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mardi 13 février 2018

"PAIN, VIN ET BONNE CHAIR ! LA GASTRONOMIE AU MOYEN-AGE", Benoît Descamps, Lycée hôtelier Montaleau.

« Pain, vin et bonne chair ! La Gastronomie au Moyen-Âge"par Benoît Descamps, Docteur en histoire agrégé, chercheur au LAMOP (Laboratoire de Médiévistique Occidental de Paris), le mardi 13 février 2018 (Mardi gras).

En vrac, car le conférencier avait peu de temps et il est donc allé très vite. Si j'ai mal interprété ses propos, qu'il m'en excuse.

Divers péchés. Parmi les mauvaises pensées :

1) Gourmandise.
Gastrimargia / gula

2) Luxure
Porneia / fornicatio

3) Avarice
Phitagurial / avantia

4) Vaine gloire.


LES GOLIARDS : jongleurs du Moyen-Âge qui chantaient des poèmes d’ivrognes, considérés comme subversifs. Leur nom vient du géant Goliath dans la Bible. Ce site ne l’associe pas au péché de gourmandise "gula" (alors que le conférencier, si) :
Illustration : Abbaye bénédictine Beuer, Bavière.

Parmi les mauvais états :

1) Colère

2) Tristesse

3) Désespoir

4) Orgueil

Le Vin est un symbole européen et pas seulement chrétien (sang du Christ), de vie depuis l’Antiquité.

Bacchus : le vin rend puissant, heureux et éloquent.

La gula, la gourmandise, n’est associée au mal que lorsqu’elle suggère le "désir avec prédation".

La chère et l’esprit dans la culture alimentaire chrétienne.

Saint-Jérôme : le végétarien. Ascétisme monacal. Légumes pour libérer l’esprit.

Saint-Augustin : le pragmatique. Ne pas avoir à s’abstenir de viande.

Saint-Jean-Baptiste : celui qui mangeait des sauterelles dans le désert.

Soit trois interprétations idéologiques à partir des mêmes textes.

« Le péché de gueule » réfère au péché de gourmandise.

Conséquence du péché originel : la pomme, pourtant un végétal amène à l’abstinence de la viande, associée au plaisir : bonne, appréciable, symbole de vie.

Explication plus pragmatique : les nobles mangeaient trop, donc diète.
En effet, l’archéologie révèle des traces de graisses qui témoignent d’une diversité alimentaire au MA.

En période de carême (40 jours après Mardi gras), les riches (dont les abbés) mangeaient des poissons fins tels que le carrelet, alors que les pauvres (mais aussi les moines), des harengs marinés.
Les bons Chrétiens : poisson tous les vendredis.
Les extrémistes : mangent maigre le mercredi, le vendredi et parfois même le samedi.
Réflexion perso : je devrais les imiter, pas sur les jours mais sur la fréquence.
Junk food autorisée : lundi et vendredi.
Cuisine obligatoire : Mercredi (légumes ou poisson), samedi (poisson) et dimanche (viande).
Maigre : mardi (légumes ou pâtes sauce tomate) et jeudi (légumes ou pâtes sauce tomate).


Texte sur Charlemagne et le fromage. Charlemagne ne mangeait pas la croûte. Un évêque lui fit remarquer qu’il manquait le meilleur. Plus tard, il fut chargé d’envoyer des caisses de fromage qu’il avait goûtés avant en leur centre et qu’il devait piquer sur une broche. Deux versions du texte cependant : soit le mot clef est traduit par "croûte", soit par "persillé"...

Cuisinier célèbre du MA : Guillaume Tirel dit Taillevent, cuisinier de Charles V et Charles VI, au XIVème siècle.

Christophe Colomb : tomate, pomme de terre, maïs, courgette, etc.

Bibliographie de référence :

Jean-Louis Flandrin : L’Histoire et l’Alimentation au Moyen-Âge.

Odile Redo, Françoise Sabban et Silvano Serventi : La Gastronomie au Moyen-Âge, 150 recettes de France et d’Italie.

