has, or sculpture, or painting.
 Il avait conscience – et cette pensée faisait étinceler de plaisir ses yeux d’agate brune – que c’était à cause de certains mots de lui, des mots musicaux, dits sur un ton musical que l’âme de Dorian Gray s’était tournée vers cette blanche jeune fille et était tombée en adoration devant elle. L’adolescent était en quelque sorte sa propre création. Il l’avait fait s’ouvrir prématurément à la vie. Cela était bien quelque chose. Les gens ordinaires attendent que la vie leur découvre elle-même ses secrets, mais au petit nombre, à l’élite, ses mystères étaient révélés avant que le voile en fût arraché. Quelquefois c’était un effet de l’art, et particulièrement de la littérature qui s’adresse directement aux passions et à l’intelligence. Mais de temps en temps, une personnalité complexe prenait la place de l’art, devenait vraiment ainsi en son genre une véritable œuvre d’art, la vie ayant ses chefs-d’œuvre, tout comme la poésie, la sculpture ou la peinture.

 Les passions sur l’origine desquelles nous nous trompons, nous tyrannisent plus fortement que toutes les autres. Nos plus faibles mobiles sont ceux de la nature desquels nous sommes conscients. Il arrive souvent que lorsque nous pensons faire une expérience sur les autres, nous en faisons une sur nous-mêmes.

Children begin by loving their parents; as they grow older they judge them; sometimes they forgive them.
Les enfants commencent par aimer leurs parents ; en vieillissant ils les jugent ; quelquefois ils les oublient (leur pardonne est le sens originel, non ???).

"You are foolish, Jim, utterly foolish; a bad-tempered boy, that is all. How can you say such horrible things? You don't know what you are talking about. You are simply jealous and unkind. Ah! I wish you would fall in love. Love makes people good, and what you said was wicked."
– Vous êtes fou, Jim, tout à fait fou !... Vous avez un mauvais caractère, voilà tout. Comment pouvez-vous dire d’aussi vilaines choses ? Vous ne savez pas de quoi vous parlez. Vous êtes simplement jaloux ou malveillant. Ah ! je voudrais que vous fussiez amoureux. L’amour rend meilleur et tout ce que vous dites est très mal.

Lord Henry laughed. "The reason we all like to think so well of others is that we are all afraid for ourselves. The basis of optimism is sheer terror. We think that we are generous because we credit our neighbour with the possession of those virtues that are likely to be a benefit to us. We praise the banker that we may overdraw our account, and find good qualities in the highwayman in the hope that he may spare our pockets. I mean everything that I have said. I have the greatest contempt for optimism. As for a spoiled life, no life is spoiled but one whose growth is arrested. If you want to mar a nature, you have merely to reform it. As for marriage, of course that would be silly, but there are other and more interesting bonds between men and women. I will certainly encourage them. They have the charm of being fashionable. But here is Dorian himself. He will tell you more than I can."
La raison pour laquelle nous pensons du bien des autres, est que nous sommes effrayés pour nous-mêmes. La base de l’optimisme est la terreur, tout simplement. Nous pensons être généreux parce que nous gratifions le voisin de la possession de vertus qui nous sont un bénéfice. Nous estimons notre banquier dans l’espérance qu’il saura faire fructifier les fonds à lui confiés, et nous trouvons de sérieuses qualités au voleur de grands chemins qui épargnera nos poches. Je pense tout ce que je dis. J’ai le plus grand mépris pour l’optimisme. Aucune vie n’est gâtée, si ce n’est celle dont la croissance est arrêtée. Si vous voulez gâter un caractère, vous n’avez qu’à tenter de le réformer ; quant au mariage, ce serait idiot, car il y a d’autres et de plus intéressantes liaisons entre les hommes et les femmes ; elles ont le charme d’être élégantes... Mais voici Dorian lui-même. Il vous en dira plus que moi.

POURRAIT ETRE LE COMMENTAIRE DE TWO FIGURES IN THE GRASS DE FRANCIS BACON :
I forgot that I was in London and in the nineteenth century. I was away with my love in a forest that no man had ever seen.
J’oubliais que j’étais à Londres, au XIXe siècle. J’étais bien loin avec mon amour dans une forêt que jamais homme ne vit.

I have a theory that it is always the women who propose to us, and not we who propose to the women. Except, of course, in middle-class life. But then the middle classes are not modern."
Ma théorie est que ce sont toujours les femmes qui se proposent à nous et non nous, qui nous proposons aux femmes... excepté dans la classe populaire, mais la classe populaire n’est pas moderne.


When we are happy, we are always good, but when we are good, we are not always happy."
Quand nous sommes heureux, nous sommes toujours bons, mais quand nous sommes bons, nous ne sommes pas toujours heureux.

"That is certainly better than being adored," he answered, toying with some fruits. "Being adored is a nuisance. Women treat us just as humanity treats its gods. They worship us, and are always bothering us to do something for them."
"I should have said that whatever they ask for they had first given to us," murmured the lad gravely. "They create love in our natures. They have a right to demand it back."
"That is quite true, Dorian," cried Hallward.
"Nothing is ever quite true," said Lord Henry.
"This is," interrupted Dorian. "You must admit, Harry, that women give to men the very gold of their lives."
"Possibly," he sighed, "but they invariably want it back in such very small change. That is the worry. Women, as some witty Frenchman once put it, inspire us with the desire to do masterpieces and always prevent us from carrying them out." 
– Cela vaut certainement mieux que d’être adoré, répondit-il, jouant avec les fruits. Être adoré est un ennui. Les femmes nous traitent exactement comme l’Humanité traite ses dieux. Elles nous adorent, mais sont toujours à nous demander quelque chose.
– Je répondrai que, quoi que ce soit qu’elles nous demandent, elles nous l’ont d’abord donné, murmura l’adolescent, gravement ; elles ont créé l’amour en nous ; elles ont droit de le redemander.
– Tout à fait vrai, Dorian, s’écria Hallward.
– Rien n’est jamais tout à fait vrai, riposta lord Henry.
– Si, interrompit Dorian ; vous admettez, Harry, que les femmes donnent aux hommes l’or même de leurs vies.
– Possible, ajouta-t-il, mais elles exigent invariablement en retour un petit change. Là est l’ennui. Les femmes comme quelque spirituel Français l’a dit, nous inspirent le désir de faire des chefs-d’œuvre, mais nous empêchent toujours d’en venir à bout.


"Dorian, Dorian," she cried, "before I knew you, acting was the one reality of my life. It was only in the theatre that I lived. I thought that it was all true. I was Rosalind one night and Portia the other. The joy of Beatrice was my joy, and the sorrows of Cordelia were mine also. I believed in everything. The common people who acted with me seemed to me to be godlike. The painted scenes were my world. I knew nothing but shadows, and I thought them real. You came—oh, my beautiful love!—and you freed my soul from prison. You taught me what reality really is. To-night, for the first time in my life, I saw through the hollowness, the sham, the silliness of the empty pageant in which I had always played. To-night, for the first time, I became conscious that the Romeo was hideous, and old, and painted, that the moonlight in the orchard was false, that the scenery was vulgar, and that the words I had to speak were unreal, were not my words, were not what I wanted to say. You had brought me something higher, something of which all art is but a reflection. You had made me understand what love really is. My love! My love! Prince Charming! Prince of life! I have grown sick of shadows. You are more to me than all art can ever be. What have I to do with the puppets of a play? When I came on to-night, I could not understand how it was that everything had gone from me. I thought that I was going to be wonderful. I found that I could do nothing. Suddenly it dawned on my soul what it all meant. The knowledge was exquisite to me. I heard them hissing, and I smiled. What could they know of love such as ours? Take me away, Dorian—take me away with you, where we can be quite alone. I hate the stage. I might mimic a passion that I do not feel, but I cannot mimic one that burns me like fire. Oh, Dorian, Dorian, you understand now what it signifies? Even if I could do it, it would be profanation for me to play at being in love. You have made me see that."
He flung himself down on the sofa and turned away his face. "You have killed my love," he muttered.
She looked at him in wonder and laughed. He made no answer. She came across to him, and with her little fingers stroked his hair. She knelt down and pressed his hands to her lips. He drew them away, and a shudder ran through him.
Then he leaped up and went to the door. "Yes," he cried, "you have killed my love. You used to stir my imagination. Now you don't even stir my curiosity. You simply produce no effect. I loved you because you were marvellous, because you had genius and intellect, because you realized the dreams of great poets and gave shape and substance to the shadows of art. You have thrown it all away. You are shallow and stupid. My God! how mad I was to love you! What a fool I have been! You are nothing to me now. I will never see you again. I will never think of you. I will never mention your name. You don't know what you were to me, once. Why, once ... Oh, I can't bear to think of it! I wish I had never laid eyes upon you! You have spoiled the romance of my life. How little you can know of love, if you say it mars your art! Without your art, you are nothing. I would have made you famous, splendid, magnificent. The world would have worshipped you, and you would have borne my name. What are you now? A third-rate actress with a pretty face."

– Dorian ! Dorian, s’écria-t-elle, avant de vous connaître, je croyais que la seule réalité de la vie était le théâtre : c’était seulement pour le théâtre que je vivais ; je pensais que tout cela était vrai ; j’étais une nuit Rosalinde, et l’autre, Portia : la joie de Béatrice était ma joie, et les tristesses de Cordelia furent miennes !... Je croyais en tout !... Les gens grossiers qui jouaient avec moi me semblaient pareils à des dieux ! J’errais parmi les décors comme dans un monde à moi : je ne connaissais que des ombres, et je les croyais réelles ! Vous vîntes, ô mon bel amour ! et vous délivrâtes mon âme emprisonnée... Vous m’avez appris ce qu’était réellement la réalité ! Ce soir, pour la première fois de ma vie, je perçus le vide, la honte, la vilenie de ce que j’avais joué jusqu’alors. Ce soir, pour la première fois, j’eus la conscience que Roméo était hideux, et vieux, et grimé, que faux était le clair de lune du verger, que les décors étaient odieux, que les mots que je devais dire étaient menteurs, qu’ils n’étaient pas mes mots, que ce n’était pas ce que je devais dire !... Vous m’avez élevée dans quelque chose de plus haut, dans quelque chose dont tout l’art n’est qu’une réflexion. Vous m’avez fait comprendre ce qu’était véritablement l’amour ! Mon amour ! Mon amour ! Prince Charmant ! Prince de ma vie ! Je suis écœurée des ombres ! Vous m’êtes plus que tout ce que l’art pourra jamais être ! Que puis-je avoir de commun avec les fantoches d’un drame ? Quand j’arrivai ce soir, je ne pus comprendre comment cela m’avait quittée. Je pensais que j’allais être merveilleuse et je m’aperçus que je ne pouvais rien faire. Soudain, la lumière se fit en moi, et la connaissance m’en fut exquise... Je les entendis siffler, et je me mis à sourire... Pourraient-ils comprendre un amour tel que le nôtre ? Emmène-moi, Dorian, emmène-moi, quelque part où nous puissions être seuls. Je hais la scène ! Je puis mimer une passion que je ne ressens pas, mais je ne puis mimer ce quelque chose qui me brûle comme le feu ! Oh ! Dorian ! Dorian, tu comprends maintenant ce que cela signifie. Même si je parvenais à le faire, ce serait une profanation, car pour moi, désormais, jouer, c’est d’être amoureuse ! Voilà ce que tu m’as faite !...
Il tomba sur le sofa et détourna la tête.
– Vous avez tué mon amour ! murmura-t-il.
Elle le regarda avec admiration et se mit à rire...
Il ne dit rien. Elle vint près de lui et de ses petits doigts lui caressa les cheveux. Elle s’agenouilla, lui baisant les mains... Il les retira, pris d’un frémissement. Il se dressa soudain et marcha vers la porte.
– Oui, clama-t-il, vous avez tué mon amour ! Vous avez dérouté mon esprit ! Maintenant vous ne pouvez même exciter ma curiosité ! Vous n’avez plus aucun effet sur moi ! Je vous aimais parce que vous étiez admirable, parce que vous étiez intelligente et géniale, parce que vous réalisiez les rêves des grands poètes et que vous donniez une forme, un corps, aux ombres de l’Art ! Vous avez jeté tout cela ! vous êtes stupide et bornée !... Mon Dieu ! Combien je fus fou de vous aimer ! Quel insensé je fus !... Vous ne m’êtes plus rien ! Je ne veux plus vous voir ! Je ne veux plus penser à vous ! Je ne veux plus me rappeler votre nom ! Vous ne pouvez vous douter ce que vous étiez pour moi, autrefois... Autrefois !... Ah ! je ne veux plus penser à cela ! Je désirerais ne vous avoir jamais vue... Vous avez brisé le roman de ma vie ! Comme vous connaissez peu l’amour, pour penser qu’il eût pu gâter votre art !... Vous n’êtes rien sans votre art... Je vous aurais faite splendide, fameuse, magnifique ! le monde vous aurait admirée et vous eussiez porté mon nom !... Qu’êtes-vous maintenant ?... Une jolie actrice de troisième ordre !

. The picture, changed or unchanged, would be to him the visible emblem of conscience. He would resist temptation. He would not see Lord Henry any more—would not, at any rate, listen to those subtle poisonous theories that in Basil Hallward's garden had first stirred within him the passion for impossible things.
Le portrait, changé ou non, lui serait le visible emblème de sa conscience. Il résisterait aux tentations. Il ne verrait jamais plus lord Henry, il n’écouterait plus, de toute façon, les subtiles théories empoisonnées qui avaient, pour la première fois, dans le jardin de Basil, insufflé en lui la passion d’impossibles choses.


la seule manière dont une femme puisse réformer un homme est de l’importuner de telle sorte qu’il perd tout intérêt possible à l’existence. Si vous aviez épousé cette jeune fille, vous auriez été malheureux ; vous l’auriez traitée gentiment ; on peut toujours être bon envers les personnes desquelles on attend rien. Mais elle aurait bientôt découvert que vous lui étiez absolument indifférent, et quand une femme a découvert cela de son mari, ou elle se fagote terriblement, ou bien elle porte de pimpants chapeaux que paie le mari... d’une autre femme. Je ne dis rien de l’adultère, qui aurait pu être abject, qu’en somme je n’aurais pas permis, mais je vous assure en tous les cas, que tout cela eut été un parfait malentendu.

"I fancy that the true explanation is this: It often happens that the real tragedies of life occur in such an inartistic manner that they hurt us by their crude violence, their absolute incoherence, their absurd want of meaning, their entire lack of style. They affect us just as vulgarity affects us. They give us an impression of sheer brute force, and we revolt against that. Sometimes, however, a tragedy that possesses artistic elements of beauty crosses our lives. If these elements of beauty are real, the whole thing simply appeals to our sense of dramatic effect. Suddenly we find that we are no longer the actors, but the spectators of the play. Or rather we are both. We watch ourselves, and the mere wonder of the spectacle enthralls us.
Il arrive souvent que les véritables tragédies de la vie se passent d’une manière si peu artistique qu’elles nous blessent par leur violence crue, leur incohérence absolue, leur absurde besoin de signifier quelque chose, leur entier manque de style. Elles nous affectent tout ainsi que la vulgarité ; elles nous donnent une impression de la pure force brutale et nous nous révoltons contre cela. Parfois, cependant, une tragédie possédant des éléments artistiques de beauté, traverse notre vie ; si ces éléments de beauté sont réels, elle en appelle à nos sens de l’effet dramatique. Nous nous trouvons tout à coup, non plus les acteurs, mais les spectateurs de la pièce, ou plutôt nous sommes les deux. Nous nous surveillons nous mêmes et le simple intérêt du spectacle nous séduit.