Les couleurs avaient une importance dans la cuisine et les sauces, très variées et légères.
Les sauces médiévales, à base de pain et d’amandes, substituées par le beurre et la farine aujourd'hui, étaient beaucoup plus légères et diététiques.

https://www.la-cour-des-saveurs.com/fr/108-sauces-medievales



Exemple 1 : le blanc-manger, plat de couleur blanche à base de poulet, de sucre et d’amandes (parsemé de graines de grenade).
http://www.anachronique.fr/blog/?p=1996

La recette originelle (le lien ne marchant pas dans le lien précédent à mon plus grand regret) :
Ingrédients (pour deux personnes) :
1 gros blanc de poulet (300-350g)
35g de poudre d’amandes
2 cas de crème de riz (ou 1 cas de farine de riz et 1 d’eau)
du mascarpone (j’ai remplacé par de la crème)
2 cas de sucre en poudre
des pépins de grenade (facultatif)
Pocher le poulet dans de l’eau (je pense qu’on peut aussi utiliser un mélange d’eau et de vin blanc, assez classique à l’époque).
Quand le poulet est bien cuit, l’égoutter et l’effilocher. Hacher la chair au mixer avec la poudre d’amandes et la crème de riz.
Remettre le hachis dans une casserole pour faire épaissir avec la crème. Dresser en forme de dôme (faites des petits dessins si ça vous amuse), saupoudre chaque assiette d’une cuillère de sucre. Décorer éventuellement avec des pépins de grenade, et servir aussitôt.
Source (merci à son auteur) : http://www.kleoinparis.com/2016/02/blanc-manger-recette-medievale/

Exemple 2 : La sauce Cameline, de la couleur du chameau, à base de cannelle et de pain grillé.

Ingrédients
- pain grillé
- cannelle
- autres épices : gingembre, poivre, coriandre, girofle...
- verjus
- sel
Préparation
Piler le pain grillé avec les épices, le verjus, le sel et un peu d'eau. Ajuster au goût.

Source (merci à son auteur) : http://saveurpassion.over-blog.com/2017/09/trois-sauces-medievales-la-verte-l-aillee-la-cameline.html

N.B. : Le pain était le liant principal à l’époque, beaucoup moins riche que l’œuf d’aujourd’hui.

L’importance du verjus dans les sauces au Moyen-Age (de « jus vert », jus acide issu de fruits verts) fait découvrir un des sites les plus riches en recettes de sauces médiévales :

http://voyageurs-du-temps.fr/Fabrication-utilisation-usage-des-sauces-a-base-d-epices-et-plantes-aromatiques-moyen-age-medieval_869.html

La recette du verjus (qui nécessite de jeunes grains de raisin vert) : http://cookingout.canalblog.com/archives/2015/07/07/32321529.html#c72718366

Les riches consommaient des épices variées, exotiques et chères.







Marqueur social : « les graines de paradis ».
https://www.epicetoo.fr/blog/10_La-maniguette-ou-graine-de-Paradis.html
http://www.grainsdeparadis.com/savoir-3.php


Sur les épices en général :
http://www.oldcook.com/medieval-epices


Jean Favier, De l’or et des épices.




Illustration : Le Combat de Carnaval et de Carême de Pieter Brueghel l’Ancien.


Une centaine d’espèces de poissons disparues aujourd’hui dont on n’a plus que les noms dans les recettes médiévales…Ils mangeaient des dauphins, des tortues, etc.

L’ordre des mets au Moyen-Âge.
Support littéraire : une farce, un fabliau de 1320 intitulé « Des Trois Dames de Paris » de Watriquet de Couvin, un ménestrel du XIVème siècle.
La distinction sucré / salé ne structure pas encore le repas au Moyen-Âge (sera le cas au XVIIème).

1er service : l’Apéritif.
Des échaudés, sortes de petits gâteaux chauds.

2ème service : le Rôt.
2 oies rôties bien grasses, 1 grand plat d’ail et des gâteaux.

3ème service : La Desserte.
(les desserts qu’on sert sur la desserte).
Des amandes pelées, du fromage, des noix, des poires, des épices, du vin, des rissoles (beignets).