 In the present case, what is it that has really happened? Some one has killed herself for love of you. I wish that I had ever had such an experience. It would have made me in love with love for the rest of my life. The people who have adored me—there have not been very many, but there have been some—have always insisted on living on, long after I had ceased to care for them, or they to care for me. They have become stout and tedious, and when I meet them, they go in at once for reminiscences. That awful memory of woman! What a fearful thing it is! And what an utter intellectual stagnation it reveals! One should absorb the colour of life, but one should never remember its details. Details are always vulgar."
« Qu’est-il réellement arrivé dans le cas qui nous occupe ? Une femme s’est tuée par amour pour vous. Je suis ravi que pareille chose ne me soit jamais arrivée ; cela m’aurait fait aimer l’amour pour le restant de mes jours. Les femmes qui m’ont adoré – elles n’ont pas été nombreuses, mais il y en a eu – ont voulu continuer, alors que depuis longtemps j’avais cessé d’y prêter attention, ou elles de faire attention à moi. Elles sont devenues grasses et assommantes et quand je les rencontre, elles entament le chapitre des réminiscences... Oh ! la terrible mémoire des femmes ! Quelle chose effrayante ! Quelle parfaite stagnation intellectuelle cela révèle ! On peut garder dans sa mémoire la couleur de la vie, mais on ne peut se souvenir des détails, toujours vulgaires.

I once wore nothing but violets all through one season, as a form of artistic mourning for a romance that would not die. Ultimately, however, it did die. I forget what killed it. I think it was her proposing to sacrifice the whole world for me. That is always a dreadful moment. It fills one with the terror of eternity. Well—would you believe it?—a week ago, at Lady Hampshire's, I found myself seated at dinner next the lady in question, and she insisted on going over the whole thing again, and digging up the past, and raking up the future. I had buried my romance in a bed of asphodel. She dragged it out again and assured me that I had spoiled her life. I am bound to state that she ate an enormous dinner, so I did not feel any anxiety. But what a lack of taste she showed! The one charm of the past is that it is the past. But women never know when the curtain has fallen. They always want a sixth act, and as soon as the interest of the play is entirely over, they propose to continue it. If they were allowed their own way, every comedy would have a tragic ending, and every tragedy would culminate in a farce. They are charmingly artificial, but they have no sense of art.
Une fois, je ne portais que des violettes toute une saison, comme manière artistique de porter le deuil d’une passion qui ne voulait mourir. Enfin, elle mourut, je ne sais ce qui la tua. Je pense que ce fut la proposition de sacrifier le monde entier pour moi ; c’est toujours un moment ennuyeux : cela vous remplit de la terreur de l’éternité. Eh bien ! le croyez-vous, il y a une semaine, je me trouvai chez lady Hampshire, assis au dîner près de la dame en question et elle insista pour recommencer de nouveau, en déblayant le passé et ratissant le futur. J’avais enterré mon roman dans un lit d’asphodèles ; elle prétendait l’exhumer et m’assurait que je n’avais pas gâté sa vie. Je suis autorisé à croire qu’elle mangea énormément ; aussi ne ressentis-je aucune anxiété... Mais quel manque de goût elle montra !
« Le seul charme du passé est que c’est le passé, et les femmes ne savent jamais quand la toile est tombée ; elles réclament toujours un sixième acte, et proposent de continuer le spectacle quand l’intérêt s’en est allé... Si on leur permettait d’en faire à leur gré, toute comédie aurait une fin tragique, et toute tragédie finirait en farce. Elles sont délicieusement artificielles, mais elles n’ont aucun sens de l’art.

I am glad I am living in a century when such wonders happen. They make one believe in the reality of the things we all play with, such as romance, passion, and love."
– Je suis heureux de vivre dans un siècle où de pareils miracles se produisent. Ils nous font croire à la réalité des choses avec lesquelles nous jouons, comme le roman, la passion, l’amour...

"I am afraid that women appreciate cruelty, downright cruelty, more than anything else. They have wonderfully primitive instincts. We have emancipated them, but they remain slaves looking for their masters, all the same. They love being dominated.
– Je suis certain que les femmes apprécient la cruauté, la vraie cruauté, plus que n’importe quoi. Elles ont d’admirables instincts primitifs. Nous les avons émancipées, mais elles n’en sont pas moins restées des esclaves cherchant leurs maîtres ; elles aiment être dominées.

"I see you did. Don't speak. Wait till you hear what I have to say. Dorian, from the moment I met you, your personality had the most extraordinary influence over me. I was dominated, soul, brain, and power, by you. You became to me the visible incarnation of that unseen ideal whose memory haunts us artists like an exquisite dream. I worshipped you. I grew jealous of every one to whom you spoke. I wanted to have you all to myself. I was only happy when I was with you. When you were away from me, you were still present in my art.... Of course, I never let you know anything about this. It would have been impossible. You would not have understood it. I hardly understood it myself. I only knew that I had seen perfection face to face, and that the world had become wonderful to my eyes—too wonderful, perhaps, for in such mad worships there is peril, the peril of losing them, no less than the peril of keeping them....
– Je vois que vous l’avez remarqué... Ne parlez pas ! Attendez d’avoir entendu ce que j’ai à dire. Dorian, du jour où je vous rencontrai, votre personnalité eut sur moi une influence extraordinaire. Je fus dominé, âme, cerveau et talent, par vous. Vous deveniez pour moi la visible incarnation de cet idéal jamais vu, dont la pensée nous hante, nous autres artistes, comme un rêve exquis. Je vous aimai ; je devins jaloux de tous ceux à qui vous parliez, je voulais vous avoir à moi seul, je n’étais heureux que lorsque j’étais avec vous. Quant vous étiez loin de moi, vous étiez encore présent dans mon art...
« Certes, je ne vous laissai jamais rien connaître de tout cela. C’eût été impossible. Vous n’auriez pas compris ; Je le comprends à peine moi-même. Je connus seulement que j’avais vu la perfection face à face et le monde devint merveilleux à mes yeux, trop merveilleux peut-être, car il y a un péril dans de telles adorations, le péril de les perdre, non moindre que celui de les conserver...

Even now I cannot help feeling that it is a mistake to think that the passion one feels in creation is ever really shown in the work one creates. Art is always more abstract than we fancy. Form and colour tell us of form and colour—that is all. It often seems to me that art conceals the artist far more completely than it ever reveals him.
il me sembla que j’avais été fou en imaginant y avoir vu autre chose que votre beauté et plus de choses que je n’en pouvais peindre. Et même maintenant je ne puis m’empêcher de sentir l’erreur qu’il y a à croire que la passion éprouvée dans la création puisse jamais se montrer dans l’œuvre créée. L’art est toujours plus abstrait que nous ne l’imaginons. La forme et la couleur nous parlent de forme et de couleur, voilà tout. Il me semble souvent que l’œuvre cache l’artiste bien plus qu’il ne le révèle.