4ème service : l’Issue / Yssue.
Des oublies, sortes de gaufres et hypocras (vin au miel et aux épices)
Hypocras :
https://www.lesepicesrient.fr/04/2015/vin-hypocras-cocktail-medieval-aux-epices-royales/
Oublies
Du latin oblata (chose offerte), les oublies se vendaient dans les rues.
Il vous faut un gaufrier pour réaliser cette recette.
INGRÉDIENTS
250 g de miel
250 g de farine
2 œufs
30 g de beurre
Faites fondre 250 g de miel dans 10 cl d’eau froide. Mettez 250 g de farine dans une terrine, creusez un puits, ajoutez deux œufs entiers, remuez en incorporant petit à petit l’eau avec le miel.
Faites fondre 15 g de beurre, incorporez-le a la pâte en mélangeant très rapidement, la pâte doit pouvoir être roulée sous la main.
Formez une trentaine de petites boules. Faites chauffer un gaufrier à feu vif, beurrez-le, placez-y une boule de pâte, fermez en appuyant fortement, regraissez votre gaufrier toutes les 4 ou 5 cuissons.
Chauffez votre gaufrier 45 secondes, retournez-le et faites de même.
Servez chaud ou froid suivant les goûts.
Source (merci à son auteure) : http://www.vivianemoore.com/pages/recettes.htm
5ème service : le Boute-hors.
Aquamanile : graines de poivre enrobées d’anis (je remarque que c’est une pratique toujours en cours dans les restaurants indiens).

Les services sont bien expliqués et plus détaillés ici : http://www.oldcook.com/medieval-dessert

Théorie des humeurs d’Hypocrate de Cos (IVème siècle av JC) et de Galien (IIème siècle).


http://histoires-de-sciences.over-blog.fr/2017/08/hippocrate-gallien.des-quatre-elements-aux-quatre-humeurs.html

http://remacle.org/bloodwolf/erudits/Hippocrate/into.htm

Dénominateur commun dans la cuisine médiévale, tous milieux sociaux confondus : LE PAIN.
D’où le mot companage, ce qui accompagne le pain et donc, copain.

https://fr.wiktionary.org/wiki/companage

https://www.la-cour-des-saveurs.com/fr/132-pain-medieval

http://expositions.bnf.fr/gastro/enimages/salle3/page3.htm

On le trempe dans le bouillon de la soupe, c’est le souper.

Consommation à Arles en 1450 : 1,6 kg par jour et par personne (pain blanc à base de froment).

Famine : pain à base d’orge et d’avoine.
Pauvreté : pain à base de seigle.
Ordinaire : pain à base de froment.

Boisson au miel : le bochet.

Première classification des vins de France : « La Bataille des vins », poème d’Henri d’Andéli de 1224.

Pour revenir à nos trois dames de Paris, elles sont expertes en vin. L’une préfère le vin de rivière, l’autre, le grenache (vin espagnol) et la troisième, je n’ai pas entendu. Elles finissent par manger des harengs salés, qui ne sont qu’un prétexte pour boire davantage (à cause du sel) et faire rire puisque le décalage est grand entre ce met modeste et le véritable festin qui les précède.

Vins d’Auxerre, de Beaune et de la Rochelle (ancêtre des vins de Bordeaux), sont estimés à l’époque.

Arles, 1430 : 2,5 litres de vin par jour et par personne mais titrage alcool très faible, entre 4 et 6 degrés, comme le cidre.
Cette grande consommation s’explique en partie par l’eau qui était de mauvaise qualité : les gens préféraient prendre de l’eau dans la Seine plutôt que de la puiser dans les nappes phréatiques, plus polluées à l’époque qu’aujourd’hui.

La hiérarchie sociale des aliments au Moyen-Age : du ciel vers la terre.

a) Hiérarchie chez les végétaux.
1) Poire (fruit aérien)
2) Chou (sur une tige)
3) Épinard (partant d’une racine)
4) Panais (racines)
5) Ail (bulbes)

b) Hiérarchie chez les animaux.
1) Petits oiseaux
2) Oies grasses
3) Mouton
4) Bœuf
5) Porc

Cuisson : La viande était bouillie pour l’attendrir puis rôtie.

Illustration : « Le Viandier de Taillevent » (fausse attribution, il n’en est pas l’auteur).

Rappel : au départ, la viande désignait toute denrée alimentaire, la chair (carne en espagnol) puis la viande. Le rôt en sauce réjouit la vue, le goût (et l’odorat).