"Harry spends his days in saying what is incredible and his evenings in doing what is improbable. Just the sort of life I would like to lead. But still I don't think I would go to Harry if I were in trouble. I would sooner go to you, Basil.
Harry passe ses journées à dire des choses incroyables et ses soirées à faire des choses invraisemblables. Tout à fait le genre de vie que j’aimerais. Mais je ne crois pas que j’irai vers Harry dans un moment d’embarras ; je viendrai à vous aussitôt, Basil.

It was a novel without a plot and with only one character, being, indeed, simply a psychological study of a certain young Parisian who spent his life trying to realize in the nineteenth century all the passions and modes of thought that belonged to every century except his own, and to sum up, as it were, in himself the various moods through which the world-spirit had ever passed, loving for their mere artificiality those renunciations that men have unwisely called virtue, as much as those natural rebellions that wise men still call sin. The style in which it was written was that curious jewelled style, vivid and obscure at once, full of argot and of archaisms, of technical expressions and of elaborate paraphrases, that characterizes the work of some of the finest artists of the French school of Symbolistes. There were in it metaphors as monstrous as orchids and as subtle in colour. The life of the senses was described in the terms of mystical philosophy. One hardly knew at times whether one was reading the spiritual ecstasies of some mediaeval saint or the morbid confessions of a modern sinner. It was a poisonous book. The heavy odour of incense seemed to cling about its pages and to trouble the brain. The mere cadence of the sentences, the subtle monotony of their music, so full as it was of complex refrains and movements elaborately repeated, produced in the mind of the lad, as he passed from chapter to chapter, a form of reverie, a malady of dreaming, that made him unconscious of the falling day and creeping shadows
C’était un roman sans intrigue, avec un seul personnage, la simple étude psychologique d’un jeune Parisien qui occupait sa vie en essayant de réaliser, au dix-neuvième siècle, toutes les passions et les modes de penser des autres siècles, et de résumer en lui les états d’esprit par lequel le monde avait passé, aimant pour leur simple artificialité ces renonciations que les hommes avaient follement appelées Vertus, aussi bien que ces révoltes naturelles que les hommes sages appellent encore Pêchés. Le style en était curieusement ciselé, vivant et obscur tout à la fois, plein d’argot et d’archaïsmes, d’expressions techniques et de phrases travaillées, comme celui qui caractérise les ouvrages de ces fins artistes de l’école française : les Symbolistes. Il s’y trouvait des métaphores aussi monstrueuses que des orchidées et aussi subtiles de couleurs. La vie des sens y était décrite dans des termes de philosophie mystique. On ne savait plus par instants si on lisait les extases spirituelles d’un saint du moyen âge ou les confessions morbides d’un pécheur moderne. C’était un livre empoisonné. De lourdes vapeurs d’encens se dégageaient de ses pages, obscurcissant le cerveau. La simple cadence des phrases, l’étrange monotonie de leur musique toute pleine de refrains compliqués et de mouvements savamment répétés, évoquaient dans l’esprit du jeune homme, à mesure que les chapitres se succédaient, une sorte de rêverie, un songe maladif, le rendant inconscient de la chute du jour et de l’envahissement des ombres. Un ciel vert-de-grisé sans nuages, piqué d’une étoile solitaire, éclairait les fenêtres. Il lut à cette blême lumière tant qu’il lui fut possible de lire. Enfin, après que son domestique lui eut plusieurs fois rappelé l’heure tardive, il se leva, alla dans la chambre voisine déposer le livre sur la petite table florentine qu’il avait toujours près de son lit, et s’habilla pour dîner.

PASSAGE QUI FAIT ECHO A CELUI DE LADY ELROY DANS LE SPHINX SANS SECRET :
There were moments, indeed, at night, when, lying sleepless in his own delicately scented chamber, or in the sordid room of the little ill-famed tavern near the docks which, under an assumed name and in disguise, it was his habit to frequent, he would think of the ruin he had brought upon his soul with a pity that was all the more poignant because it was purely selfish. But moments such as these were rare.
iait... Il se moquait du corps se déformant et des membres las.
Des fois, cependant, le soir, reposant éveillé dans sa chambre imprégnée de délicats parfums, ou dans la mansarde sordide de la petite taverne mal famée située près des Docks, qu’il avait accoutumé de fréquenter, déguisé et sous un faux nom, il pensait à la ruine qu’il attirait sur son âme, avec un désespoir d’autant plus poignant qu’il était purement égoïste. Mais rares étaient ces moments.

He sought to elaborate some new scheme of life that would have its reasoned philosophy and its ordered principles, and find in the spiritualizing of the senses its highest realization. 
Il cherchait à élaborer quelque nouveau schéma de vie qui aurait sa philosophie raisonnée, ses principes ordonnés, et trouverait dans la spiritualisation des sens, sa plus haute réalisation.


But it was to teach man to concentrate himself upon the moments of a life that is itself but a moment.
il fallait apprendre à l’homme à concentrer sa volonté sur les instants d’une vie qui n’est elle-même qu’un instant.

LA MALADIE DE LA REVERIE (que moi j'appelle le Syndrome de Don Quichotte)
There are few of us who have not sometimes wakened before dawn, either after one of those dreamless nights that make us almost enamoured of death, or one of those nights of horror and misshapen joy, when through the chambers of the brain sweep phantoms more terrible than reality itself, and instinct with that vivid life that lurks in all grotesques, and that lends to Gothic art its enduring vitality, this art being, one might fancy, especially the art of those whose minds have been troubled with the malady of reverie. 
Il est peu d’entre nous qui ne se soient quelquefois éveillés avant l’aube, ou bien après l’une de ces nuits sans rêves qui nous rendent presque amoureux de la mort, ou après une de ces nuits d’horreur et de joie informe, alors qu’à travers les cellules du cerveau se glissent des fantômes plus terribles que la réalité elle-même, animés de cette vie ardente propre à tous les grotesques, et qui prête à l’art gothique son endurante vitalité, cet art étant, on peut croire, spécialement l’art de ceux dont l’esprit a été troublé par la maladie de la rêverie...


Yet, as has been said of him before, no theory of life seemed to him to be of any importance compared with life itself. He felt keenly conscious of how barren all intellectual speculation is when separated from action and experiment. He knew that the senses, no less than the soul, have their spiritual mysteries to reveal. 
Mais, comme il a été dit déjà, aucune théorie sur la vie ne lui sembla avoir d’importance comparée à la Vie elle-même. Il eût profondément conscience de la stérilité de la spéculation intellectuelle quand on la sépare de l’action et de l’expérience. Il perçut que les sens, non moins que l’âme, avaient aussi leurs mystères spirituels et révélés.
Il se mit à étudier les parfums, et les secrets de leur confection, distillant lui-même des huiles puissamment parfumées, ou brûlant d’odorantes gommes venant de l’Orient. Il comprit qu’il n’y avait point de disposition d’esprit qui ne trouva sa contrepartie dans la vie sensorielle, et essaya de découvrir leurs relations véritables ; ainsi l’encens lui sembla l’odeur des mystiques et l’ambre gris, celle des passionnés ; la violette évoque la mémoire des amours défuntes, le musc rend dément et le champagne pervertit l’imagination.
Il tenta souvent d’établir une psychologie des parfums, et d’estimer les diverses influences des racines douces-odorantes, des fleurs chargées de pollen parfumé, des baumes aromatiques, des bois de senteur sombres, du nard indien qui rend malade, de l’hovenia qui affole les hommes, et de l’aloès dont il est dit qu’il chasse la mélancolie de l’âme.
D’autres fois, il se dévouait entièrement à la musique et dans une longue chambre treillissée, au plafond de vermillon et d’or, aux murs de laque vert olive, il donnait d’étranges concerts où de folles gipsies tiraient une ardente musique de petites cithares, où de graves Tunisiens aux tartans jaunes arrachaient des sons aux cordes tendues de monstrueux luths, pendant que des nègres ricaneurs battaient avec monotonie sur des tambours de cuivre, et qu’accroupis sur des nattes écarlates, de minces Indiens coiffés de turbans soufflaient dans de longues pipes de roseau ou d’airain, en charmant, ou feignant de charmer, d’énormes serpents à capuchon ou d’horribles vipères cornues.
Les âpres intervalles et les discords aigus de cette musique barbare le réveillaient quand la grâce de Schubert, les tristesses belles de Chopin et les célestes harmonies de Beethoven ne pouvaient l’émouvoir.
Il recueillit de tous les coins du monde les plus étranges instruments qu’il fut possible de trouver, même dans les tombes des peuples morts ou parmi les quelques tribus sauvages qui ont survécu à la civilisation de l’Ouest, et il aimait à les toucher, à les essayer.
Il possédait le mystérieux juruparis des Indiens du Rio Negro qu’il n’est pas permis aux femmes de voir, et que ne peuvent même contempler les jeunes gens que lorsqu’ils ont été soumis au jeûne et à la flagellation, les jarres de terre des Péruviens dont on tire des sons pareils à des cris perçants d’oiseaux, les flûtes faites d’ossements humains pareilles à celles qu’Alfonso de Olvalle entendit au Chili, et les verts jaspes sonores que l’on trouve près de Cuzco et qui donnent une note de douceur singulière.
Il avait des gourdes peintes remplies de cailloux, qui résonnaient quand on les secouait, le long clarin des Mexicains dans lequel un musicien ne doit pas souffler, mais en aspirer l’air, le ture rude des tribus de l’Amazone, dont sonnent les sentinelles perchées tout le jour dans de hauts arbres et que l’on peut entendre, dit-on, à trois lieues de distance ; le teponaztli aux deux langues vibrantes de bois, que l’on bat avec des joncs enduits d’une gomme élastique obtenu du suc laiteux des plantes ; des cloches d’Astèques, dites yolt, réunies en grappes, et un gros tambour cylindrique, couvert de peaux de grands serpents semblables à celui que vit Bernal Diaz quand il entra avec Cortez dans le temple mexicain, et dont il nous a laissé du son douloureux une si éclatante description.
Le caractère fantastique de ces instruments le charmait, et il éprouva un étrange bonheur à penser que l’art comme la nature, avait ses monstres, choses de formes bestiales aux voix hideuses.
Cependant, au bout de quelque temps, ils l’ennuyèrent, et il allait dans sa loge à l’Opéra, seul ou avec lord Henry, écouter, extasié de bonheur, le Tannhauser, voyant dans l’ouverture du chef-d’œuvre comme le prélude de la tragédie de sa propre âme.
La fantaisie des joyaux le prit, et il apparut un jour dans un bal déguisé en Anne de Joyeuse, amiral de France, portant un costume couvert de cinq cent soixante perles. Ce goût l’obséda pendant des années, et l’on peut croire qu’il ne le quitta jamais.
Il passait souvent des journées entières, rangeant et dérangeant dans leurs boîtes les pierres variées qu’il avait réunies, par exemple, le chrysobéryl vert olive qui devient rouge à la lumière de la lampe, le cymophane aux fils d’argent, le péridot couleur pistache, les topazes rosés et jaunes, les escarboucles d’un fougueux écarlate aux étoiles tremblantes de quatre rais, les pierres de cinnamome d’un rouge de flamme, les spinelles oranges et violacées et les améthystes aux couches alternées de rubis et de saphir.
Il aimait l’or rouge de la pierre solaire, la blancheur perlée de la pierre de lune, et l’arc-en-ciel brisé de l’opale laiteuse. Il fit venir d’Amsterdam trois émeraudes d’extraordinaire grandeur et d’une richesse incomparable de couleur, et il eut une turquoise de la vieille roche qui fit l’envie de tous les connaisseurs.
Il découvrit aussi de merveilleuses histoires de pierreries...

For these treasures, and everything that he collected in his lovely house, were to be to him means of forgetfulness, modes by which he could escape, for a season, from the fear that seemed to him at times to be almost too great to be borne.
Car ces trésors, toutes ces choses qu’il collectionnait dans son habitation ravissante, lui étaient un moyen d’oubli, lui étaient une manière d’échapper, pour un temps, à certaines terreurs qu’il ne pouvait supporter.

On a des ancêtres en littérature, aussi bien que dans sa propre race, plus proches peut-être encore comme type et tempérament, et beaucoup ont sur vous une influence dont vous êtes conscient. Il semblait parfois à Dorian Gray que l’histoire du monde n’était que celle de sa vie, non comme s’il l’avait vécue en actions et en faits, mais comme son imagination la lui avait créée, comme elle avait été dans son cerveau, dans ses passions. Il s’imaginait qu’il les avait connues toutes, ces étranges et terribles figures qui avaient passé sur la scène du monde, qui avaient fait si séduisant le péché, et le mal si subtil ; il lui semblait que par de mystérieuses voies, leurs vies avaient été la sienne.

Dorian Gray had been poisoned by a book. There were moments when he looked on evil simply as a mode through which he could realize his conception of the beautiful.
Dorian Gray, lui, avait été empoisonné par un livre !...
Il y avait des moments où il regardait simplement le Mal comme un mode nécessaire à la réalisation de son concept de la Beauté.

It was on the ninth of November, the eve of his own thirty-eighth birthday, as he often remembered afterwards.
C’était le neuf novembre, la veille de son trente-huitième anniversaire, comme il se le rappela souvent plus tard.

"Years ago, when I was a boy," said Dorian Gray, crushing the flower in his hand, "you met me, flattered me, and taught me to be vain of my good looks. One day you introduced me to a friend of yours, who explained to me the wonder of youth, and you finished a portrait of me that revealed to me the wonder of beauty. In a mad moment that, even now, I don't know whether I regret or not, I made a wish, perhaps you would call it a prayer...."
– Il y a des années, lorsque j’étais un enfant, dit Dorian Gray, froissant la fleur dans sa main, vous m’avez rencontré, vous m’avez flatté et appris à être vain de ma beauté. Un jour, vous m’avez présenté à un de vos amis, qui m’expliqua le miracle de la jeunesse, et vous avez fait ce portrait qui me révéla le miracle de la beauté. Dans un moment de folie que, même maintenant, je ne sais si je regrette ou non, je fis un vœu, que vous appellerez peut-être une prière...

"You told me you had destroyed it."
"I was wrong. It has destroyed me."

"Good God, Dorian, what a lesson! What an awful lesson!" There was no answer, but he could hear the young man sobbing at the window. "Pray, Dorian, pray," he murmured. "What is it that one was taught to say in one's boyhood? 'Lead us not into temptation. Forgive us our sins. Wash away our iniquities.' Let us say that together. The prayer of your pride has been answered. The prayer of your repentance will be answered also. I worshipped you too much. I am punished for it. You worshipped yourself too much. We are both punished." 

IL TUE BASIL LE PEINTRE ET ANCIEN AMI DANS LE XIIIE CHAPITRE A 37 ANS DONC.

puis la déchira avec une légère expression de lassitude : « Quelle terrible chose, qu’une mémoire de femme ! comme dit lord Henry... » murmura-il...

It is pure unadulterated country life. They get up early, because they have so much to do, and go to bed early, because they have so little to think about. There has not been a scandal in the neighbourhood since the time of Queen Elizabeth, and consequently they all fall asleep after dinner.
Ils se lèvent de bonne heure, car ils ont tant à faire, et se couchent tôt ayant si peu à penser. Il n’y a pas eu le moindre scandale dans tout le voisinage depuis le temps de la Reine Elizabeth, aussi s’endorment-ils tous après dîner.