Chère ou chair ?
https://lemondedufrancais.com/2012/02/21/la-chere-la-chair-ou-la-chaire/

Sauce aillée rose : ail + raisin.
Ingrédients
  • 30 gousses d'ail
  • 100 Gr d'amandes mondées
  • 50 Gr de mie de pain
  • 100 Cl de jus de raisin

Préparation

  • Broyez les amandes, l'ail et le pain. Ajouter le jus de raisin. Laisser cuire jusqu'à épaississement. Tamiser au chinois.
Source (merci à son auteure) : http://www.crapaudine.com/Sauce-aillee-rose.asp

La cuisine de la conciergerie où a officié le cuisinier Taillevent vient d’être restaurée à Paris.

À Paris précisément, ville d’abondance et de luxe, il y avait une diversité incroyable de métiers alimentaires, dont les « vivandiers »*, vendeurs de fast-food médiéval. Par exemple, des petits pâtés chauds vendus dans la rue, Rive droite.

*ÉTYMOLOGIE

Bas-lat. vivenda, toute espèce de nourriture, d'où viande (voy. ce mot).
La rue des Ours dans le IIIème arrondissement (entre Étienne Marcel et Rambuteau) par exemple, était la rue des rôtisseurs d’oies, la rue des OYERS. C’est un agent qui s’est trompé et a changé « oyers » en « ours »…

Les trois dames de Paris finissent au Cimetière des Innocents (aux Halles, actuelle place Joachim du Bellay), enterrées sous des déchets et des immondices et réclament encore : « à boire et des tripes ! ».

Ce n’est pas seulement un fabliau à la morale misogyne, c’est aussi une histoire qui permet de connaître les normes, les habitudes alimentaires et les produits du Moyen-Âge.

Marco Polo est allé en Chine pour des raisons religieuses mais aussi économiques dont la proximité des épices.

À partir du XVIème siècle, c’est la dénonciation du sucre, on distingue le sucré du salé et le cours des épices s’effondre au XVIIème, le sucre étant considéré par ailleurs comme une épice dès le Moyen-Âge, vendue sous forme de pain, vendue comme un médicament chez les apothicaires aux nobles.

Le vin pétillant n’apparaît qu’au XVIIIème siècle.

« Le XVIIe siècle et la cuisine classique française »
Le règne de Louis XIV voit éclater une véritable révolution culinaire en France. Le règne des épices s’effondre et la séparation du sucré et du salé est consacrée

Rappel : le mot français « sucre » vient de l’italien « zucchero » qui vient de l’arabe « soukar » qui vient de l’hindi « sarkara ». Le sucre est connu dès le XIème siècle (apogée au XVème siècle) en Sicile. L’Inde est le premier pays producteur de sucre issu de canne à sucre au monde, savoir-faire exporté en Chine.

• 1095-1291 : Les Croisades et la volonté des chrétiens d’Occident de reconquérir la Terre Sainte vont contribuer à diffuser plus largement encore la canne à sucre.

• Dès la première croisade (1096-1099), les pèlerins font la découverte du sucre, qu’ils rapportent dans leur pays. « Ce sont ainsi les croisés qui, à partir du XIIe siècle, vont faire véritablement connaître le sucre à la population européenne. » Certains deviennent à leur tour planteurs, notamment dans les îles de la Méditerranée reprises aux Arabes.

Sources :

http://www.lesucre.com/sucre-de-a-a-z/histoire/frise-chronologique.html

http://journals.openedition.org/remmm/6363

Au XVème siècle, les Anglais sont les plus grands consommateurs de sucre car ils avaient plus de mal à l’obtenir (colonisation de l’Inde seulement au 18ème).

Le poivre est connu depuis le XI-XIIème siècle grâce à l’Indonésie (et les Pays-bas ?).

Article complet super bien illustré : 

https://www.pariszigzag.fr/histoire-insolite-paris/que-mangeaient-les-parisiens-au-moyen-age 

Sites de recettes médiévales parmi d’autres :

http://www.crapaudine.com/Tip18Library.asp

http://www.vivianemoore.com/pages/recettes.htm

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