"The husbands of very beautiful women belong to the criminal classes," said Lord Henry, sipping his wine.
Les maris des très belles femmes appartiennent à la classe des criminels, dit lord Henry en buvant à petits coups.

If he had been, you would not have loved him, my dear lady," was the rejoinder. "Women love us for our defects. If we have enough of them, they will forgive us everything, even our intellects. You will never ask me to dinner again after saying this, I am afraid, Lady Narborough, but it is quite true."
– S’il l’avait été, vous ne l’eussiez point adoré, fut la réponse. Les femmes nous aiment pour nos défauts. Si nous en avons pas mal, elles nous passeront tout, même notre intelligence... Vous ne m’inviterez plus, j’en ai peur, pour avoir dit cela, lady Narborough, mais c’est entièrement vrai.

"Fin de siecle," murmured Lord Henry.
"Fin du globe," answered his hostess.
"I wish it were fin du globe," said Dorian with a sigh. "Life is a great disappointment."
"Ah, my dear," cried Lady Narborough, putting on her gloves, "don't tell me that you have exhausted life. When a man says that one knows that life has exhausted him. – Ah, mon cher ami ! s’écria lady Narborough mettant ses gants, ne me dites pas que vous avez épuisé la vie. Quand un homme dit cela, on comprend que c’est la vie qui l’a épuisé.

A PROPOS DES FEMMES "TROP INTELLIGENTES"
She is very clever, too clever for a woman. She lacks the indefinable charm of weakness. It is the feet of clay that make the gold of the image precious. Her feet are very pretty, but they are not feet of clay. White porcelain feet, if you like. They have been through the fire, and what fire does not destroy, it hardens. She has had experiences.
. Elle est très intelligente, trop intelligente pour une femme. Elle manque de ce charme indéfinissable des faibles. Ce sont les pieds d’argile qui rendent précieux l’or de la statue. Ses pieds sont fort jolis, mais ils ne sont pas d’argile ; des pieds de porcelaine blanche, si vous voulez. Ils ont passé au feu et ce que le feu ne détruit pas, il le durcit. Elle a eu des aventures...


Ugliness that had once been hateful to him because it made things real, became dear to him now for that very reason. Ugliness was the one reality.
La laideur qu’il avait haïe parce qu’elle fait les choses réelles, lui devenait chère pour cette raison ; la laideur était la seule réalité.

Dorian shrugged his shoulders. "I am sick of women who love one. Women who hate one are much more interesting. Besides, the stuff is better." 
 – Je suis malade des femmes qui aiment : les femmes qui haïssent sont beaucoup plus intéressantes. D’ailleurs, cette drogue est encore meilleure...

There are moments, psychologists tell us, when the passion for sin, or for what the world calls sin, so dominates a nature that every fibre of the body, as every cell of the brain, seems to be instinct with fearful impulses. Men and women at such moments lose the freedom of their will. They move to their terrible end as automatons move. Choice is taken from them, and conscience is either killed, or, if it lives at all, lives but to give rebellion its fascination and disobedience its charm. For all sins, as theologians weary not of reminding us, are sins of disobedience. When that high spirit, that morning star of evil, fell from heaven, it was as a rebel that he fell.
Les psychologues nous disent, quand la passion pour le vice, ou ce que les hommes appellent vice, domine notre nature, que chaque fibre du corps, chaque cellule de la cervelle, semblent être animées de mouvements effrayants ; les hommes et les femmes, dans de tels moments, perdent le libre exercice de leur volonté ; ils marchent vers une fin terrible comme des automates. Le choix leur est refusé et la conscience elle-même est morte, ou, si elle vit encore, ne vit plus que pour donner à la rébellion son attrait, et son charme à la désobéissance ; car tous les péchés, comme les théologiens sont fatigués de nous le rappeler, sont des péchés de désobéissance. Quand cet Ange hautain, étoile du matin, tomba du ciel, ce fut en rebelle qu’il tomba !...

"What of art?" she asked.
"It is a malady."
"Love?"
"An illusion."
"Religion?"
"The fashionable substitute for belief."
"You are a sceptic."
"Never! Scepticism is the beginning of faith."
"What are you?"
"To define is to limit."
"Give me a clue."
"Threads snap. You would lose your way in the labyrinth."
"You bewilder me. Let us talk of some one else."
– Qu’est-ce que l’Art ? demanda-t-elle.
– Une maladie.
– L’Amour ?
– Une illusion.
– La religion ?
– Une chose qui remplace élégamment la Foi.
– Vous êtes un sceptique.
– Jamais ! Le scepticisme est le commencement de la Foi.
– Qu’êtes-vous ?
– Définir est limiter.
– Donnez-moi un guide.
– Les fils sont brisés. Vous vous perdriez dans le labyrinthe.
– Vous m’égarez... Parlons d’autre chose.

"Not with women," said the duchess, shaking her head; "and women rule the world. I assure you we can't bear mediocrities. We women, as some one says, love with our ears, just as you men love with your eyes, if you ever love at all."
"It seems to me that we never do anything else," murmured Dorian.
"Ah! then, you never really love, Mr. Gray," answered the duchess with mock sadness.
"My dear Gladys!" cried Lord Henry. "How can you say that? Romance lives by repetition, and repetition converts an appetite into an art. Besides, each time that one loves is the only time one has ever loved. Difference of object does not alter singleness of passion. It merely intensifies it. We can have in life but one great experience at best, and the secret of life is to reproduce that experience as often as possible."
– Pas avec les femmes, fit la duchesse hochant la tête, et les femmes gouvernent le monde. Je vous assure que nous ne pouvons supporter les médiocrités. Nous autres femmes, comme on dit, aimons avec nos oreilles comme vous autres hommes, aimez avec vos yeux, si toutefois vous aimez jamais...
– Il me semble que nous ne faisons jamais autre chose, murmura Dorian.
– Ah ! alors, vous n’avez jamais réellement aimé, Mr Gray, répondit la duchesse sur un ton de moquerie triste.
– Ma chère Gladys, s’écria lord Henry, comment pouvez-vous dire cela ? La passion vit par sa répétition et la répétition convertit en art un penchant. D’ailleurs, chaque fois qu’on aime c’est la seule fois qu’on ait jamais aimé. La différence d’objet n’altère pas la sincérité de la passion ; elle l’intensifie simplement. Nous ne pouvons avoir dans la vie au plus qu’une grande expérience, et le secret de la vie est de la reproduire le plus souvent possible.

"I have never searched for happiness. Who wants happiness? I have searched for pleasure."
"And found it, Mr. Gray?"
"Often. Too often."
– Je n’ai jamais recherché le bonheur. Qui a besoin du bonheur ?... Je n’ai cherché que le plaisir.
– Et vous l’avez trouvé, Mr Gray ?
– Souvent, trop souvent...

"Describe us as a sex," was her challenge.
"Sphinxes without secrets."(super insultant quand on y pense)

"I wish I could love," cried Dorian Gray with a deep note of pathos in his voice. "But I seem to have lost the passion and forgotten the desire. I am too much concentrated on myself. My own personality has become a burden to me. I want to escape, to go away, to forget.
– Je voudrais aimer ! s’écria Dorian Gray avec une intonation profondément pathétique dans la voix. Mais il me semble que j’ai perdu la passion et oublié le désir. Je suis trop concentré en moi-même. Ma personnalité m’est devenue un fardeau, j’ai besoin de m’évader, de voyager, d’oublier.

"Are you very much in love with him?" he asked.
She did not answer for some time, but stood gazing at the landscape. "I wish I knew," she said at last.
He shook his head. "Knowledge would be fatal. It is the uncertainty that charms one. A mist makes things wonderful."
"One may lose one's way."
"All ways end at the same point, my dear Gladys."
"What is that?"
"Disillusion."
"It was my debut in life," she sighed.
– L’aimez-vous beaucoup, demanda-t-il.
Elle ne fit pas une immédiate réponse, considérant le paysage...
– Je voudrais bien le savoir... dit-elle enfin.
Il secoua la tête :
– La connaissance en serait fatale. C’est l’incertitude qui vous charme. La brume fait plus merveilleuses les choses.
– On peut perdre son chemin.
– Tous les chemins mènent au même point, ma chère Gladys.
– Quel est-il ?
– La désillusion.
– C’est mon début dans la vie, soupira-t-elle.

"My dear boy," said Lord Henry, smiling, "anybody can be good in the country. There are no temptations there. That is the reason why people who live out of town are so absolutely uncivilized. Civilization is not by any means an easy thing to attain to. There are only two ways by which man can reach it. One is by being cultured, the other by being corrupt. Country people have no opportunity of being either, so they stagnate."
– Mon cher ami, dit lord Henry en souriant, tout le monde peut être bon à la campagne ; on n’y trouve point de tentations... C’est pourquoi les gens qui vivent hors de la ville sont absolument incivilisés ; la civilisation n’est d’aucune manière, une chose facile à atteindre. Il n’y a que deux façons d’y arriver : par la culture ou la corruption. Les gens de la campagne n’ont aucune occasion d’atteindre l’une ou l’autre ; aussi stagnent-ils...

Of course, married life is merely a habit, a bad habit. But then one regrets the loss even of one's worst habits. Perhaps one regrets them the most. They are such an essential part of one's personality."
La vie conjugale est simplement une habitude, une mauvaise habitude. Mais on regrette même la perte de ses mauvaises habitudes ; peut être est-ce celles-là que l’on regrette le plus ; elles sont une partie essentielle de la personnalité.


"I would say, my dear fellow, that you were posing for a character that doesn't suit you. All crime is vulgar, just as all vulgarity is crime. It is not in you, Dorian, to commit a murder. I am sorry if I hurt your vanity by saying so, but I assure you it is true. Crime belongs exclusively to the lower orders. I don't blame them in the smallest degree. I should fancy that crime was to them what art is to us, simply a method of procuring extraordinary sensations."
Tout crime est vulgaire, comme toute vulgarité est crime. Ça ne vous siérait pas de commettre un meurtre. Je suis désolé de blesser peut-être votre vanité en parlant ainsi, mais je vous assure que c’est vrai. Le crime appartient exclusivement aux classes inférieures ; je ne les blâme d’ailleurs nullement. J’imagine que le crime est pour elles ce que l’art est à nous, simplement une méthode de se procurer d’extraordinaires sensations.

One should never do anything that one cannot talk about after dinner
on ne doit jamais rien commettre dont on ne puisse causer après dîner...

 "Yes," he continued, turning round and taking his handkerchief out of his pocket; "his painting had quite gone off. It seemed to me to have lost something. It had lost an ideal. When you and he ceased to be great friends, he ceased to be a great artist. What was it separated you? I suppose he bored you. If so, he never forgave you. It's a habit bores have.
Oui, continua lord Henry se tournant et sortant son mouchoir de sa poche, sa peinture s’en allait tout à fait. Il me semblait avoir perdu quelque chose. Il avait perdu un idéal. Quand vous et lui cessèrent d’être grands amis, il cessa d’être un grand artiste. Qu’est-ce qui vous sépara ?... Je crois qu’il vous ennuyait. Si cela fût, il ne vous oublia jamais. C’est une habitude qu’ont tous les fâcheux.

Le souvenir de tout cela m’est odieux. Il me remet toujours en mémoire ces vers d’une pièce connue, Hamlet, je crois... Voyons, que disent-ils ?...
Like the painting of a sorrow,
A face without a heart. [1]

Le souvenir de tout cela m’est odieux. Il me remet toujours en mémoire ces vers d’une pièce connue, Hamlet, je crois... Voyons, que disent-ils ?...
Like the painting of a sorrow,
A face without a heart. [1]

 Lord Henry laughed. "If a man treats life artistically, his brain is his heart," he answered, sinking into an arm-chair.
 – Si un homme traite sa vie en artiste, son cerveau c’est son cœur, répondit-il s’enfonçant dans un fauteuil.

"Don't, Harry. The soul is a terrible reality. It can be bought, and sold, and bartered away. It can be poisoned, or made perfect. There is a soul in each one of us. I know it."
"Do you feel quite sure of that, Dorian?"
"Quite sure."
"Ah! then it must be an illusion. The things one feels absolutely certain about are never true. That is the fatality of faith, and the lesson of romance.– Non, Harry. L’âme est une terrible réalité. On peut l’acheter, la vendre, en trafiquer. On peut l’empoisonner ou la rendre parfaite. Il y a une âme en chacun de nous. Je le sais.
– En êtes-vous bien sûr, Dorian ?
– Absolument sûr.
– Ah ! alors ce doit être une illusion. Les choses dont on est absolument sûr, ne sont jamais vraies. C’est la fatalité de la Foi et la leçon du Roman.

 Youth! There is nothing like it. It's absurd to talk of the ignorance of youth. The only people to whose opinions I listen now with any respect are people much younger than myself. They seem in front of me. Life has revealed to them her latest wonder. As for the aged, I always contradict the aged. I do it on principle. If you ask them their opinion on something that happened yesterday, they solemnly give you the opinions current in 1820, when people wore high stocks, believed in everything, and knew absolutely nothing.
Ô jeunesse ! Rien ne te vaut ! Quelle absurdité de parler de l’ignorance des jeunes gens ! Les seuls hommes dont j’écoute les opinions avec respect sont ceux qui sont plus jeunes que moi. Ils me paraissent marcher devant moi. La vie leur a révélé ses dernières merveilles. Quant aux vieux, je les contredis toujours. Je le fais par principe. Si vous leur demandez leur opinion sur un événement d’hier, ils vous donnent gravement les opinions courantes en 1820, alors qu’on portait des bas longs... qu’on croyait à tout et qu’on ne savait absolument rien.

have sorrows, Dorian, of my own, that even you know nothing of. The tragedy of old age is not that one is old, but that one is young. 
J’ai mes propres chagrins, Dorian, et dont vous n’en avez jamais rien su. Le drame de la vieillesse n’est pas qu’on est vieux, mais bien qu’on fût jeune.

You and I are what we are, and will be what we will be. As for being poisoned by a book, there is no such thing as that. Art has no influence upon action. It annihilates the desire to act. It is superbly sterile. The books that the world calls immoral are books that show the world its own shame. That is all. But we won't discuss literature. 
Nous sommes ce que nous sommes et serons ce que nous pourrons. Quant à être empoisonné par un livre, on ne vit jamais rien de pareil. L’art n’a aucune influence sur les actions ; il annihile le désir d’agir, il est superbement stérile. Les livres que le monde appelle immoraux sont les livres qui lui montrent sa propre honte. Voilà tout. Mais ne discutons pas de littérature...

When they entered, they found hanging upon the wall a splendid portrait of their master as they had last seen him, in all the wonder of his exquisite youth and beauty. Lying on the floor was a dead man, in evening dress, with a knife in his heart. He was withered, wrinkled, and loathsome of visage. It was not till they had examined the rings that they recognized who it was. 
Quand ils entrèrent, ils trouvèrent, pendu au mur, un splendide portrait de leur maître tel qu’ils l’avaient tou jours connu, dans toute la splendeur de son exquise jeunesse et de sa beauté.
Gisant sur le plancher, était un homme mort, en habit de soirée, un poignard au cœur !... Son visage était flétri, ridé, repoussant !... Ce ne fut qu’à ses bagues qu’ils purent reconnaître qui il était...


Lexique :

Aubour : nom masculin − P. métaph. Toute matière vivante, tendre et fragile :
lord Henry Wotton pouvait tout juste apercevoir le rayonnement des douces fleurs couleur de miel d’un aubour dont les tremblantes branches semblaient à peine pouvoir supporter le poids d’une aussi flamboyante splendeur

Languide :

Littér. Languissant.
A. − [En parlant d'une pers.]
1. Qui dépérit, qui se trouve dans un état d'abattement, de grande faiblesse physique et psychologique. Je suis, rayée ainsi par l'ombre du platane, Une captive, ardente et languide sultane (Noailles, Éblouiss.,1907, p. 69).Battant en retraite, je montais chez Maman, languide, mais lucide (H. Bazin, Qui j'ose aimer,1956, p. 163).
2. [P. méton.] Qui exprime un sentiment de langueur.
a) [En parlant d'un attribut de la pers.] Un œil languide et tristement rêveur (Gide, Isabelle,1911, p. 632):
Il devait à son origine ses cheveux à demi crépus, qu'il portait assez longs et rejetés en arrière, son teint olivâtre et son regard languide. Tout son être respirait un bizarre mélange de fougue et de nonchaloir. Gide, Si le grain,1924, p. 517.
b) [En parlant du comportement d'une pers.] La démarche languide d'une mulâtresse (Goncourt, Journal,1878, p. 1238).La diction valait l'accent. Languide et ardente à la fois, elle surprenait et captivait (Pesquidoux, Livre raison,1925, p. 129).
B. − P. anal. [En parlant d'une chose]
1. Qui manque de force, d'énergie. Il s'élevait doucement dans un ascenseur languide (Duhamel, Combat ombres,1939, p. 248).
2. Qui évoque, engendre la langueur. Leurs concerts successivement assourdissants et languides (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 554).Ces aubes d'été languides qui se traînent comme assommées sous une fin d'orage (Gracq, Syrtes,1951, p. 151).
− En partic. [En parlant d'une œuvre littér.] Je lisais l'Adieu à l'adolescence de Mauriac, j'en apprenais par cœur de longs passages languides que je me récitais dans les rues (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 218).
REM.
Languidité, subst. fém.Langueur; état de celui qui est languide. MmePriscille, que les discours forcenés de Pibou avaient à peine réussi à distraire de ses rêvasseries et de sa languidité (Arnoux, Zulma,1960, p. 305).
Prononc. et Orth. : [lɑ ̃gid] Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. 1. 1523 « qui est en état de langueur, faible » (J. deMortières, Parthenice Mariane, trad., 7 b d'apr. Vaganay ds Rom. Forsch. t. 32, p. 96); 2. 1596 « empreint de langueur, de mollesse » (P. de Brach, Hierusalem, fol. 69 rods Littré). Empr. au lat.languidus « affaibli, languissant; mou, inactif; amollissant ». Fréq. abs. littér. : 36. 

Douairière : Femme âgée et riche de l'aristocratie ou de la haute bourgeoisie

VATICINER, verbe
Littéraire
A. − Empl. intrans.
1. Prophétiser, annoncer l'avenir. La sibylle chrétienne (...) ne cessait pas de vaticiner et d'annoncer la prochaine ruine de l'empire romain (Renan, Église chrét., 1879, p. 532).[La sibylle] vaticine alors, et du fond de son être bondissent les paroles sacrées (...) qui livrent au monde la sagesse mystérieuse des dieux. C'est Cassandre (Barrès, Cahiers, t. 12, 1920, p. 282).
2. Souvent péj. Faire des prédictions, délirer sur l'avenir en se prenant au sérieux. Alors qu'au VIIeou au VIesiècle les philosophes affirment ou vaticinent (...), à partir de Parménide et surtout de Zénon, ils argumentent (Bourbaki, Hist. math., 1960, p. 11).
B. − Empl. trans. Annoncer à la manière d'un oracle. Il croyait la révolution finie. Il vaticinait le retour de l'âge d'or et une longue ère de bonheur (A. France, Génie lat., 1909, p. 236).
− [Suivi d'une complét.] M. Delpit vaticine que M. Ludovic Halévy est appelé à faire le roman définitif du XIXesiècle (Goncourt, Journal, 1882, p. 150).Jaurès, toujours éloquemment, continua de vaticiner que le peuple allemand, les socialistes allemands (...) étaient là pour s'opposer au cuirassier blanc de Tanger (Tharaud, Péguy, 1926, p. 45).
REM.
Vaticinant, -ante, part. prés. en empl. adj.Qui vaticine. Le cercle se reformait autour de la vaticinante Rij (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 85).
Prononc. et Orth.: [vatisine], (il) vaticine [-sin]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. 1. 1481 (Barâtre Infernal, BN 450, fo38 vods Delb. Notes mss); 2. 1873 « annoncer à la manière d'un oracle » (Goncourt, op. cit., p. 953). Empr. au lat.vaticinari « prophétiser », dér. de vates « devin, prophète ». Fréq. abs. littér.: 42.

Pavot : Traditionnellement, dans le langage des fleurs, le pavot est synonyme de repos, de rêves, d’oubli.

L'éloge panégyrique ou simplement le panégyrique, du latin emprunté au grec panêguris, « assemblée de tout le peuple », est au sens strict un discours public à la louange d'un personnage illustre, d'une nation, ou d'une chose et, dans l'occident chrétien, un sermon faisant l'éloge d'un saint. 

AnachorèteUn anachorète est une personne qui s'est retirée de la société séculière pour des raisons religieuses, afin de mener une vie ascétique consacrée à la prière et à l'Eucharistie.

Parangon : Le terme, apparu en français en 1504, provient de l'espagnol parangón (comparaison), de l'italien paragone (pierre de touche) et du grec ancien παρακονη (parakonê, pierre à aiguiser).

Cahin-caha \ka.ɛ̃.ka.a\ invariable
  1. (Familier) Se dit des choses qui vont inégalement ou que l’on fait difficilement, à plusieurs reprises, de mauvaise grâce.
    • Hurlant, beuglant, glapissant, tous clopin-clopant, cahin-caha, se ruant vers la lumière, et vautrés dans la fange comme des limaces après la pluie. (Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, 1831)
    • Toute la cour regardait, depuis le fin matin, défiler cahin-caha, clopin-clopant, les bossus, les borgnes, les bigles, les aveugles, les manchots, les bancals, les bancroches, les boiteux, les tortus, les cagneux, les culs-de-jatte. (Charles Deulin, « Les Trentes-Six Rencontres de Jean du Gogué », in Cambrinus et autres Contes, XIXe siècle (1874?))
    • Au cours des dernières années, les affaires avaient marché cahin-caha, avec une prédisposition romanesque à l’insécurité, dans une petite échoppe délabrée ouvrant sur la Grand’Rue. (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, p. 43 de l’éd. de 1921)
(1552) François Rabelais, dans le Prologue du livre 4 de son Gargantua : Et en cestuy bas estât, en gaignant cahin caha ſa pauvre vie. Du Latin qua hinc, qua hàc.[1]
briqueterie \bʁik.tʁi\ féminin
Lieu où l’on fait de la brique.
 
Musique :
En entrant, ils aperçurent Dorian Gray. Il était assis au piano, leur tournant le dos, feuilletant les pages d’un volume des « Scènes de la Forêt » de Schumann.